Depuis plusieurs semaines, le géant de la diffusion de musique et de contenus audio en ligne Spotify se débat dans la tourmente. En cause, des émissions de Joe Rogan, célèbre « influenceur » américain, dans lesquelles ce dernier évoque des thèses hétérodoxes, critiques et iconoclastes sur la crise sanitaire et les campagnes de vaccination. Un intolérable crime de lèse-covidisme qui a suscité un mouvement d’appel au boycott de la plate-forme ainsi que le retrait de plusieurs artistes de son catalogue, notamment le très gauchiste et très donneur de leçons Neil Young.
Confronté à cette tempête médiatique, Daniel Ek, le PDG de la société a fait parvenir un courriel à l’ensemble de ses employés pour y justifier le maintien en ligne de Joe Rogan et exprimer son refus de la censure. Si l’homme d’affaires « condamne » certains propos « nuisibles » et confirme le retrait de diverses émissions, notamment pour des propos inappropriés à caractère racial, il se déclare opposé aux exigences des plus radicaux de ses contempteurs qui veulent voir tout simplement disparaître Joe Rogan de l’offre Spotify. « Si je condamne fermement ce que Joe a dit et que j’approuve sa décision de retirer des épisodes de notre plate-forme, je réalise que certains veulent davantage. Et je veux dire une chose très clairement : je ne crois pas que réduire Joe au silence soit la réponse », écrit-il dans sa missive adressée au personnel et largement relayée par les médias. Pour Ek, la censure est « une pente glissante » qu’il se refuse à emprunter.
Très populaire, Joe Rogan est lié à la plate-forme d’origine suédoise par un contrat d’exclusivité estimé à cent millions de dollars. A la suite de discussions avec la plate-forme, il aurait accepté de retirer plusieurs dizaines d’émissions, notamment celles où il utilise le terme « nègre », ce dont il s’est excusé « humblement et sincèrement ».
Mais c’est surtout pour ses propos sur le Covid que l’animateur est voué aux gémonies de la bien-pensance. Il est notamment accusé d’avoir découragé la vaccination chez les jeunes et d’avoir poussé à l’utilisation d’un traitement non autorisé (mais défendu par de nombreux médecins comme le microbiologiste japonais Satoshi Omura, prix Nobel en 2015), l’ivermectine, contre le coronavirus.
Si des questions de « gros sous » sont certainement entrées en ligne de compte dans le choix du PDG de Spotify de défendre son « influenceur » vedette, cette prise de position n’en reste pas moins une petite victoire de la liberté d’expression face aux aboyeurs de la nouvelle inquisition du « médicalement correct ». Un cas de « non-aplatissement » suffisamment rare pour être souligné.
Xavier Eman
Article paru dans Présent daté du 8 février 2022