
En ce mois de décembre 2025, la France rurale ne se contente plus de murmurer son désarroi : elle le crie, elle le hurle, elle le clame sur les routes nationales, les ronds-points, jusqu’aux portes des préfectures et même devant les institutions européennes. Le Sud-Ouest a allumé la mèche, mais c’est désormais tout le territoire qui s’embrase autour d’une colère agricole qui dépasse de loin la question sanitaire de la dermatose nodulaire contagieuse.
Car derrière l’abattage systématique de troupeaux — symbole d’incompréhension et de rupture — se profile une défiance plus profonde envers l’État, Bruxelles, et un modèle agricole européen jugé incapable de défendre ceux qui nourrissent le pays.
L’abattage massif, la goutte d’eau qui fait déborder les campagnes
Tout est parti de l’Ariège, le 9 décembre : un foyer détecté, puis l’abattage de centaines de bovins malgré l’opposition farouche des éleveurs. Entre pneus brûlés, routes bloquées et veillées nocturnes, les images diffusées dans tout le pays ont eu l’effet d’un électrochoc.
En une semaine, la mobilisation a essaimé :
– plus de cent foyers de DNC recensés,
– près de 3 300 bêtes abattues,
– et des barrages sur les grands axes du Sud-Ouest, puis en Rhône-Alpes, en Occitanie, en Bourgogne, en Normandie, jusqu’aux portes de la Bretagne.
Les syndicats — pourtant souvent opposés — ont parlé d’une seule voix : Confédération paysanne, Coordination rurale, FDSEA, Jeunes agriculteurs. Tous ont dénoncé des mesures disproportionnées, l’absence de concertation, et une politique sanitaire vécue comme une « punition » plutôt qu’un soutien.
Des gestes forts : lisier, feux, tracteurs… et symboles
Sur les routes et devant les institutions, les actions ne sont pas qu’un rapport de force : elles sont un langage.
À Lannion, du lisier projeté sur les murs de l’agglomération. À Rennes, un barrage de tracteurs devant la DRAAF.
Dans le Sud-Ouest, des agriculteurs prêts à passer Noël sur les barrages. Dans la Manche, un feu annoncé comme « flamme de la détresse ».
Ces gestes disent la même chose : le fossé entre les bureaux parisiens ou bruxellois et ceux qui vivent la terre au quotidien n’a jamais été aussi visible.
De la maladie bovine à Mercosur : l’extension du domaine de la lutte
La contestation ne s’arrête pas à la DNC. Très vite, d’autres griefs ont ressurgi :
– la baisse annoncée du budget PAC ;
– l’accord UE–Mercosur ;
– la concurrence étrangère ;
– les normes environnementales ;
– et la pression fiscale.
Et c’est là que réside le cœur du mouvement : la dermatose n’a été qu’un déclencheur. Les racines, elles, sont socio-économiques, politique, et existentielles.
Pour beaucoup d’agriculteurs, ce qui se joue dépasse la survie d’un troupeau : c’est la survie d’un modèle de vie, d’une filière, d’un territoire.
D’où la perspective inquiétante, mais bien réelle : la convergence des luttes agricoles avec d’autres secteurs. Routiers, artisans, professions libérales rongées par les normes… Les ingrédients d’une contagion sociale sont réunis.
À Strasbourg, les tracteurs français ont rejoint ceux venus d’Allemagne, d’Italie, et de Belgique. Bruxelles se prépare à accueillir jusqu’à 10 000 agriculteurs.
Le message est simple : ni Mercosur, ni baisse de PAC, ni économie sans souveraineté alimentaire.
Cette européanisation de la colère agricole n’est plus une hypothèse : c’est une réalité.
Cette colère révèle la lassitude face à des réglementations jugées coupées du réel mais aussi l’exaspération face à l’importation de produits moins chers et l’inquiétude face à la disparition d’une génération d’éleveurs.
Elle dit aussi — et c’est nouveau — que les campagnes ne se contentent plus de subir. Elles ripostent.
Et si le gouvernement a promis vaccination, indemnisations et renforts vétérinaires, les syndicats ne s’en satisfont pas.
L’avertissement est clair : si Bruxelles maintient son cap, si Paris ne recule pas, alors le pays pourrait connaître une mobilisation longue, structurée, et plus large que celle de 2024.
Une crise agricole… ou une crise de civilisation ?
Ce que nous observons n’est pas seulement un conflit sanitaire. C’est un affrontement entre deux visions : celle d’une agriculture productrice et enracinée et celle d’une technocratie qui parle quotas et marchés mondiaux.
Le monde rural s’est longtemps tu. Aujourd’hui, il a trouvé sa voix — et ses alliés.
Le bras de fer ne fait que commencer.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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