La presse nationale n'en parle pas, peut-être par peur d'encourager la contagion, mais cet incendie d'un radar perdu au fond du pays n'est ni un fait isolé, ni un simple feu de paille. Le feu couve depuis un mois et demi. Rien que dans ce petit département, dont le conseil départemental (socialiste) a décidé de se cramponner aux 80 km/h, c'est le cinquième radar incendié. Les deux radars de Villeneuve-sur-Lot sur la rocade et de Soubirous sur la RN 21 ont subi le même sort dès le 23 mars, suivis par les appareils de Seyches et Lafittes sur Lot il y a quelques jours. Tous les grands axes du département ont été « neutralisés ». J'imagine que, dans un bureau du ministère de l'Intérieur, Gérald Darmanin pique des petits drapeaux rouges sur sa carte de France...
Il faut fouiller dans les médias locaux pour apprendre que l'incendie a bien repris depuis plusieurs semaines. Ainsi, BFM TV a indiqué le 3 mars dernier que deux radars avaient brûlé dans les Alpes du Sud. En janvier, c'est à la Martinique que des radars parfois tout juste installés étaient incendiés, comme le rapportait Le Parisien. En février, deux autres radars étaient détruits dans l'Orne, comme le relate Ouest-France. Le mouvement touche tout le territoire : début mars, trois radars sont incendiés dans la Manche, deux autres dans le Gard.
L'Etat répond en portant systématiquement plainte et en réinstallant - pour la bagatelle de 80.000 € à chaque fois - le radar détruit. Parfois, avec une rapidité étonnante : ainsi, les radars incendiés dans la Manche en mars ont été remplacés ces jours-ci.
Pendant que la France gronde, les représentants de l'Etat ajoutent au mépris et à l'inconscience qui les caractérisent les déclarations les plus maladroites. Elisabeth Borne ne vient-elle pas de déclarer, malgré son statut de Première ministre politiquement carbonisée : « Nous sommes déterminés à accélérer» dans les réformes ?
Elle devrait pourtant prendre garde : cette résurgence des actions les plus symboliques de la révolte des Gilets jaunes, au moment où la fronde contre les retraites touche d'autres catégories de la population et solidifie plus des deux tiers de l'opinion publique, pourrait déboucher sur un mouvement durable qui empoisonnerait ce quinquennat à peine commencé. Un pouvoir aussi impopulaire, sans majorité parlementaire véritable, pourrait-il y survivre ?
Frédéric Sirgant