À l’appel des agriculteurs du Lot-et-Garonne, une manifestation a eu lieu, ce mardi, à Marmande, pour « accueillir » Marine Tondelier. « Foutez-nous la paix » et « laissez-nous bosser », tels sont les messages que les manifestants ont voulu envoyer à la chef de file des écologistes.
« Ne venez pas chez nous, ça va mal se passer »
« Mon passeport français m’autorise à aller dans le Lot-et-Garonne [...]. Et un président de chambre d’agriculture n’a pas à intimider ni menacer une cheffe de parti », a immédiatement réagi la patronne des écologistes dans un tweet, avant de préciser : « Je suis non violente, ouverte et républicaine. Et vous ? » Le moins que l’on puisse dire, c’est que les relations se tendent de plus en plus entre l’écologie politique et les représentants de la ruralité. Une crispation que les affrontements violents qui se sont déroulés autour de Sainte-Soline ne vont pas arranger. « Il fut un temps où on parvenait à se parler », soupire Eddie Puyjalon. Le président du Mouvement de la ruralité pointe « la lente dérive de l’écologie politique sur le plan des idées et de l’action ».
Deux mondes face à face
De l'aveu même de ceux qui le connaissent bien, l’emblématique patron de la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne n’est certes pas connu pour sa modération et son sens de la nuance. Il avait d’ailleurs fait la une de l’actualité en écopant de dix mois de prison ferme assortis d’une peine de sursis probatoire dans l’affaire de la construction jugée illégale du lac de Caussade. Un énième bras de fer entre ce patron de l’agriculture et les associations écologistes locales. « La coordination rurale du 47 est l’une des plus dures de France et Bousquet-Cassagne est un profil assez particulier », convient Eddie Puyjalon, qui insiste néanmoins sur « l’accumulation des litiges » entre la ruralité et les écologistes en citant, pêle-mêle, la réintroduction du loup et de l’ours, la concurrence déloyale des importations de fruits et légumes cultivés avec des pesticides dont on prive les agriculteurs français, mais aussi le monde de la chasse, de la pêche… En bref, deux mondes qui se font face et ne se comprennent plus.
L’agnotologie écologiste
« Avec EELV, on renoue avec l’agnotologie [discipline étudiant la production culturelle de l’ignorance, NDLR] », soupire Puyjalon, qui pourrait disserter pendant des heures sur la déconnexion de l’écologisme urbain avec la ruralité. Une thématique que l'on retrouve au carrefour des ouvrages de Guilluy, Fourquet et Sainte-Marie. C’était, d’ailleurs, pour alerter l’opinion que le Mouvement de la ruralité avait envoyé une candidate aux élections législatives à Paris face à Sandrine Rousseau. Une candidate qui s’appelait… Sandrine Rousseau ! « On a tout essayé pour leur faire entendre raison », affirme le président du Mouvement, qui alerte sur « la victoire de la loi du plus fort » sur l’ordre républicain en pointant la présence des élus écologistes au milieu des émeutiers de Sainte-Soline. « Une présence et une caution », alerte-t-il. Mais Marine Tondelier persiste et signe : en se tenant au milieu des casseurs, les parlementaires écologistes ont « défendu un partage juste de l’eau ».
C’est toute la difficulté du dangereux jeu d’équilibriste auquel se livre EELV : dénoncer l’accueil froid de la coordination rurale tout en soutenant les assauts de leurs éléments radicalisés. On pourrait presque rire de cette réaction du député EELV de l'Isère Jérémie Iordannof devant le communiqué de CR47 : « La République française a-t-elle perdu le fief du Lot-et-Garonne ? », alors même que son parti ne s’est jamais interdit d’instrumentaliser le communautarisme et a toujours nié l’état de sécession de certains quartiers populaires.
En bref, à Marmande se joue un autre affrontement. Celui de la France des villes qui prétend gouverner la France des champs mais qui ne s’attendait pas à un tel tir de barrage républicain.
Marc Eynaud
https://www.bvoltaire.fr/quand-eelv-est-expulse-par-la-france-rurale/