Après s’être donné en spectacle au G7, Emmanuel Macron est revenu aux affaires courantes. Sans plus de succès. Un remaniement plus tard, il n’a toujours pas de majorité. Décidément, c’est plus facile de monter une coalition contre Poutine que contre Marine.
Hey Joe, c’était jusqu’à présent le titre d’une chanson de Jimi Hendrix. C’est désormais une vidéo gag virale de Macron interpellant, la main sur l’épaule, Joe Biden au sommet du G7 devant les caméras du monde entier.
Vous rappelez-vous Chateaubriand : « Tout à coup une porte s’ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime. M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché. » C’était un peu la même scène au G7, en moins théâtral : « Tout à coup une caméra saisit sur le vif l’image qui fera le tour du Net : déboule piteusement la sénilité appuyée sur le bras de la servilité. M. Biden marchant soutenu par M. Macron plus larbin que jamais. » Ah, si on n’était pas français, on en rirait ; mais voilà, nous sommes français. Quand Macron se ridiculise, c’est son problème, mais quand il ridiculise la France, ça devient notre problème.
Depuis quand Macron n’a-t-il plus de filtre, plus de mécanisme d’autocensure, plus de secrets d’État à cacher ? Sûrement a-t-il renoncé à son surmoi quand il a officialisé sa relation avec Brigitte à l’âge de 15 ans. Au diable, les conventions ! Depuis, plus rien ne le retient. Il n’y avait que Trump pour l’intimider en lui broyant les mains et en le toisant du haut de la Trump Tower ou de son 38-tonnes comme un chauffeur routier regarde un homme soja au volant de sa voiture électrique. Alors Macron faisait moins le malin, mais avec Biden, Trudeau, Ursula von der Leyen, c’est La croisière s’amuse en Bavière. Ne manquait au G7 que Giscard en maillot de bain avec Gerald Ford.
OSS 117 au G7
Cela fait longtemps que la twittosphère compare Macron à Jean Dujardin dans OSS 117, mais là, au G7, il s’est surpassé. On se serait cru sur un tournage avec la doublure d’Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117. Le G7, nid d’espions ! Dujardin lui-même en convient : il dit de Macron qu’il a des « phrases de jeune vieux ». Il enchaîne les énormités qui ne font rire que lui. Il est de plus en plus décalé avec la réalité, de plus en plus ringard. Il ressemble à un produit à la mode dans les années 1970, une sorte de Giscard en moins dégarni, les pattes de cheveux en plus, rehaussées d’une vrai-fausse moumoute. L’arrogance du techno condescendant pris au piège des nouvelles technologies. Prononcer « condescendant » en détachant la première syllabe. Descendant ? Plongeant même dans les sondages. Marine caracole en tête, lui dégringole.
Question :
« Hubert-Emmanuel Bonnisseur de La Bath, n’êtes-vous pas le meilleur ? »
Et Hubert Bonnisseur de La Bath, alias Emmanuel Caméléon, de répliquer : « Je répondrais oui ça serait de la prétention, je répondrais non ça serait de la bêtise, ahah ! »
Rien ne va. L’Élysée ne répond plus. Plus d’alliés sinon ce boulet de Copé. Les rares éléphants de la macronie : humiliés aux législatives ; des ministres battus par des inconnus ; un Damien Quasimodo Abad qui collectionne les accusations de viol et se croit au-dessus des lois parce que son atout charme dans une société inclusive, c’est son handicap. Abad Quasimodo n’escalade pas les tours de Notre-Dame, mais les tours de poitrine des Esméralda qu’il rencontre dans les bars. Zou à la trappe ! Il va retourner faire le député de l’Ain en attendant de se présenter devant le juge. On lui conseille de prendre pour avocat Éric Dupond-Moretti, Monsieur « Acquitator », qui plaidera la présomption de virginité.
