La Fondation pour l’innovation politique a récemment publié une note sur la politique danoise d’immigration. Ce document permet de constater que la France et le Danemark ont pris des orientations radicalement différentes en matière d’asile.Alors que le gouvernement français prévoit que les demandes d’asile atteindront 160 000 en 2023 dans notre pays, le gouvernement danois s’emploie à en restreindre toujours plus le nombre.
L’asile en France en forte hausse
Le nombre de demandes d’asile déposées en France auprès de l’OFPRA est non seulement très important. Il ne fait qu’augmenter depuis 2020 : alors qu’il était de 96 424 cette année-là, il a atteint 103 011 en 2021. Sur les 11 premiers mois de l’année 2022, 140 885 demandes d’asile ont déjà été recensées.
Le nombre de décisions d’accord ou de refus de l’asile rendues par les autorités françaises est également en forte hausse. Il est passé de 89 774 en 2020 à 139 513 en 2021. Dans un document annexe au projet de loi de finances 2023 relatif à la mission « Immigration, asile et intégration », le ministère du budget prévoit 160 000 décisions rendues en 2023, 170 000 en 2024 et 170 000 en 2025, soit 500 000 demandes d’asile traitées entre 2023 et 2025.
Si la France reçoit beaucoup de demandes d’asile, la grande majorité d’entre elles est rejetée. Le taux d’attribution de l’asile par l’OFPRA ou la Cour nationale du droit d’asile (hors mineurs accompagnants) était ainsi de 36% en 2021. Les déboutés de l’asile sans titre de séjour se trouvent en situation irrégulière s’ils se maintiennent sur le territoire. Mais le faible taux de retour des étrangers visés par une Obligation de Quitter le Territoire Français rend cette notion de régularité de séjour toute virtuelle.
Le ministère du budget prévoit pour les années à venir un nombre dérisoire d’éloignements et de départs aidés exécutés d’étrangers sous le coup d’une OQTF : 7 200 en 2023, 8 000 en 2024 et 9100 en 2025. Sauf mouvement massif de régularisations ou d’éloignements, le nombre d’étrangers en situation irrégulière est donc amené à croitre très fortement dans notre pays durant les prochaines années.
Sur le plan législatif, le parlement français a dans le passé adopté plusieurs lois sur l’asile. Fréquemment, la lutte contre le détournement du droit d’asile à des fins migratoires est présentée comme contrepartie à l’octroi de nouveaux droits. Pour ne citer qu’un exemple, la Loi Asile et immigration adoptée en 2018 a étendu les critères d’octroi de l’asile et de la protection subsidiaire aux risques liés à l’orientation sexuelle et aux mutilations sexuelles. Ces nouveaux motifs peuvent désormais être invoqués par des ressortissants des très nombreux pays dont la demande doit impérativement être étudiée par l’OFPRA.
Dans le même temps, le nombre de reconduites des étrangers en situation irrégulière sous le coup d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) n’a cessé de s’effondrer sous la présidence d’E. Macron.
La progression continue du nombre de demandes d’asile semble considérée par les dirigeants français comme un phénomène sur lequel l’Etat aurait peu de prise. « L’asile est un droit imprescriptible », souligne le ministère du budget dans son document de pilotage budgétaire. Imprescriptible, certainement, mais la question de l’utilisation du droit d’asile comme moyen d’accès détourné au séjour mérite d’être posée. Un pays européen, le Danemark, l’a fait sans tabou.
L’asile au Danemark en forte baisse
Le Danemark a connu en 2015 un pic du nombre de demandes d’asile déposées dans le pays. Elles ont atteint cette année-là 20 925, ce qui est très important rapporté à la population danoise. Le gouvernement danois s’est depuis fixé le cap d’en réduire très fortement le nombre.
La note de la Fondation pour l’innovation politique recense les différentes mesures visant à parvenir à cet objectif. Parmi les plus récentes et emblématiques : « la limitation de la durée de séjour pour les réfugiés, l’assouplissement des conditions de révocation de leur titre de séjour, la réduction de leurs avantages économiques, le report du droit au regroupement familial pour les réfugiés bénéficiant d’une protection temporaire, la possibilité de confisquer des biens appartenant aux demandeurs d’asile afin de couvrir les frais de procédure et d’hébergement ». Le résultat est au rendez-vous : le nombre de demandes d’asile déposées auprès des autorités danoises en 2021 a été divisé par dix par rapport à 2015. Il est descendu à 2 080.
La Fondation pour l’innovation politique résume ainsi la politique du gouvernement danois en la matière : « Le gouvernement ne se concentre plus sur l’intégration des réfugiés mais sur la préparation de leur retour, l’asile devant être temporaire, le temps que le Danemark considère de nouveau le pays d’origine comme sûr et que le motif de l’asile disparaisse. Les réfugiés sont considérés comme des personnes susceptibles d’être expulsées à tout moment et leurs possibilités d’intégration en sont réduites d’autant ».
Le parti social-démocrate danois au pouvoir a été conforté dans sa politique restrictive en matière d’asile et plus largement dans sa politique migratoire, lors des dernières élections législatives en novembre 2022. Le gouvernement français prend pour sa part un chemin inverse. Il mène une politique qui contribue à pérenniser et à accroitre sans cesse le nombre de demandeurs d’asile. Deux mesures à venir en témoignent.
Un nouveau projet de loi sur l’immigration devrait être débattu prochainement au parlement. Parmi les différentes dispositions qui devraient être adoptées figurent la possibilité pour certains demandeurs d’asile de travailler pendant l’instruction de leur demande et la régularisation plus facile des étrangers en situation irrégulière employés dans les métiers dits « en tension ».
Autre exemple, après une expérimentation dans quelques départements, le gouvernement a décidé de déployer cette année sur la France entière le programme AGIR d’accompagnement vers l’emploi et le logement des réfugiés. Ce dispositif prévoit « un mécanisme d’orientation régionale directive des demandeurs d’asile (…) afin de répondre aux difficultés engendrées par la forte polarisation de la demande d’asile au sein de certains territoires comme l’Île-de-France ». 600 millions d’euros sur cinq ans sont budgétés à cet effet.
La Fondation pour l’innovation politique évoque dans sa note la singularité du Danemark dans l’Union européenne, qui bénéficie d’un « opt-out » (dispense) en matière d’asile et d’immigration. Mais au-delà du cadre juridique et des marges de manœuvre qu’il permet, la conception de l’asile diffère très fortement entre les dirigeants danois et français. Au Danemark, l’asile est une protection temporaire d’un danger. En France, l’asile ne doit pas être limité et doit permettre l’intégration durable dans la société. C’est donc bien la volonté des dirigeants politiques au pouvoir de limiter le nombre de demandes d’asile qui est absente en France. L’avenir dira jusqu’à quand et à quel niveau cette situation sera considérée comme tenable financièrement et acceptable socialement.
La politique danoise d’immigration : une fermeture consensuelle. Fondapol. Janvier 2023
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