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Leurs inquiétudes pour la démocratie

230321

La motion de censure transpartisane a donc été écartée ce 20 mars. Par une assez courte majorité c'est vrai. Dans le contexte de grèves à répétition, de protestations, de mécontentements lisibles dans les sondages, et surtout du sentiment d'une réforme cosmétique, qui devra être reprise dans 3 ou 5 ans, cela me semble incontestable.

Il s'agissait, pour les technocrates de Bercy de calmer les préoccupations des marchés financiers, sans le concours desquels ils ne pourraient ni boucler le budget, ni payer les pensions. Sur ce dernier point on remarquera par exemple la précision de François Bayrou, qui ne passe pas vraiment pour un opposant radical :

"Mon regret, a rappelé le haut-commissaire au Plan, le 12 mars, dans l’émission du Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI, c’est qu’on ne donne pas les vrais chiffres retraites aux Français. On parle d’une dizaine de milliards dans 10 ans. La vérité c’est que l’État paye chaque année entre 30 et 40 milliards pour équilibrer le système. Et en empruntant”.

Cette chronique ne cesse de répéter cela depuis des mois. Ajoutons que, relativement au système de retraites, votre chroniqueur préconise lui-même depuis quelque 30 ans une réforme de liberté et d'épargne professionnelle que réclama pendant 15 ans le CDCA.

Mais il paraît cocasse de voir la NUPES, la gauche, les écolos zadistes et l'extrême gauche, attelage pourtant minoritaire dans le pays, crier, face à une procédure constitutionnelle, au déni de démocratie.

Il est vrai que cette inquiétude pour la démocratie est partagée par l'agence Xinhua, Chine nouvelle. Son édition française est sans doute très peu lue dans l'Hexagone. Elle n'en propage pas moins ses mots d'ordre et ses désinformations dans les pays francophones.

Or, au moment où deux grands leaders de la démocratie aux spécificités orientales se rencontraient à Moscou, ce 20 mars, Xinhua publiait trois textes destinés sans doute à remettre en perspective, et à relativiser, le clivage entre les régimes démocratiques, version occidentale, et les régimes autoritaires de l'Orient.

  • "La Chine et la Russie donnent l'exemple de relations entre grands pays dans la nouvelle ère" le 20 mars à 00 h 43.
  • Un kilométrique : "Texte intégral de la tribune signée de Xi Jinping dans les médias russes" le 20 mars à 15 h 17.
  • Mais aussi : "Le ministère chinois des Affaires étrangères publie un rapport sur l'état de la démocratie aux États-Unis en 2022" le 20 mars à 14 h 22.

On s'en doute, les institutions américaines sont l'objet à Pékin d'un diagnostic très pessimiste. Mais qu'on se rassure, au contraire de ces pratiques branlantes, le "socialisme aux spécificités chinoises" connaît un printemps radieux.

Une équipe compétente conduit en effet ce pays vers son bonheur sans faille. Certes ce "Comité permanent" du bureau politique du Parti communiste chinois peut paraître numériquement restreint. Il compte 7 membres, tous masculins, habillés de noir et portant la même cravate. Une telle instance, assurément collégiale, dirige la "république populaire de Chine" depuis sa fondation en 1949.

Toute communauté requiert un chef, énonçaient jadis les Principes de la Communauté. Ainsi, à la tête du comité permanent du PCC, se trouve naturellement Xi Jinping.

Ce 10 mars à Pékin on apprenait, sans trop de surprise la réélection de l'intéressé, à l'unanimité des députés, à la présidence de son immense État. Son troisième mandat de 5 ans rompt avec une tradition introduite en 1978 par Deng Xiaoping, limitant à deux fois 5 ans l'exercice de cette fonction. Ce coup de force, légalisé par une révision de la Constitution est sans précédent.

Il paraît de bon ton de parler du "dirigeant chinois le plus puissant depuis Mao Zedong", ce que diffusait l'article de "l'Opinion" 10 mars 2023 à 07 h 24, sur la base d'une dépêche Reuters.

