Le 7 octobre 1571, une flotte chrétienne livre bataille à la flotte turque. C'est le point d'orgue d'une croisade organisée par le pape Pie V pour délivrer l'île de Chypre que les Turcs viennent de conquérir.
Les Turcs sont défaits à la surprise générale. Avant Lépante, ils n'avaient connu aucune défaite face aux chrétiens, après Lépante, ils n'allaient plus connaître aucune victoire.
Des Occidentaux peu empressés de se battre
Quand le pape appelle les chrétiens d'Occident à une nouvelle croisade, l'empire ottoman est déjà sur le déclin.
Le sultan qui réside à Istamboul a nom Sélim II Mast, c'est-à-dire l'Ivrogne. Il est le fils aîné du sultan Soliman le Magnifique qui porta l'empire à son apogée.
Seules des grandes puissances, l'Espagne, la Sicile, la Savoie, Gênes, Malte et la République de Venise, suzeraine de Chypre, répondent à l'appel du pape Pie V.
Il est vrai que la ferveur religieuse en cette fin de Renaissance n'est plus ce qu'elle était au coeur du Moyen Âge, trois ou quatre siècles plus tôt...
Les États alliés forment solennellement une «Sainte Ligue» le 24 mai 1571 à Rome. Leurs galères se regroupent aussitôt à Messine, au sud de l'Italie, sous le commandement de don Juan d'Autriche, demi-frère du roi Philippe II d'Espagne. Même le modeste duc de Savoie Emmanuel Philibert contribue à l'effort militaire en envoyant ses trois galères basées à Nice.
Victoire totale
En secret, les Vénitiens construisent dans leur chantier naval de l'Arsenal, sur la lagune, six galères d'un genre inédit : baptisées galéasses, elles sont équipées de canons pointant dans toutes les directions.
Les Turcs, de leur côté, se préparent à l'affrontement en regroupant leur flotte près de la base navale de Lépante, non loin de la ville grecque de Corinthe.
La rencontre entre la flotte croisée et la flotte turque se produit dans le golfe de Lépante. Elle met aux prises les 213 galères de la «Sainte Ligue» (dont une moitié de vénitiennes) et quelques 300 vaisseaux turcs.
On estime à environ cent mille le nombre total de combattants (marins et soldats) dont 30.000 du côté chrétien.
Les équipages des deux camps sont composés de Grecs. Du côté chrétien, ils viennent des îles Ioniennes occupées par Venise, du côté turc du reste de la péninsule.
Les navires s'éperonnent et très vite les fantassins s'affrontent sur les ponts comme sur un champ de bataille. Les Occidentaux, dont les galéasses font des exploits, remportent une victoire complète. Une cinquantaine de galères turques sont coulées, une centaine d'autres capturées.
L'amiral turc Ali Pacha est fait prisonnier et décapité. 15 000 captifs chrétiens sont libérés. Les croisés eux-mêmes ne perdent que 12 navires et (tout de même) 8 000 hommes.
Retentissement de Lépante
La victoire de Lépante a un immense retentissement dans la chrétienté car elle libère les Occidentaux de la peur ancestrale des Turcs.
Elle permet accessoirement au roi d'Espagne de se poser en champion de la Contre-Réforme catholique.
Pour Venise, cependant, Lépante a le goût amer d'une victoire à la Pyrrhus. Ruinée par l'effort de guerre et la suspension de son commerce avec l'Orient ottoman, la République se détache de ses alliés et négocie avec les Turcs. À ceux-ci, elle reconnaît la possession de Chypre, qui avait été pourtant son but de guerre, en échange de la reprise de son commerce.
Les Turcs n'ont guère de raison de se réjouir. Ils conservent l'île de Chypre malgré leur défaite mais ne sont plus en état de se lancer dans de nouvelles aventures.
Ce tournant est lourd de conséquences pour l'empire ottoman. Sa richesse ne reposait en effet que sur l'expansion territoriale et l'exploitation des nouvelles conquêtes, comme beaucoup plus tôt l'empire arabe. À la différence de l'Occident chrétien, il était incapable de se développer par lui-même. Dès lors que l'ère des conquêtes est close, il ne va plus cesser de s'appauvrir.
Marie Desclaux.