La fierté nationale, ce sentiment détesté des mondialistes, est le premier vainqueur de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, déclenchée il y a un an (24 février). Il est plaisant d’observer l’Union européenne, qui rechigne idéologiquement à défendre ses frontières des invasions migratoires, exiger de Vladimir Poutine le respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Bernard-Henri Lévy, qui a fait de la lutte contre les nationalismes le combat de sa vie, est le premier à brandir le drapeau jaune et bleu de l’Ukraine, nation qu’il compare à Israël dans sa résistance à l’indésirable.
Il n’est pas certain que ce paradoxe soit perçu pour ce qu’il est par l’UE et BHL : ils n’ont pas fait connaître leur conversion au souverainisme national. Pourtant, c’est bien la consolidation d’une nation, liée par un sentiment d’appartenance à une communauté, qu’il faut saluer à travers l’Ukraine soudée par une guerre épouvantable. Reste à espérer que les élites occidentales, qui méprisent les peuples enracinés, se rendent compte, de facto, de leur grand basculement. En 1999, l’Otan avait bombardé Belgrade au prétexte que la Serbie orthodoxe, alliée de la France durant la Grande guerre, voulait préserver son coeur historique du Kosovo islamisé. « Nous avons vocation partout en Europe à avoir des états multiethniques qui tolèrent les minorités », avait expliqué à l’époque le ministre de la défense français, Alain Richard. Alexandre Soljenitsyne avait qualifié de « sécession inique » l’indépendance forcée du Kosovo. C’est bien ce retour aux nations rejetées qu’appuie cette fois l’Otan, qui ne peut s’effrayer de voir la Russie partagée par ce même sentiment.
En voulant récupérer par la force les territoires russophones du Dombass, Poutine a tenté de faire ce que l’Otan avait permis au Kosovo, berceau serbe devenu majoritairement musulman. L’agression russe à des ressorts qui ne peuvent être balayés par le récit officiel qui impose une version en noir et blanc du conflit. Il est d’ailleurs insensé de vouloir lui donner une ampleur mondiale, comme l’a fait Emmanuel Macron samedi à Munich en assurant que « la guerre touche la planète entière ». De tels propos irréfléchis éloignent l’issue diplomatique ; ils forcent les grands blocs civilisationnels à s’affronter directement. Dans cette perspective, il n’est assurément pas souhaitable que l’autocrate russe gagne sur les démocraties libérales. Mais rien ne dit que le monde occidental puisse sortir vainqueur face à une Russie qui a gardé son potentiel militaire et qui est soutenue par un patriotisme également respectable. Surtout, il est faux de dire que Poutine serait un « paria ». Tout au contraire, c’est l’Occident répulsif qui voit s’opposer à lui, derrière la Russie, la Chine, l’Inde, l’Iran, les pays du Golfe, les pays africains, etc. Comme le rappelait samedi l’ancien ambassadeur à Moscou Michel Duclos (Le Figaro) : « Il est clair que l’Europe et les Etats-Unis ne vivent pas dans le même imaginaire que les pays du reste du monde ». Il est temps, pour l’Occident nombriliste, de regarder le reste du monde.
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