Des agriculteurs aisés, vraiment ?
D’emblée, dès les premiers paragraphes, les journalistes de Mediapart entendent faire croire à leurs lecteurs que les agriculteurs de Sainte-Soline mènent grand train. « Les douze agriculteurs connectés à la mega-bassine ont une exploitation qui mesure en moyenne 147 hectares », décrivent-ils. Avant de préciser : « Des tailles d’exploitations plus grandes que la moyenne française, estimée à 69 hectares, et à la moyenne du département, qui est de 89 hectares. » L’affirmation est vraie. Emmanuel Villeneuve, l’un des douze agriculteurs, reconnaît lui-même être à la tête d’une exploitation de polyculture et d’élevage d’environ 150 hectares. Mais ce qu’oublie de préciser Mediapart est que, d’une part, « plus les exploitations sont grandes, moins elles produisent de valeur à l’hectare ». Et, d’autre part, comme le souligne la chambre d’agriculture, malgré cette superficie moyenne importante, « les exploitations du projet de Sainte-Soline ont une taille économique légèrement inférieure à celles observées dans les systèmes de grandes cultures et de polyculture-élevage de l’ex-Poitou-Charente ». Autrement dit, les irrigants de Sainte-Soline ont certes des exploitations de superficie supérieure à la moyenne française, mais les revenus qu’ils en tirent restent « légèrement inférieurs ». On est loin des agriculteurs qui « nourrissent avant tout leur portefeuille » !
Quelques lignes après, les journalistes d’Edwy Plenel vont plus loin sur le train de vie supposé de ces agriculteurs. Alors que le projet de retenue d’eau dans les Deux-Sèvres concerne 210 exploitations, ils décident de s’attarder sur le cas d’Emmanuel Villeneuve. Connu depuis son témoignage émouvant devant les caméras du Parisien, cet agriculteur de père en fils « est élu à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres » et également « administrateur d’Océalia, un géant agro-industriel de l’ouest de la France qui a, en 2022, engrangé plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires », se plaisent à souligner les deux auteurs de l’enquête. Une nouvelle fois, sans jamais affirmer quoi que ce soit sur les revenus dudit agriculteur, ces journalistes tentent, entre les lignes, de brosser le portrait d’un productiviste aux revenus aisés. Sauf que, après vérification dans les statuts d’Océalia, il apparaît qu’Emmanuel Villeneuve ne tire aucun profit de ces activités annexes. En effet, « les fonctions des membres du conseil d’administration sont exercées gratuitement ». Seule « une indemnité compensatrice du temps consacré à l’administration de la coopérative peut être allouée aux administrateurs ». Or, l'activité de cet agriculteur ne lui permet pas de folies. Interrogé au micro de Sud Radio, l’agriculteur précise que, après quarante ans de métier, son salaire se situe « un petit peu au-dessus du SMIC ». On est loin des 7.400 euros bruts perçus par Edwy Plenel !
Un pas vers le bio
Au-delà du train de vie des agriculteurs, Mediapart, conforté par les témoignages de « spécialistes » militants, affirme que « l’objectif de réduction de 50 % des pesticides [annoncé par les promoteurs de la retenue d’eau, NDLR] ne sera pas tenu par les irrigants ». Et le média d'enfoncer le clou : « Aucune des douze exploitations n’est en agriculture biologique. » Une assertion vraie mais qui mérite d’être nuancée. En effet, « aucune exploitation irrigante n’est en bio, dans une zone où ce label ne s’est pas du tout développé (2 % des exploitations) », précise la chambre d’agriculture départementale. De plus, le président de la Coop de l’eau 79 assure que « tous les irrigants doivent réduire fortement l’utilisation des produits phytopharmaceutiques » et ce, « dès la première année ». Emmanuel Villeneuve, lui-même, promet : « Si on signe des engagements, c’est pour les respecter. »
Enfin, Mediapart accuse les douze agriculteurs du projet de vivre « sous perfusion d’argent public ». Pour rappel, 90 % des exploitations agricoles perçoivent des subventions. Sans cet argent public, nombre d’agriculteurs seraient contraints de mettre la clef sous la porte et la France devrait importer une bonne part de son alimentation. En somme, la retenue d’eau, premier pas vers la conversion biologique, permettra aux exploitants de subvenir à leurs besoins d’eau – sans l’accaparer - et, donc, de continuer à approvisionner des millions de consommateurs de la région, adeptes de produits locaux et du terroir. Mediapart devrait s’en réjouir plutôt que de placer une cible dans le dos de ces douze exploitants agricoles
Clémence de Longraye
https://www.bvoltaire.fr/la-lache-desinformation-de-mediapart-sur-les-agriculteurs-de-sainte-soline/