Emmanuel Macron, théoricien du « en même temps », vient d’inventer une nouvelle coquecigrue : la proximité distancée. Afin de démontrer qu’il ne serait pas reclus dans le bunker qu’est devenu l’Elysée, le chef de l’Etat a décidé d’aller à nouveau, pour quelques mises en scène télévisées, à la rencontre des gens. Mais l’image qui en est ressortie, hier à Vendôme (Loir et Cher), a été le révélateur têtu de la réalité du pouvoir esseulé.
C’est un président tenu à l’écart de la foule et des casserolades qui s’est essayé à une brève immersion auprès d’un public choisi. La société du non contact, issue de la crise sanitaire, est en train de déteindre sur la pratique politique. Le divorce entre la caste et la société ordinaire est tel que seule la distanciation permet d’éviter que les situations ne dégénèrent. Des ministres, dépêchés pareillement sur le terrain, ont dû également se réfugier dans l’attente ou la fuite pour éviter d’avoir à rencontrer des Français furieux. Le gouvernement veut se rassurer en mettant en avant dans les médias la réplique de Rima Abdul Malak, interpellée lundi soir par deux syndicalistes CGT lors de la 34 ème cérémonie des Molière. De fait, la ministre, qui avait préparé sa riposte, a été applaudie par l’assistance. Mais ceci n’est guère un exploit venant d’un milieu théâtral acquis à la pensée conforme du macronisme. Le comédien Michel Fau, qui a quitté la salle après la saillie des deux militantes de l’intermittence, replace la réalité du problème, ce mercredi dans Le Figaro. Il explique : « Il y a un mépris pour le théâtre populaire qui est problématique ». C’est ce rejet du peuple, de ses goûts, de ses aspirations, qui est au cœur de la crise politique et démocratique.
Macron se trompe en croyant pouvoir « tourner la page » des retraites. Il se trompe en traitant de « démagogues » ou de « populistes » ceux qui protestent. Il se trompe en maintenant une distanciation avec ses compatriotes. Il se trompe nommant volontairement le RN recentré de son ancien nom, le Front national. Il fait comprendre, en effet, qu’il ne voit rien du réveil de la classe moyenne, de cette société majoritaire mais marginalisée. Or elle entend se faire entendre, quitte à prendre une place centrale. Le contraste est saisissant entre Macron, contraint de s’éclipser hier en hélicoptère, et Marine Le Pen qui, dans une hyper-proximité locale, est acclamée par les badauds qui lui demandent des selfies et l’appellent par son prénom. Crier au retour de l’extrême droite, comme Macron et bien des médias moutonniers le font, est une autre manière d’insulter ces citoyens oubliés. Ils sont en recherche d’un mouvement politique qui les respecte et les écoute. Ce sont des Français abandonnés qui se tournent vers la droite patriote, également représentée par Reconquête, voire LR. Dans le monde enseignant, citadelle de la gauche, 25% des professeurs auraient voté RN lors de la présidentielle (Cevipof). Une révolution est en marche. Les « élites » calfeutrées doivent s’attendre à rendre des comptes.
Ivan Rioufol
Texte daté du 26 avril 2023 et repris du blog d’Ivan Rioufol