L'occasion, pour ces députés LR emmenés par Pierre Cordier, député des Ardennes, de mettre en avant leur visage libéral attaché à la réduction des dépenses publiques : « Le Président Macron et le gouvernement d'Élisabeth Borne se contrefichent du redressement de nos finances publiques. Cette attitude est d'autant plus irresponsable que la remontée des taux d'intérêt fait courir un risque considérable sur la soutenabilité de notre dette. » La droite sérieuse. Et un bon angle d'attaque contre un Président qui, avec ses quoi qu'il en coûte, ses chèques et ses boucliers, est en passe de devenir - tout grand banquier qu'il fût - un Monsieur Déficit dans le Livre des records.
Mais alors, pourquoi ne pas voter la censure contre un gouvernement « irresponsable » et qui ne prend pas en compte vos amendements ? Et là, l'explication est plus alambiquée. D'ailleurs, ils en donnent plusieurs. D'abord, ce gouvernement et cette majorité sont tout jeunes : « Parce que nous respectons le vote des Français du 19 juin, et que la nouvelle Assemblée nationale a siégé huit semaines, nous ne déposerons pas et nous ne voterons pas de censure », se justifient les 54. Comme s'il fallait laisser du temps à cette majorité macroniste qu'ils ont pourtant appris à connaître depuis cinq ans... Est-ce à dire que, dans quelques mois, le vote de la censure deviendrait possible ? La seconde raison avancée consiste à se présenter comme un parti sérieux, qui n'a « rien à voir avec les députés RN ou LFI » et qui ne souhaite pas ajouter à « une crise économique et une crise énergétique une crise politique et institutionnelle », ce qui serait, selon eux, « irresponsable ».
Une position d'attente, un ni-ni qui peut vite se révéler inconfortable avant l'élection de leur nouveau président dans quelques semaines. Car on ne sait même pas si le scrutin tranchera ce nœud gordien qui risque de marginaliser davantage encore les LR. Ce lundi, Éric Ciotti, favori pour l'élection à la présidence du parti, campe sur ce ni-ni dans une interview à nos confères de L'Opinion.
Et puis, au handicap de la faiblesse numérique s'ajoute, pour ces députés LR, un manque de cohérence et de discipline qui risque de leur être préjudiciable. Selon les évaluations très précises du Parisien, c'est le groupe qui s'est montré le moins discipliné dans ses votes. D'ailleurs, il a manqué une poignée de noms au bas de cette tribune : huit, ce n'est rien, mais quand on n'est qu'une cinquantaine, cela compte. Pencheront-ils côté Macron ou côté censure ?
Leur petit nombre, dans une situation où le gouvernement n'avait qu'une majorité relative, leur redonnait une importance. Mais ils savent la carte Macron usée et sans perspective. Alors, franchir le Rubicon pour aller de l'autre côté ? L'émancipation vis-à-vis d'un Nicolas Sarkozy qui les pousse vers Macron pourrait être un premier signe de cette tentation. Elle constituerait un tournant et augurerait d'une recomposition de la droite. On peut l'imaginer - la recomposition comme la censure- sur des textes plus régaliens que le budget.
Tôt ou tard, voter la censure s'imposera aux députés LR s'ils veulent survivre - et revivre : s'ils parviennent à retrouver une audience médiatique après un aussi mauvais score qu'en 2022, un retour aux urnes ne pourrait que leur être bénéfique. N'est-ce pas le sens de la sortie d'Olivier Marleix, président du groupe LR, dimanche, sur Radio J : « La motion de censure qui aurait une chance d’être votée, c’est la nôtre, par définition, ça veut dire que c’est nous qui choisirions le moment de la dissolution. On est tout à fait disposés à en affronter les conséquences. » En effet, les LR n'ont aucun intérêt à couler avec le macronisme en attendant 2027. Ces petits calculs ne règlent pas leur problème de clarification en termes d'idéologie et d'alliance (car oui, ils doivent se faire à l'idée qu'ils auront besoin d'alliance, et que le choix est limité : Macron ou Le Pen), mais c'est parfois par ces petits calculs que la politique avance. Surtout quand c'est une question de... survie.
Marine Le Pen, en annonçant que le groupe RN voterait la motion proposée par la gauche, les place davantage encore devant leur responsabilité : voudront-ils finir comme les derniers soutiens d'un macronisme en perdition ?
Frédéric Sirgant