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MACRON L'EUROPÉEN

MM. Macron et Orban

Avec la visite d'Emmanuel Macron à Budapest hier chez Viktor Orban, la PFUE (ça ne se prononce pas sinon ça fait pfffuuu...) est lancée. Le 9 décembre dernier le président a présenté le grand catalogue des actions européennes de la France à la barre, il va enfin revêtir la toge écarlate de César, la couronne fermée de Charlemagne ou le bicorne de Napoléon, au choix, et il tutoie déjà le pape qui n'est pas son cousin.

Si l'on devine à peu près bien le contour des interventions françaises dont la mutualisation de la dette est la fréquence porteuse, on ne voit pas dans ces présentations la France réparer l'Union européenne ni dans son travers technocratique que va renforcer le fédéralisme allemand, ni dans son affirmation campée face aux défis très dangereux qu'elle affronte au sein du camp occidental. Parler de "souveraineté européenne" est ajouter un sous-ensemble flou à tous les autres. L'Europe liquide dont l'horizon recule à mesure qu'on avance va rester à l'état de chimère jusqu'à ce que sa viabilité même soit mise en cause.
M. Macron va prendre les dossiers, les augmentera et les reclassera autrement, mais le cadre général institutionnel sera laissé en l'état, déliquescent et sans but. En fait non ! Il y en a un, celui de la bureaucratie bruxelloise qui est de fédérer l'Union pour accroître, s'il en était encore besoin, son pouvoir technocratique. On parle de nouvelles dévolutions dans des secteurs émotionnellement sensibles comme la santé, l'énergie propre ou même les semi-conducteurs. Homogénéiser les sociétés nationales pour atteindre à l'hégémonie, semble être l'objectif des dirigeants européistes. MM. Macron et Scholz donnent, chacun à sa manière, l'illusion d'une superposition des cibles mais le fédéralisme de l'un et de l'autre n'est pas identique. Si la France cherche à noyer sa gabegie dans une société de secours mutuel, l'Allemagne vise à lisser les aspérités économiques et financières des pays de l'Europe sérieuse, la seule qui lui importe, pour fluidifier les sous-traitances du commerce inter-industriel ; l'Europe rieuse n'étant qu'un assemblage des marchés de proximité pour son industrie exportatrice.
Face à eux-deux, l'Europe orientale libérée du joug soviétique qui ne compte pas en subir un autre. Elle est carrément contre l'entropie réglementaire des institutions européennes et veut conserver son libre-arbitre, quoi que ces pays aient signé jadis pour entrer dans la Communauté européenne de peur que ne revienne le Béhémot russe. C'est d'ailleurs cette peur qui les a jetés dans les bras de l'OTAN. Ces pays ne sont pas seuls. Deux pays occidentaux au moins suivent de près leurs réticences et les expriment quand on le leur demande, ce sont les royaumes de Danemark et des Pays-Bas. Le premier dispose de dispenses opt-out à l'anglaise ; le second a voté "non" à la constitution Giscard de 2005. Ces pays sont mûrs pour une "Confédération européenne" laissant aux nations la responsabilité de tous les domaines qui s'avèrent mieux gérés au plan national qu'au niveau fédéral. A l'inverse et depuis le départ du Royaume-Uni, ils craignent l'expression concrète d'une volonté de puissance européenne qui, le croient-ils, serait captée par la France en protection de ses intérêts propres (usines d'armement, bases africaines) au prétexte d'une défense européenne que personne ne sait décrire de la même façon. Tiens, la Finlande neutre vient de choisir des F-35 ! Les Cabris du général sont pour l'instant plus nombreux que les confédérés, mais ceux-ci sont au front, ce qui leur donne un levier puissant à porter leurs revendications dans les bureaux de Berlaymont.
Que va faire M. Macron devant leur détermination qui ne faiblit pas ? Incanter sur les "valeurs" ? Menacer les subsides ? Provoquer des jugements ? Ou va-t-il gentiment se coucher dans l'attente du résultat du second tour de la présidentielle le 24 avril, pour ne pas perdre en chemin les alouettes du souverainisme ?
Comme sur la défense européenne qui serait le moment de gloire du quinquennat, il est probable que l'Allemagne d'Olaf Scholz lui demandera de lever le pied en attendant la fin de son petit mandat de six mois (quatre ?), l'Europe sérieuse se chargeant du dossier de la rebellion de Visegrad pour le traiter en considération des intérêts économiques spécifiques, les grandes idées pouvant attendre. Et nul ne troquera le parapluie nucléaire américain contre des engagements fermes des Français : Munich-1938 est dans toutes les mémoires de l'Est. Macron n'a pas de convictions, disaient ses concurrents en 2017 ; il est le vide et le néant, assène Zemmour depuis son pupitre de Villepinte ; je crois qu'on va s'en rendre compte à le voir s'ensabler dans les difficultés qu'une logorrhée sans aucune prise sur elles, ne pourra masquer. Mark Rutte (NL) est près de ses sous, et la plupart des autres aussi, qui ne vont pas ensemencer le champ des illusions françaises de leur bel et bon argent. En l'état de dégradation de notre Etat total, nous ne pouvons avoir aucune crédibilité à demander que changent les choses. Les gérer entre les gnomes de Bruxelles et les gnomes de l'Elysée sera déjà un exploit. Aussi minime soit-il, s'en drapper sera utile pour les législatives du 12 juin 2022. Mais nous aurons raté la fenêtre d'opportunité de rebâtir en dur une Europe des nations qui est la seule qui vaille.

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