Supposé phase déterminante de la bataille des retraites, le premier round de sa partie parlementaire s'est donc achevé ce 17 février à minuit. L'extrême confusion n'en sera pourtant pas levée, loin de là.
Certes le ministre du travail, Olivier Dussopt, a pu se prévaloir juridiquement de l’article 47 de la Constitution de la cinquième république. Son alinéa 1er permet en effet au pouvoir exécutif de limiter à 20 jours la durée des débats de l’Assemblée nationale en première lecture. À compter du 28 février, le Sénat examinera le texte à son tour, et disposera de 15 jours pour se prononcer.
Une telle procédure a mis, certes, un terme aux discussions.
Elle n'a aucunement clos le débat puisque celui-ci, véritablement, n'a pas même commencé.
Les 20 500 amendements déposés par la NUPES ont, en effet, de toute évidence, puissamment, et sans doute volontairement, bloqué tout travail, tout examen, au sein du Palais-Bourbon. La stratégie destructrice de Mélenchon, en sa qualité de candidat récurrent à une dictature de type sud-américain, a joué un rôle déterminant. Sans doute de telles scories se retrouveront-elles moins nombreuses au Palais du Luxembourg. La différence tiendra surtout à la composition de la haute assemblée. Dominée par le centre-droit, elle y reconstituera les clivages propres à cette famille politique. Or, le parti LR, constitué en 2002 autour de la présidence Chirac, puis restructuré et rebaptisé en 2007 par Sarkozy, bien qu'aujourd'hui divisé et incertain quant à son propre avenir en tant que rassemblement, cherche à négocier avec un chef d'État qui échappe à son emprise.
Mais loin de simplifier la donne, ceci la rend encore plus embrouillée. L'abrutissoir médiatique nous sert donc au quotidien le feuilleton de la classe politique et de ses remous partisans. Une telle évocation permet d'esquiver les quelque 26 questions que nos technocrates consentent, en principe, à se poser aujourd'hui quant à la réglementation l'assurance vieillesse de demain.
En témoigne ainsi la sanction qu'Éric Ciotti, s'est résolu à prendre ce 18 février et qu'on nous présente pour spectaculaire.
Résumons les épisodes précédents : chef nouvellement élu du mouvement gaulliste, hissé sur le pavois le 11 décembre, il avait attribué, 5 semaines plus tard, le l8 janvier, un titre de vice-président de l'organisation, à son rival de la veille Aurélien Pradié. Or, jamais depuis l'éphémère fiction expérimentale du Consulat, la tradition bonapartiste n'avait réitéré la nomination d'un numéro deux. Ni le prince président de 1848 avant qu'il ne devint empereur en 1852, ni le [brave] général Boulanger, ni le colonel de La Rocque, encore moins le fondateur des quatrième et cinquième républiques, n'avaient toléré l'existence d'un Gentil Dauphin. Notre habile député des Alpes-Maritimes devrait, à cet égard, réviser ses anciens polycopiés de Sciences Po, puisque l'on n'apprend plus guère l'histoire et la géographie.
Conformément à la nature des choses, ou plutôt à celle des hommes, cette généreuse coexistence n'aura donc duré qu'un mois. On a découvert que le jeune député du Lot, conseiller régional d'Occitanie, menait une carrière personnelle. De leur aimable département Pierre Poujade disait naguère qu'il "ne produit que des noix et des ministres". Or, fils d'un honnête négociant en noix, ce Rastignac a choisi très tôt la seconde voie, jugée plus glorieuse. La seule chose étonnante me semble qu'une telle péripétie sur un tel parcours ait pu constituer une "surprise" pour le quotidien "Le Monde".
Comprendre la marche de tels non-événements requiert hélas un effort intellectuel en disproportion avec l'intérêt du sujet.
Par rapport à la technocratie condescendante dans laquelle nous pataugeons, la principale supériorité de la démocratie athénienne antique, en effet, et depuis le Ve siècle avant Jésus-Christ, celle de toutes les démocraties véritables, réside dans la pratique du débat.
Pas plus la gauche néo robespierriste que les partis dits de gouvernement ne daignent s'intéresser aux vrais problèmes que vont affronter nos comptes sociaux : ni les uns, ni les autres, pas plus Mme Borne que la nuée des rivaux à l'interne du citoyen Mélenchon ne nous expliquent ni en quoi ni comment ils pourraient sauver un système de répartition appelé à disparaître à moyen terme.
Nous avons connu en 2020 une sorte de juin 1940 sanitaire, nous devons nous préparer tout doucement à connaître bientôt les conséquences sociales d'un Dien Bien Phu financier.
Voilà où nous mène, en France, ce non-débat sur une non-réforme.
JG Malliarakis
https://www.insolent.fr/2023/02/non-debat-et-non-reforme.html