L’obsession hédoniste de notre société n’a pas de limite et manque singulièrement de cohérence. Je voulais commencer ce briefing en “l’épinglant” avant de détailler les fastidieuses considérations sur la réforme des retraites. Tout le problème, redisons-le, vient du déséquilibre grandissant entre le nombre de cotisants et le nombre de bénéficiaires des retraites, qui oblige à diminuer artificiellement le dernier en augmentant artificiellement le premier par une mesure d’âge.
Au fond, notre système de retraites est mis à mal par la baisse de la démographie et par le vieillissement de la population.
Baisser la natalité, une obsession
De façon totalement incohérente au regard de ces enjeux majeurs, Macron vient d’annoncer une mesure anecdotique, mais qui en dit long sur l’éloge du plaisir et de la vie sans enfant dans notre société de consommation vieillissante. Les préservatifs seront désormais distribués gratuitement aux moins de 25 ans en pharmacie.
Cette mesure annoncée à la sortie d’un conseil national de la refondation consacré à la santé ne manque pas de piquant. La refondation du pays passe donc par la distribution gratuite de moyen de contraception, qualifiée de “petite révolution de la prévention” : les maladies sexuellement transmissibles augmenteraient chez les jeunes. Il est évidemment inaudible de plaider l’incohérence démographique de cette mesure.
La retraite à 65 ans ?
L’évolution progressive de la balance démographique oblige à une réforme quasiment permanente des retraites. De façon imminente, Macron devrait annoncer l’intention du gouvernement de repousser l’âge de départ à taux plein à 65 ans, par une disposition intégrée à un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif. L’intérêt de cette formule est de permettre un recours au 49-3 pour faire passer le texte.
Cette décision suit un dîner de la majorité qui s’est tenu à l’Elysée. Si vous voulez savoir par le menu ce qui s’est dit au dîner, lisez attentivement l’article de Public Sénat qui s’est plié de bonne grâce au jeu de la fuite instrumentalisée par le pouvoir. Tout y est, y compris la petite pique contre Edouard Philippe qui n’a pas pris position.
Lors du dîner, Edouard Philippe, discret depuis des semaines, s’est monté peu dissert. « Que ce soit 65 ou 64 ans, il a dit qu’il voulait que la réforme soit votée », rapporte un participant, qui glisse qu’il ne s’est pas vraiment « mouillé »…
Dans la pratique, on comprend surtout que le gouvernement commence la course avec une borne à 65 ans, pour mieux finir avec un lest lâché à 64 ans et une accélération de la réforme Touraine qui prévoyait un allongement progressif des durées de cotisation.
Les discussions avec les syndicats (qui ont annoncé deux journées de mobilisation en janvier) devraient améliorer le sort de ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou de ceux qui ont des emplois pénibles. Bref, la route est connue et tracée, et la mise en scène habituelle devrait se mettre en place comme dans le monde d’avant : manifestations, concertations, accords en sous-main pour laisser passer un dispositif qui inclura peut-être une augmentation des cotisations patronales de 1 point.
Et voilà le retour de Bayrou
À quelque chose, malheur est bon ! Ce retour de la sempiternelle réforme des retraites (qui réparera, 40 ans plus tard, l’absurde baisse de l’âge de départ à 60 ans décidé par Mitterrand) permet à François Bayrou de se croire indispensable et de revenir sur le devant de la scène. Il a même eu droit à un article dans Le Point qui prétend que Bayrou veut “éclairer l’opinion”. On s’en amusera. Il fut un temps, en démocratie, où l’on considérait qu’expliquer les projets de loi était un exercice normal dans les institutions. Désormais, c’est un luxe rebaptisé “éclairer l’opinion”.
Cette sémantique en dit long sur le durcissement de l’exercice du pouvoir par la caste. Ne pas décider seule dans son coin lui semble un sujet d’interrogation, et cette posture explique très largement la défiance du pays réel vis-à-vis de ses dirigeants.
133 millions d’argent public pour les syndicats
Enfin, si vous avez une minute à perdre, vous pouvez feuilleter le rapport annuel de l’Association de Gestion du Fonds Paritaire National (AGFPN) qui explique comment les partenaires sociaux se sont répartis les 133 millions issus de la contribution patronale obligatoire et des subventions de l’Etat pour donner des coups de pouce financiers aux syndicats, qu’ils soient patronaux ou salariaux.
Ce genre de lecture est toujours instructif, car il décrit les méthodes utilisées pour faire entrer tout le monde dans la “combine” du système. Sur le fond, nous ne sommes pas près d’obtenir une réforme utile par “l’intérieur” de la machine elle-même.