Et maintenant, la Finlande. La Finlande qui a émis le vœu d’adhérer à l’OTAN. Emmanuel Macron a aussitôt réagi, on va dire, avec enthousiasme : « Le président de la République a indiqué que la France soutenait pleinement le choix souverain d’adhérer rapidement à l’OTAN », annonçait, jeudi 12 mai, un communiqué de l’Élysée. Au passage, ça lui va bien de parler de « choix souverain » au moment même où il applaudit des deux mains à l’idée de renoncer à la règle de l’unanimité au sein de l’Union européenne, ce qui aura pour conséquence d’affaiblir ce qu’il reste à la France de sa souveraineté.
Et maintenant, donc, la Finlande qui se dit prête à renoncer à sa neutralité pour adhérer à cette machine colossale qu’est l’OTAN afin de renforcer sa sécurité. Mais aussi une adhésion qui « renforcerait l’alliance dans son ensemble ». C’est ce qu’ont affirmé le président et le Premier ministre finlandais. Certes, la Finlande est un petit pays (5,5 millions d’habitants), mais c’est 1.300 kilomètres de frontière commune avec la Russie. À titre indicatif, Helsinki, capitale de cet État indépendant depuis 1917, est à moins de 400 kilomètres de Saint-Pétersbourg. Certes, la Finlande est déjà membre de l’Union européenne depuis 1995. Mais, semble-t-il, l’Union européenne n’est pas une alliance guerrière. Certes, l’OTAN est une alliance défensive et, donc, elle ne menace pas d’invasion la Russie. C’est pourquoi, d’ailleurs, elle est intervenue en Afghanistan et en Libye… Certes, les Russes sont les méchants et les Ukrainiens sont les gentils. Certes…
Mais prenons un risque, celui de passer pour un agent de la Russie - car aujourd’hui, dans l’atmosphère d’hystérie de pré-guerre, émettre un bémol quant à la belle harmonie pro-Ukraine, c’est frôler la cour martiale -, prenons un risque donc, celui de se mettre à la place de la Russie, et ce, sans pour autant excuser son agression de l’Ukraine. Depuis la chute de l’Union soviétique et du communisme, les frontières de l’OTAN ne cessent de se rapprocher de la Russie. La disparition du pacte de Varsovie n’a pas été suivie de celle de l’OTAN. Au contraire. L’Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie - anciens satellites de l’URSS - ont même intégré l’OTAN. Aujourd’hui, seuls les trois États baltes et la Pologne sont frontaliers de la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine faisant « écran », en quelque sorte, entre l’empire otanien et l’empire moscovite. L’entrée de la Finlande dans l’OTAN ne serait donc pas anodine. Et se satisfaire, comme le fait Macron, d’un « choix souverain » de la Finlande ne peut qu’inquiéter.
Il ne peut qu’inquiéter car ce projet d’adhésion concourt à cette escalade vers la guerre. La guerre, la vraie, celle que les techniciens de la chose qualifient de « haute intensité ». Traduire : celle qui tue par centaines et milliers, non pas des avatars d’un ixième jeu vidéo, mais des jeunes gens – car ce sont des jeunes et non des vieux qui font la guerre depuis la nuit des temps. La France s’est peut-être habituée à ces cérémonies présidées par le chef des armées aux Invalides pour rendre hommage à ces gamins de France, morts « loin de chez nous ». La France s’est habituée à voir, recouverts du drapeau tricolore, un, deux, dix cercueils (Uzbin, 2018). Mais lorsque cela sera par centaines ? Car c’est ce que signifie le combat de « haute intensité ». En avril dernier, Ouest France évoquait, pour la Russie, plus de 1.000 soldats russes tués, ajoutant que « certaines sources occidentales vont jusqu’à 12.000 morts ». Il est évident que si la France devait être embringuée dans une guerre, les pertes seraient hors du commun avec ce qu'elle a pour l’instant subi dans les OPEX (opérations extérieures) de ces dernières décennies. Il faut en être conscient.
En être conscient. Or, que nous dit Henri Guaino, dans une tribune de haute tenue publiée dans Le Figaro, le 12 mai ? Que « nous marchons vers la guerre comme des somnambules ». L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy fait d’ailleurs un parallèle avec la situation de 1914. Certes, des circonstances bien différentes, mais ce même engrenage, ce même aveuglement, cette même fuite en avant. J’ajouterai : cette même ignorance de la réalité de la guerre. Oui, car combien de nos « responsables politiques » va-t-en-guerre ont un fils ou une fille sous l’uniforme, prêts à faire le sacrifice de leur vie ? Encore faudrait-il, me direz-vous, avoir des fils et des filles…