DÉCRYPTAGE – Pour faire face à la pression migratoire, Strasbourg a adopté un texte appelant au financement de murs par l’UE.
On jubilait cette semaine à Strasbourg dans les rangs de la droite européenne (PPE). Alors que la pression migratoire se fait de plus en plus forte sur l’UE et qu’un état d’urgence a été décrété en Italie, un tabou est tombé. Le financement des murs par le budget de l’UE a réuni une majorité parmi les eurodéputés.
Mercredi, 322 élus ont soutenu cette option, 290 ont voté contre et 20 se sont abstenus. «C’est une étape importante sur la voie d’une réforme globale de la politique européenne en matière d’asile et de migration», se félicite le chef de file du PPE, Manfred Weber, à l’initiative de l’amendement. Le Français François-Xavier Bellamy (LR) y voit un «moment politique décisif». Le PPE est parvenu à embarquer avec lui les deux groupes situés à droite de l’échiquier (ID où siège le Rassemblement national et ECR présidé par Giorgia Meloni) qui n’ont pas été très difficiles à convaincre. Bien plus révélateur, un tiers des libéraux de Renew – dont les membres de la famille politique du Néerlandais Mark Rutte – ont apporté leur soutien au PPE. Même chez les sociaux-démocrates, une poignée d’élus ont franchi la ligne rouge du parti.
Sans compter de nombreuses abstentions dans ces deux derniers partis. «Je ne veux pas me laisser enfermer dans l’idée que les murs c’est Trump. Est-ce que l’UE doit financer des murs? Pour moi, c’est non! Mais j’ai du mal à me dire que, pour toujours, ce sera non. Nous parlons des murs, mais ce sont des frontières dont il est question. Et les frontières, on ne les protège pas avec des champs de patates», estime Gilles Boyer du groupe Renew qui a privilégié l’abstention. «Je n’aime pas plus les généralisations que les instrumentalisations. On ne peut pas dire “jamais, jamais, jamais”quand on voit que la Finlande est en train de construire un mur à sa frontière avec la Russie», confie Nathalie Loiseau, qui s’est également abstenue.
Le vote de mercredi pourrait être lu comme un changement de paradigme au Parlement de Strasbourg, où les eurodéputés étaient jusque-là très majoritairement opposés à ce que l’argent de l’UE finance la construction de ces «murs» antimigrants, qui renvoient l’image d’une Europe forteresse, à mille lieues de l’ADN de l’Union. En suivant le PPE, ils ont en tout cas balayé la proposition des sociaux-démocrates et des libéraux qui appelaient la Commission à continuer de «refuser tout financement de ce type aujourd’hui et à l’avenir».
(…) La gauche et une partie de Renew ne s’y sont pas trompées et ont réagi avec force après le vote. «Je regrette profondément l’adoption à une courte majorité d’un amendement du PPE appelant au financement des murs par l’Union européenne», a souligné la macroniste Fabienne Keller dans un communiqué. «À chaque session plénière, la droite se radicalise un peu plus, au détriment de nos négociations pour avancer sur les sujets clés comme la migration», a dénoncé Valérie Hayer, également membre de Renew.