On ne donne pas cher d’Élisabeth Borne. Son contrat d’intérimaire gouvernementale est reconduit jusqu’à la prochaine crise, en septembre a priori. Borne I me filait le bourdon, Borne II a réveillé de vieilles douleurs articulaires, des lombalgies du fond des âges. Elle devait trouver un « accord de gouvernement ». Comment aurait-elle pu ? Avec l’appui des LR ? Évidemment qu’ils vont se compromettre, mais pas tout de suite. Qui du reste a envie de fêter son anniversaire avec Élisabeth Borne, à part Damien Abad ? Elle a le charisme d’une chef de bureau, le charme d’une sous-préfète, l’entrain d’une congrégation presbytérienne. Au secours ! Après l’avoir vue sur scène, difficile de dire : « A star is Borne ! »
Élisabeth Borne maintenue, mais désavouée
Elle ne sollicitera pas la confiance des députés. À quoi bon ! Elle n’aura aucun pouvoir. C’est l’Élysée qui décidera – pour la galerie. Elle voulait la peau de Gérald Darmanin, il a vu ses prérogatives élargies. Pas seulement intérimaire donc, potiche aussi et godiche. Ne lui jetons cependant pas la pierre, elle est méritante. Sous la IIIe, elle aurait eu tous les pouvoirs ; sous la Ve, elle est condamnée à faire de la figuration.
On prend les mêmes et on recommence. Ne manque que Jean Castex pour se croire revenu deux ans en arrière. Une pincée de Modem, une cuillère à soupe d’Édouard Philippe, 50 grammes de LR, un zeste de wokisme, une tranche de margarine progressiste. Les équilibres de la macronie sont respectés, mais la recette est éventée.
Il y a quand même deux bonnes nouvelles dans ce gouvernement Borne II. La première, c’est qu’il n’y aura pas de Borne III. La seconde, c’est que Marlène est de retour. C’est ma faiblesse, mais je l’aime bien, Marlène Schiappa. Elle me fait penser à Maïté qui animait les émissions de cuisine sur France 3 au XVIIe ou au XVIIIe siècle et cuisinait les anguilles vivantes à grands coups de gourdin. Un peu de douceur féminine dans ce monde de toxicité masculine faisait du bien.
Le macronisme est une formule épuisée qui n’arrive plus à se renouveler. On en connaît les tours de passe-passe. La magie n’opère plus, si tant est qu’elle ait jamais opéré. En 2017, l’Élysée était une sorte de super-cabinet de chasseurs de têtes. Aujourd’hui, plus personne ne veut du « job ». C’est le désert. Il n’y a pas de profondeur de banc, comme on dit au foot. En plus, c’est l’équipe B qui joue. Nécessité faisant loi, c’est le jeu des chaises musicales et la rotation des postes qui se sont imposés à tous. Un arrière droit doit pouvoir jouer au poste d’ailier gauche, mais un arrière empoté qui a les pieds plats les aura carrés devant le but. Nul, archinul ! Dans ces cas-là, on redouble ou on démissionne, en bloc, question d’honneur.
La foudre a frappé Jupiter
On sait combien le souverainisme est en deuil depuis que Jean-Pierre Chevènement a rejoint Macron. Mais au moins Jean-Pierre aurait-il pu apprendre à Emmanuel l’art de la démission élégante. Il y avait de quoi après le camouflet des législatives. Fut un temps où la moindre entorse à l’honneur poussait les garçons à s’exiler définitivement dans leur château de famille en province et les filles à vivre en réclusion dans un monastère. Aujourd’hui, on s’accroche au pouvoir comme les moules au rocher. De temps en temps, on en décroche une : Damien Abad. Mais les autres, les Dupond-Moretti mis en examen et les Chrysoula Zacharopoulou, la Doc Gynéco du macronisme, spécialiste de la défloration des hymens : inamovibles. Élisabeth Borne a bien présenté timidement sa démission. Macron l’a refusée à son grand soulagement. Aucun honneur. Dans ce monde-là, le point d’honneur est devenu un doigt d’honneur ; et c’est à nous que Darmanin et ses copains l’adressent.
Macron a voulu en finir avec la politique au nom du culte d’une efficacité douteuse. La politique s’est vengée en le privant de majorité. Le macronisme est un pragmatisme sans profondeur. Faute de consistance idéologique, il est condamné au mouvement perpétuel. S’il s’arrête, il chute aussitôt. En Marche le dit bien assez. Or voilà que Macron est enlisé dans une sorte d’empêchement à la française.
Souhaitons que son second mandat finisse par un mandat de dépôt. « On dit de moi que je suis Jupiter, je vais devenir Héphaïstos et forger », se vantait-il il y a un mois. Pour le moment, il doit d’abord apprendre à ramer à contre-courant ! Quant à la foudre jupitérienne, elle lui est tombée dessus. Depuis, il n’en finit pas de dévaler les marches de l’Olympe. La roche tarpéienne est proche du Capitole. Rien de tel qu’une citation latine pour conclure une chronique. Sic transit gloria mundi !