La chronique de Philippe Randa
Braun. François Braun. Pour ceux qui l’ignoreraient, c’est le nouveau ministre de la Santé et de la Prévention. Un ministre qui entend faire bouger les choses : ambition que son prédécesseur Olivier Véran, devenu porte-parole du gouvernement, appréciera comme on s’en doute.
Les « choses », dans le domaine médical, c’est entre autres, le souci des déserts médicaux… Fort bien ! Il n’en serait effectivement que temps et même « grand temps », personne ne le contestera.
« Médecin de terrain », « écouter », « aider », « vite » : qu’en termes de communication choisis ces choses sont dites pour ne contrarier personne et ne pas risquer d’être critiqué, même si des esprits chagrins peuvent traduire de si belles intentions en ces termes plus exacts : « On va voir ce qu’on va voir en laissant le temps au temps tout en se dépêchant de ne pas se précipiter » …
Et donc, pour mettre en œuvre son plan audacieux, rien de mieux qu’une première réunion du Conseil national de la refondation (CNR) sur le thème de la santé le lundi 3 octobre, au Mans (Sarthe)…
Pourquoi le choix de cette région ? Parce que, dixit le ministre, c’est « un territoire où les problèmes d’accès à la santé sont importants, mais où l’intelligence locale collective parvient à trouver des solutions. C’est ce qui m’intéresse, c’est d’aller voir comment ils font. »
On est évidemment tout aussi curieux que lui de connaître lesdites solutions, guère miraculeuses néanmoins, puisqu’en mars dernier, le même quotidien Ouest-France relayait une enquête de UFC Que choisir Sarthe nous apprenant que neuf médecins généralistes sur dix et autant de dentistes ne prenaient plus de nouveaux patients… et que 13 % de la population du département se trouvait sans médecin traitant, selon l’Association de citoyens contre les déserts médicaux (ACCDM).
N’empêche, François Braun est « très confiant », puisque « les représentants de nos “parties prenantes” nationales ont compris la démarche », qu’il y a « une vraie volonté de participer », et « des concitoyens qui veulent qu’on prenne en compte leurs problèmes », ainsi que « des professionnels de santé, des élus, qui ont leur rôle à jouer… »
François Braun est indiscutablement maître dans l’art de parler pour ne strictement rien dire !
Mais qu’on se rassure, si toutes les solutions n’existaient pas (encore ? déjà ? Ah bon ?) dans la Sarthe, « il y aura une partie nationale, avec interrogation des Français par voie numérique et discussion autour de questions transversales, qui va prendre un peu plus de temps. »
Plus de temps est un peu contradictoire avec la volonté du Ministre d’aider les territoires « à mettre leurs solutions en œuvre. Et vite », mais bon, va pour la rapidité sans précipitation, pas trop vite le matin et doucement l’après-midi, donc !
En attendant, les Français pourront toujours se consoler en adaptant à son intention la chanson Zangra de Jacques Brel :
Je m’appelle Braun et je suis Ministre
Au gouvernement d’Élisabeth Borne
Et je veux être aussi un héros
En attendant ce jour je m’ennuie quelquefois
Alors je vais au Mans qui domine les déserts médicaux
D’où les solutions viendront qui me feront héros.
Je m’appelle Braun hier trop insignifiant ministre
Quand je quitterais le ministère on risque bien
Que les déserts médicaux soient toujours là,
Au Mans comme ailleurs
Et je ne serai pas héros…