Après des semaines d’âpres négociations, les pays membres de l’UE ont finalement décidé jeudi, dans le cadre d’une cinquième salve de sanctions qui entrera en vigueur début août, outre l’interdiction d’exportations vers la Russie à hauteur de 10 milliards d’euros, le gel des avoirs de plusieurs banques russes ou encore l’élargissement de leur « liste noire » à plus de 200 proches du Kremlin, la mise en place d’un embargo sur le charbon russe. Une dernière mesure qui devrait leur coûter très cher puisque, rappelons-le, l’UE n’importe pas moins de 45 % de son charbon de Russie.
Cependant, dans leur volonté suicidaire de sanctionner Moscou « quoi qu’il en coûte », les Vingt-Sept ne semblent pas près de s’arrêter en si bon chemin : sous la pression du Parlement de Bruxelles, qui réclame l’imposition d’un embargo « total et immédiat » sur les importations « de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz » russes, ceux-ci pourraient bien décider lundi prochain, lors d’une nouvelle réunion, d’aller encore plus loin dans leurs sanctions contre le secteur énergétique russe. Au risque de saborder leurs propres économies…
Cent euros par adulte pour un embargo sur le gaz
Le fameux « Conseil d’analyse économique », dont la mission n’est autre que d’éclairer notre gouvernement, a beau affirmer dans sa note du 4 avril qu’un embargo sur le gaz russe n’aurait qu’« un impact relativement faible » sur les pays de l’UE et serait donc « gérable », l’addition n’en resterait pas moins salée pour des Français déjà durement frappés par une inflation galopante. Estimée par le CAE à environ 0,15 % à 0,3 %, la perte de notre revenu national brut entraînée par cet embargo coûterait en effet quelque 100 euros par adulte ! En outre, un tel boycott ayant évidemment des conséquences beaucoup plus graves sur les pays membres davantage dépendant du gaz russe que nous, cela contraindrait notre pays, comme l’indique le CAE dans sa note, à « une solidarité européenne ». Autrement dit, les Français, déjà dévalisés par le fisc, pourraient bien être contraints de mettre à nouveau la main à la poche pour venir en aide à la Bulgarie, la Finlande ou encore la Slovaquie.
Enfin, en plus d’entraîner une terrible hausse des prix pour les particuliers, un embargo sur le gaz russe aurait, comme la souligné jeudi sur Radio Classique Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d’administration d’Engie, un impact « très significatif » sur l’économie européenne. En effet, a-t-il expliqué, si « nous serions probablement capables de remplacer à peu près la moitié » de nos importations de gaz russe, « le reste, à très court terme, devrait être compensé par une réduction des consommations, particulièrement dans les secteurs industriels », qui représentent 25 % de la consommation de gaz. « Il n’y aurait pas d’impact dans l’immédiat », a précisé Jean-Pierre Clamadieu, car « nous arrivons dans la saison d’été en matière gazière, c’est-à-dire celle dans laquelle on reçoit plus de gaz qu’on en consomme ». Mais les conséquences d’un tel embargo se feraient immanquablement sentir « lors de l’hiver prochain ».
Franck Deletraz
Article paru dans Présent daté du 8 avril 2022