En réalité, par le passé, Mao avait effectivement dirigé le parti, en tant que secrétaire général à partir de 1943, époque où il succède officiellement à Zhang Wentian. Et, en fait il dirigea le pays, à partir de 1949, jusqu'à sa mort en 1976. Mais il ne fut constitutionnellement chef de l'État que de 1954 à 1959. Du fait des désastres économiques, il fut même relégué, réduit à son rôle prophétique, de 1960 au coup d'État militaire de 1966, que nous avons la naïveté de croire "révolution culturelle", lancé par Lin Biao alors ministre de la Défense.

Xi n'est donc pas "le plus puissant depuis Mao", il est politiquement plus autoritaire encore que le Grand Timonier en son temps. Et l'icône géante de Mao n'a jamais été ôtée de l'entrée de la Cité interdite.

Après une phase de reconstruction économique entreprise en 1978, celle des "Quatre modernisations" sous la direction de Deng Xiaoping, est venu, lentement mais sûrement, le temps du retour au stalinisme. La démocratie totale rêvée par Rousseau, tentée par Robespierre, esquissée en URSS, c'est en effet la manifestation unanime de la volonté du peuple, conduit par un parti unique. Logique n'est-ce pas ? Ceux qui ont cru à un régime pluriel dans l'Empire du Milieu, tel le secrétaire général Zhao Ziyang écarté en 1989, qui entendait dialoguer avec les étudiants occidentalisés de la place Tian Anmen et les ouvriers égarés dans les faubourgs de Pékin, ont été balayés : pas de cinquième modernisation.

Une personnalité centrale de ce chemin de rétablissement de la centralisation et de l'étatisme à outrance, mérite à cet égard d'être mieux connue. Il s'agit de Wang Huning, élu, ce 10 mars, parmi les sept sages du "Comité permanent". Tête pensante du régime, cette éminence grise du Parti en contrôle l'idéologie. C'est à sa plume que l'on doit le glissement rédactionnel des 25 dernières années, les "Trois Représentativités" de l'apparatchik Jiang Zemin, apparues en 2002 dans les statuts du PCC lors du 16e congrès, les "Perspectives scientifiques sur le développement" mises en avant par Hu Jintao à partir de 2003, nettement formatées par la lecture de Engels, et enfin ce "Rêve chinois" labélisé comme "pensée de Xi Jinping", secrétaire général depuis 2012. Une caractéristique commune à tous ces rêves tend toujours à éradiquer toutes les religions, définitivement considérées depuis Karl Marx comme autant d'opium du peuple, qu'il s'agisse du bouddhisme, de l'islam ou pire encore du christianisme, instrument de l'impérialisme mondial.

Seuls des esprits féodalistes et réactionnaires pourraient tenir ce songe pour un cauchemar... Heureusement, sur les quelque 3 000 députés que comptait en 2013 la 14e Assemblée populaire nationale, aucun n'a imaginé remettre en cause la voie de la raison.

À la lumière d'une continuité, et illustrée par la si brillante politique de confinement généralisée des populations pour lutter contre le COVID, comment, au pays de Descartes, ne pas louer, envier et imiter un tel modèle démocratique ?

JG Malliarakis

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Sur la continuité du stalinisme, de ses méthodes et de ses objectifs, de Mao Tsé-toung à Xi Jinping, qu'on me permette de recommander ma contribution à "La Terreur rouge". Ce livre comprend : • Terreur rouge et théorie révolutionnaire par JG Malliarakis : les bases doctrinales de la dictature de l'appareil du Parti, au nom du Prolétariat. Lénine, disciple de Karl Marx et de Engels, est l'héritier de la Terreur jacobine.
• Terreur rouge, pratique révolutionnaire par Charles Culbert : logique du système, matrice du totalitarisme au XXe siècle • Les Documents Tchernov : publiés dès 1922, il faudra hélas 50 ans pour que l'on en prenne la mesure, en 1974 avec l'Archipel du Goulag d'Alexandre Soljenitsyne...
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