En attendant, le Conseil de l’Union européenne exige que ce chef d’État largement élu en avril dernier (54 %) prenne de nouvelles et fortes mesures contre la corruption ! Non mais… La réponse du berger Orbán à la bergère Europe n’a pas tardé : il a retweeté les tas de billets saisis par la Justice belge dans l’affaire du Qatargate (qui devrait, du reste, s’appeler UEgate), avec ce commentaire expéditif : « Voici à quoi ressemble l’État de droit à Bruxelles. »
Facile. Car la Commission européenne, non élue mais si alerte pour tirer les oreilles des chefs d’État, paraît tout de même, ces temps-ci, un peu gênée aux entournures. Le 12 décembre, Ursula von der Leyen était bien présente à la conférence de presse organisée par l’Union européenne, mais lorsque les journalistes se sont intéressés à ce modeste dérapage des institutions, on leur a vite expliqué que le cadre de leurs questions n’était pas le bon. La présidente est restée coite. Repassez donc une prochaine fois !
Et dormez tranquille, surtout, car nos européistes ont tout prévu. La preuve ? Ils ont créé, dès 2020, une Commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation (INGE), rattachée au Parlement européen. Cette Commission spéciale, très active dans la surveillance des activités de la Russie et de la Chine (ils ont oublié la Hongrie !), a révélé un degré de cécité absolue dans l'affaire révélée par la police et les services belges. Il est vrai que le Qatar, pays modèle, est célèbre depuis longtemps pour son désintéressement, son lobbying à fleurets mouchetés et ses petits moyens.
Il y a surtout un léger problème, dénoncé ce 15 décembre dans l'Hémicycle par le député européen RN André Rougé : le président de cette excellente Commission n’est autre que le socialiste Raphaël Glucksmann. Lui-même n’est nullement en cause dans ce Qatargate, mais tout de même, c'est gênant : il appartient au même parti que la députée grecque Éva Kaïlí, le groupe des Socialistes et Démocrates (S&D). Des esprits plus soupçonneux que BV pourraient voir là un risque de connivences préjudiciables à la clarté nécessaire pour mettre au jour cette affaire. Un homme d’honneur aurait aussitôt démissionné de lui-même ; Raphaël Glucksmann ne l’a pas encore fait. Question d'heures, sans doute. C'est que Raphaël Glucksmann a du travail : il emploie une bonne partie de son temps à lutter contre les ingérences de la Russie via le RN au Parlement européen. Il n'a pas pu empêcher non plus, ce qui l’aurait grandi, le dernier coup de Jarnac des élus européens.
Car ce matin du 15 décembre 2022, la délégation RN au Parlement européen est fatiguée : elle a passé une partie de la nuit à travailler en compagnie des autres groupes à la rédaction d’une « résolution » visant à installer un certain contrôle sur les députés via un comité d’éthique, notamment. Un minimum. Le groupe RN réclame une commission d’enquête, non sur les faits, qui sont du ressort de la Justice, mais sur les lobbies, les pressions, tout le travail que la fameuse Commission de Glucksmann n’a pas fait. Les autres groupes politiques préféreraient lancer cette Commission quand le Qatargate sera clos, dans quatre ou cinq ans. On discute, mais ce 15 décembre au matin, les députés RN trouvent portes closes. « On nous a éjectés du truc ! » raconte, à BV, le président de la délégation RN au Parlement européen Jean-Paul Garraud. Que s’est-il passé ? « Les représentants du groupe Renew [qui rassemble notamment les députés macronistes français] ont mis leur veto ! » La démocratie expliquée aux enfants...
Empêtrés jusqu’aux oreilles dans l’affaire McKinsey, pour le moins légers à Strasbourg, nos macronistes trouvent encore et toujours les moyens de donner des leçons et de dégager les importuns. Ils le répètent pourtant souvent : c’est bien laid, l’exclusion !
Marc Baudriller