En tout cas, la saillie de Mme Lavalette n’a pas plu à Mme Garin, qui a traité sa collègue de sexiste. Une prise de position qui fait encore rire l’élue du Var : « Pour la NUPES, parler d’enfant et de mariage, c’est du sexisme. La société va vraiment bien », ironise celle qui, avec son collègue du Loiret Thomas Ménagé, coordonne la lutte du groupe contre cette réforme. « On porte trois projets différents », s’exclame Laure Lavalette, en conférence de presse, ce mardi : « Renaissance veut importer de la main-d’œuvre à bas coût, la NUPES défend le droit à la paresse et nous proposons de relancer la démographie du pays », affirme-t-elle.
Las. Si le RN sait qu’il peine à se faire entendre entre une majorité relative arc-boutée sur des positions qui ne laissent plus de place à la négociation et une NUPES qui a fait du chaos une arme et de l’invective un instrument. Une stratégie mise au point par La France insoumise, efficace par le tapage qu’elle provoque mais visiblement limitée dans le temps. En témoigne l’exaspération de ses alliés communistes et socialistes après que le député LFI Aurélien Saintoul a traité le ministre du Travail Olivier Dussopt d’assassin. Une saillie qui a forcé l’intéressé à présenter des excuses, d’autant que LFI compte un député de moins, Thomas Portes, exclu quinze jours de l’Assemblée pour tumulte.
La NUPES, justement, voit la natalité comme une odieuse prise d’otage des femmes. « Nos ventres ne sont pas à la disposition du système économique. Nos ventres ne sont pas les variables d’ajustement des retraites. RN ou le retour du Travail Famille Patrie », a même tweeté la députée de Paris Sandrine Rousseau, réagissant aux propos du vice-président de l’Assemblée Sébastien Chenu (RN) qui défendait la « fabrication des travailleurs français plutôt que d’en importer ». Loin d’être anecdotique, cette attaque toute « rousseauesque » est partagée par l’ensemble de ses collègues. Pas de quoi perturber Sébastien Chenu : « Ils voient la natalité non comme une liberté mais comme une contrainte. C’est comme leur relation au travail. Ils voient tout comme une contrainte et rien comme une liberté. Or, l’épanouissement professionnel et personnel, ça peut exister. Mais tout n’est que contrainte. Quelle vie horrible ! » ironise le député du Nord.
« Visiblement, la gauche n’aime ni les enfants ni la famille », attaque Lavalette, qui martèle : « Aucun peuple n’a envie de disparaître. » Il n’empêche. Dans un débat aux allures de guerre des tranchées entre Renaissance et la NUPES, bien souvent, le RN a l’impression de se situer dans le no man’s land à regarder les échanges d’obus voler au-dessus de leurs têtes, à guetter les balles perdues. Une séquence difficile pour certains. « C’est parfois frustrant », reconnaît le député de l’Yonne Julien Odoul, qui affirme néanmoins miser sur « l’après ».
Après ? Une Assemblée essorée par un débat pollué par 15.000 amendements avec des coups d’éclat et des invectives pas au goût de tous. « On n’a pas envie de s’asseoir sur un champ de ruine », confie un député du groupe RN. « Que les élus LFI abaissent leur fonction, c’est une chose, mais par ricochet, ils discréditent l’ensemble des parlementaires », s’agace l’élu bourguignon. Illustration des esprits échaudés : le député MoDem Bruno Fuchs a tancé l’attitude de LFI déclarant qu’« on est, toutes proportions gardées, dans une situation proche de celle de Samuel Paty ». Une sortie qui fit hurler les bancs de la NUPES, Mathilde Panot en tête. La cheffe de file Insoumise dans l’Hémicycle a dénoncé des mots qui les « repeignent en terroristes ».
La natalité, angle mort de la réforme des retraites, est donc devenue l’apanage du Rassemblement national, créant un malaise dans la majorité et un rejet épidermique à gauche. Une politique attendue, visiblement, puisque si la fécondité, en France, est de 1,8 enfant par femme, le désir d’enfant est, quant à lui, autour de 2,39. « On veut simplement accompagner et aider ceux qui font ce choix », plaide Lavalette. « Ils pensent qu’on peut régler le problème en important de la main-d’œuvre », conclut son collègue Thomas Ménagé, annonçant la nature des débats du prochain projet de loi soumis à l’Assemblée : l’immigration. Autre enjeu pour le RN : rester fidèle à son identité politique sans tomber dans la surenchère, car à ce compte, c’est Éric Zemmour et ses fidèles qui les attendent au tournant.
Marc Eynaud
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