« L'expulsion et la reconduite aux Comores de l'imam de la mosquée de Saint-Chamond, Mmadi Ahamada, c'est ma victoire ! » déclare Isabelle Surply, conseillère municipale de la ville et élue régionale qui ajoute, au téléphone : « Mais c'est aussi la victoire de tous ceux qui m'ont soutenue. »
C'est fort probable que, sans elle, rien ne serait arrivé : les prêches prônant la soumission des femmes, leur interdiction du lieu de prière sous prétexte fallacieux du Covid et voile obligatoire pour les petites filles, sans compter les liens affichés par l'imam avec la figure de la mouvance salafiste (aujourd'hui décédé) Rachid Haddache ont eu le don de galvaniser l'énergie de cette mère de famille de 37 ans qui « compte bien participer coûte que coûte à la conservation de notre modèle de vie christiano-occidental ».
Forte de son expérience de conseillère en entreprise, l'élue n'a cessé d'interpeller les autorités publiques. D'abord via les réseaux, puis par mail et lettres recommandées envoyées toutes les semaines aux services de la préfecture de la Loire, elle « pilonne » les autorités « pour qu'elles n'aient pas d'autre choix que d'appliquer la loi qui est bien faite », alertant sans relâche les médias, ces « formidables leviers ». « Une manière aussi de faire comprendre aux gens que lorsqu'ils sont impliqués, leurs élus sont efficaces. » Des efforts qui ont porté leurs fruits : Gérald Darmanin s'est saisi de l'affaire et a entamé une procédure qui s'est soldée, ce lundi 2 mai (« jour de l'aïd ! », souligne malicieusement Isabelle Surply), par l'expulsion de l'imam Mmadi Ahmada.
Cette grande jeune femme affiche une énergie et une combativité hors normes. L'échec du « vivre ensemble », elle connaît, elle l'a vécu. Lors de ses années de collège à La Seyne-sur-Mer : « Là-bas j'étais celle qui se fait harceler ; trop catho, trop bien élevée, trop “première de classe ”, ils m'ont même fait manger de la boue ! » Jusqu'à ce jour où, contrainte de se déplacer avec des béquilles, un camarade lui fait un croche-patte : « Ce jour-là, j'ai vidé mon casier et j'ai annoncé à mes parents que je n'y retournerais plus. Je les ai suppliés de m'inscrire dans un pensionnat catholique, chez les religieuses. »
Le goût de la politique, chez Isabelle Surply, c'est son père qui le lui a donné : « En famille, on en parlait beaucoup. » À 18 ans, elle adhère au Front national et rejoint tout naturellement les rangs de la Manif pour tous car, pour elle, « la défense de la vie, c'est sacré ». Devenue stéphanoise d'adoption, elle est élue au conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2015, puis à la municipalité de Saint-Chamond en 2020, ville de 35.000 habitants. Elle se dit conservatrice et populiste au sens où « militer, c'est s'occuper des gens, et les gens, je les aime ! »
C'est aussi une lanceuse d'alerte. Un exercice dangereux : depuis le mois de mars, l'élue est sous le coup d'une mise en examen pour diffamation. Visée par le Conseil du culte musulman pour les mêmes propos qui ont permis aux autorités d'expulser l'imam. Une situation kafkaïenne...
Il y a plus grave : les menaces de mort, de décapitation, de viol, de « On va tuer tes bébés » sont devenues le quotidien d'Isabelle Surply. Du jour où, en 2016, elle poste une vidéo sur les réseaux sociaux d'un rassemblement de femmes voilées dans une rue de Lyon avec ce commentaire : « Ai-je encore le droit de dire que je ne suis plus chez moi ? »
Elle dépose plainte. Huit ou neuf fois, sans succès : « Jusqu'à aujourd'hui, j'étais un peu naïve, je pensais que c'était normal, ce silence des autorités. » Mais aujourd'hui, ses amis et l'ASLA (Association de soutien des lanceurs d'alerte) qui lui ont spontanément fourni un avocat et constitué une cagnotte pour ses frais de justice lui font prendre conscience que « tout ça peut très mal se terminer pour elle et sa famille » : une situation qui justifierait sa mise sous protection par l'État qui ne vient pas.
Comment cette mère de quatre jeunes enfants peut-elle tenir le coup ? Au téléphone, sa sérénité transparaît : « Ma famille m'aide beaucoup. Et aussi la musique sacrée (c'est tout bénef !) », car la militante, à ses heures perdues, est aussi chef de chœur !
Les fractures politiques de son camp (entre le RN qu'elle a quitté à la région et Reconquête) lui ont fait verser des larmes. Celle qui se sent « à 99 % d'accord avec les idées de Marion » n'a pas d'ennemis à droite et se garde bien de « devenir une politicienne accrochée à un mandat » : « Il y a des milliards d'autre choses à faire, à commencer par le terrain associatif que la droite a abandonné depuis bien trop longtemps. »
Isabelle Surply le confie : elle revient d'une retraite spirituelle, l'occasion de trouver des réponses à ses questions. C'est peut-être d'abord là qu'elle tire cette énergie.
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