Tout à coup alarmé par la galère des artisans qui risquent de fermer boutique à cause des coûts de l’énergie, malheureux que ses services renvoient au labyrinthe de l’administration, il a voulu se confronter au monde réel. Et a tenté d’appeler l’un de ces miraculeux Numéros Verts… Et là, horreur et putréfaction : il s’est aperçu que… « ça ne marche pas ! »
Le Président était très en colère, nous dit France Info, crachant son « ras-le-bol des Numéros Verts » proposés « dans tous les sens » pour tout et n’importe quoi. Et de fulminer : « Beaucoup de nos artisans et de nos TPE ont autre chose à faire que d'aller chercher dans des sites Internet des circulaires absolument illisibles ou des tableaux incompréhensibles. J'ai fait l'exercice : c'est impossible. » Sans blague ? Bienvenue dans notre quotidien, Monsieur le Président !
Alors, Emmanuel Macron a tapé du pied : « À partir de lundi, on va donner un numéro par département. Il y aura quelqu'un au bout du fil qui répondra à la fois avec humanité et expertise (sic), et qui ne sera pas un site Internet qui renvoie à des tableaux. [...] Tous ceux qui sont face à des angoisses, je veux qu'ils puissent les exprimer et les dire à quelqu'un. »
Quelqu'un au bout du fil qui répondra à la fois avec humanité et expertise… d’ici lundi… Il croit encore au père Noël, ce garçon ?
Ah, les Numéros Verts ! C’était pourtant la grande trouvaille de son quinquennat précédent. Inventés pour tout résoudre. Rien que la liste donne le tournis. Depuis 2017 ont ainsi été créés des Numéros Verts pour :
- la canicule,
- l’accident de Lubrizol à Rouen,
- la prévention des suicides dans la police,
- les victimes des punaises de lit,
- les étudiants précaires,
- les pédophiles (venir en aide aux personnes attirées par les enfants et améliorer la prévention des agressions sexuelles sur les mineurs),
- une aide psychologique pour les chefs d’entreprise,
- les mesures de soutien public,
- les personnes handicapées,
- le prélèvement à la source,
- ne pas péter les plombs pendant le confinement : « aider les personnes qui se sentent avoir des accès de colère, à les gérer, à ne pas devenir violents »,
- les propriétaires de chevaux,
- le signalement des discriminations,
- le harcèlement à l’école,
- Parcoursup,
- l’illettrisme,
- le coronavirus,
- la thyroïde,
- la fracture numérique,
- les personnes âgées violentées,
- l’habitat passoire,
- le harcèlement dans les transports,
- etc.
Un internaute s’est même amusé, en 2020, à établir un tableau qui permette au citoyen de savoir qui appeler sachant que « tout problème à sa s̶o̶l̶u̶t̶i̶o̶n̶ hotline ». Il en recensait alors 47, un chiffre qui s’est considérablement accru depuis. Je vous en conseille la lecture, aussi consternante qu’hilarante.
Et voilà que notre Président s’avise soudain que tout ce bazar initié par ses services ne sert strictement à rien. Alors, on lui pose la question : dans quel monde vivez-vous donc, Monsieur le Président ? Car cela n’est rien d’autre que notre quotidien, à nous les pouilleux. Non qu’on tienne spécialement à appeler vos Numéros Verts mais parce que, désormais, toute la gestion de nos vies passe par là : des heures d’attente au téléphone, des sites qui tournent en rond, des données perdues dans la nuit électronique… Bref, le monde totalement déshumanisé que vous et votre clique avez contribué à construire.
Marie Delarue