Ainsi, ce jeudi 13 octobre, « en marge d’une réunion de l’OTAN à Bruxelles », nous dit La Croix, l’Allemagne a signé avec douze autres membres de l’Union européenne une déclaration d’intention pour se constituer un bouclier antimissile européen. Et le choix de Berlin, qui est à la manœuvre, se portera sur (roulement de tambour)… le système israélien Arrow 3. L’affaire ne date pas d’aujourd’hui. Fin mars dernier, le chancelier Scholz avait déclaré qu’il réfléchissait sérieusement à acheter à Israël son système de défense antimissile.
La guerre russo-ukrainienne avait évidemment précipité les choses : « Nous devons nous préparer à la nouvelle réalité d’un pays voisin [en clair, la Russie] qui utilise la force pour parvenir à ses fins. » Rappelons que l’Allemagne, qui ne fait jamais les choses à moitié, a mis cent milliards d’euros sur la table pour investir en matériel au profit de ses forces armées fédérales (Bundeswehr). Un fonds spécial a même été créé pour cela. La renaissance de l’esprit militaire allemand sous la pression de la menace venue de l’Est ?
Esprit militaire mais aussi esprit commercial. En associant douze autres pays de l’Union européenne à ce projet de défense antimissile, il est évident que l’Allemagne, si elle a moins de problèmes budgétaires que la France, n’en compte pas moins ses Deutsche Mark, pardon, ses euros. Elle espère faire ce qu’on appelle aujourd’hui des économies d’échelle. En août dernier, dans un discours sur l’avenir de l’Europe, le chancelier n’avait-il pas déclaré : « Moins cher et plus efficace que si chacun de nous construisait sa propre défense aérienne » ? Pourtant, il existe en Europe (j’allais dire « en Union européenne », mais non, car il y a aussi les Britanniques…) le système de moyenne portée terrestres (SMPT produit par MBDA, société industrielle, filiale d’Airbus, BAE Systems (société britannique) et Leonardo (second groupe industriel en Italie). Pour information, MBDA, c’est tout de même 12.000 emplois en France… Une nouvelle infidélité dans le fameux et mythique couple franco-allemand !
Mais ce couple franco-allemand est résolument moderne. La notion de cocufiage, qui relève désormais du musée des antiquités et des pièces de boulevard, n’est plus tendance. La preuve ?
En même temps qu’on apprend que l’Allemagne va se mettre en « trouple » avec la Belgique, la Bulgarie, la République tchèque, l’Estonie, la Finlande, la Norvège, la Lituanie, la Lettonie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et les Pays-Bas, pour acquérir ce système Arrow 3, on apprend aussi que la France a commencé à livrer du gaz à l’Allemagne. Ce gaz dont l’Allemagne a tant besoin pour faire tourner ses usines. « Une première », « historique », « symbole de solidarité énergétique européenne », « la solidarité énergétique européenne est en marche », claironnent et s'émeuvent la plupart des médias. Pour ceux qui ont quelques notions historiques, c'est beau comme... Non, je n'ai rien dit. Il s’agit, bien entendu, de faire face à la fermeture du robinet de gaz russe. Emmanuel Macron, qui ne mégote pas lorsqu’il s’agit de donner des preuves d'amour au sein du couple (franco-allemand), a même promis de livrer jusqu’à 5 % des réserves de gaz françaises de cet hiver. En échange, la France espère qu’en cas de besoin, l’Allemagne pourra lui livrer de l’électricité, nous apprend Ouest-France avec l’AFP. Si l’on comprend bien, donc, la France livre le gaz en échange de promesses. Sans doute un marché équitable. De toute façon, en cas de pénurie en France, on pourra toujours faire appel à l’esprit civique des Français en leur demandant de porter un col roulé et des mitaines. Leurs réserves de patience semblent, jusqu'à ce jour, inépuisables.
Pour résumer, si l’on comprend bien, la solidarité européenne et plus particulièrement l'amitié franco-allemande sont à géométrie variable. En gros, ça dépend des sujets et, bien sûr, il ne faut pas tout mélanger et tout ça...
Georges Michel
https://www.bvoltaire.fr/le-couple-franco-allemand-ou-lhistoire-du-cocu-magnifique/