La guerre économique engagée par l’Union européenne contre la Russie semble bien relever de cette catégorie. Depuis le mois de mars, il n’a pas fallu attendre très longtemps pour comprendre qu'il n'était pas aussi évident d'atteindre l’effet recherché. Certes, l'économie russe n'est pas au mieux mais on se souvient de l'édito de François Langlet sur RTL, le 30 août dernier : « La Russie n'a jamais gagné autant d'argent avec ses exportations de pétrole et de gaz. » Dans le même temps, l’Europe a subi un effet boomerang sur son économie déjà fragilisée par la pandémie. Les perspectives ont été, dès le départ, des plus alarmistes : inflation, récession, pénuries et craintes de déstabilisation politique.
Inutile de revenir sur les prophéties de Bruno Le Maire, notre Nostradamus du Quai de Bercy, qui, à l’époque, annonçait que les dix plaies d’Égypte allaient s’abattre sur la Russie. Il restera dans l’Histoire comme le symbole d’une Europe arrogante et bornée. Car la « folie » des dirigeants de l’Union européenne tient au fait que, non seulement ils ne changent pas de stratégie, mais ils revendiquent le fait de l’accélérer et de l’amplifier. Comme si les passagers d’une voiture qui fonce droit dans un mur se félicitaient de voir le conducteur appuyer sur l’accélérateur. Étrange phénomène.
Le 6 décembre dernier, le think tank The Shift Project rendait publique une étude consacrée à la problématique de l’approvisionnement en gaz, étude relayée par Le Monde. Les conclusions sont des plus pessimistes. Pour compenser l’abandon du gaz russe, les Européens ont été contraints de se tourner vers les pays exportateurs de gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui a généré une explosion des tarifs sur le marché mondial. Les conséquences sont connues : augmentation des factures, risques de coupures d’électricité du fait d’une production en partie dépendante des centrales à gaz, menaces de délocalisations.
Or, le plus inquiétant ne tient pas au seul problème du coût mais surtout à la question de la disponibilité de cette offre alternative : « En cas d’arrêt durable des livraisons russes à l’Union européenne, la demande mondiale de GNL risque de subir des déficits d’approvisionnement endémiques et sévères », note l’étude. N’imaginons pas qu’il s’agit d’une difficulté temporaire. 40 % des besoins en gaz de l’Union européenne en 2025 reposent, à ce jour, sur « des sources d’approvisionnement non identifiées ». Traduction : ils pourraient ne pas être pourvus. Car nous ne sommes pas les seuls demandeurs sur le marché. L’Asie est, avec l’Europe, le plus gros importateur mondial de gaz naturel et la demande chinoise ne cesse de croître. Le think tank s’inquiète alors du « spectre d’une guerre économique » pour les approvisionnements en raison de la croissance attendue des besoins asiatiques.
Autre difficulté : quand bien même l’approvisionnement en GNL suivrait, se poserait alors le problème d’un nombre suffisant d’infrastructures de regazéification et d’une capacité de transport et d’acheminement satisfaisante. « Des pans entiers de l’industrie européenne » sont menacés, indique l’étude. Gardons cependant le meilleur pour la fin : le développement du recours au GNL va aggraver les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne.
Concernant le pétrole, les perspectives ne semblent guère plus réjouissantes. Le think tank doute, en effet, de la capacité de l’Union européenne « à mettre en œuvre de manière rigoureuse le boycott annoncé du pétrole russe ». Il est donc clair que l’Union européenne ne dispose pas d’alternatives crédibles au gaz et aux hydrocarbures russes susceptibles de couvrir la totalité de ses besoins. En attendant, la présidente de la Commission européenne présentait, le 7 décembre dernier, un neuvième paquet de sanctions contre la Russie. Une obstination qui relève bien de cette « marche de la folie » décrite par Barbara W. Tuchman et, surtout, qui annonce le crash planifié des économies européennes.
Frédéric Lassez
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