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Qui a mis fin à la souveraineté de l’Ukraine ? (4)

Qui a mis fin à la souveraineté de l’Ukraine ? (1)
Qui a mis fin à la souveraineté de l’Ukraine ? (2)
Qui a mis fin à la souveraineté de l’Ukraine ? (3)

*

par Fabrice Garniron

Retour sur un mythe médiatique

L’alliance occidentale avec le néonazisme

Il est donc clair que l’alliance scellée entre les Occidentaux et les néonazis ukrainiens va bien très au-delà de ce qu’on appelle généralement une «alliance objective», à savoir la situation où se trouvent  parfois deux forces politiques ou étatiques qui, à un moment donné, peuvent avoir le même but sans pour autant s’être concertées ou officiellement alliées. Avec le néonazisme ukrainien, le camp occidental a été bien plus loin que ce type d’alliance : il a fait de Svoboda un partenaire fréquentable. Et, ce qui n’est guère moins déshonorant, il a menti sur sa nature pour rendre présentable auprès de l’opinion ce rapprochement avec un parti néonazi. Laurent Fabius est à cet égard un cas d’école. Acte un, il a un entretien officiel avec le chef de ce parti, Oleh Tiagnibok, et ses alliés «démocrates ukrainiens» ; acte deux, il prétend que Svoboda n’est pas d’extrême droite alors qu’il s’agit d’un parti néonazi. Politique de dédiabolisation sinon de réhabilitation d’un parti néonazi à laquelle Catherine Ashton, parmi d’autres, a elle-même participé comme nous l’avons vu plus haut. L’Occident a donc très officiellement offert aux forces nazies ukrainiennes cette récompense des plus précieuses en politique : une «respectabilité», autrement dit l’onction que représentent des entrevues officielles avec les grands du monde occidental et une alliance avec des partis que l’Occident présente invariablement comme incarnant les «valeurs européennes». Sans parler des ministères et postes sensibles sur les plans militaire et sécuritaire que le parti néonazi a obtenus une fois la victoire acquise, comme ce sera le cas après le putsch du 20 février. Ajoutons qu’une «respectabilité», ça se traduit tout naturellement par un accroissement du pouvoir politique. Sauf que lorsqu’on offre la première, on est nécessairement complice du deuxième. On nous accordera que lorsqu’un ou plusieurs États font ces faveurs à un mouvement politique, ils vont très au-delà de ce qu’on appelle une «alliance objective». 

Les objectifs occidentaux et ceux des néonazis ne sont pourtant pas exactement les mêmes.                

Pour les politiciens occidentaux, il s’agit de faire main basse sur l’Ukraine, donc d’en finir avec sa souveraineté, en offrant le pays aux appétits de leurs grandes entreprises dont ils ne sont que les fondés de pouvoir. Ce faisant, il s’agit également pour eux de transformer l’Ukraine en un porte-avion menaçant la Russie, objectif qui, comme l’avons vu, participe de la stratégie américaine de rivalité avec la Russie que leurs vassaux Européens ont entérinée.     

Quant aux nazis ukrainiens et nombre de leurs alliés, ils sont imprégnés de la mythologie nazie du peuple-race et voient dans l’alliance avec l’Occident le meilleur moyen de réaliser leurs espoirs de «nation racialement pure», quitte à lui livrer l’Ukraine clés en mains. L’objectif raciste de Svoboda et de ses semblables néonazis nécessite d’abord de souder les Ukrainiens autour d’un fanatisme anti russe, car les Russes sont dans l’imaginaire des néonazis l’obstacle principal à l’homogénéité raciale dont ils rêvent1. Pour ces derniers, les Russes ne sont qu’un peuple abâtardi parce que métissé avec des Asiatiques, autrement dit des «Asiates». Composer avec les Russes d’Ukraine dans la perspective d’un projet national ukrainien contraindrait les néonazis à accepter une Ukraine multiethnique, multilinguistique, perspective qu’ils abhorrent pardessus tout. Mais ce racisme est d’autant plus extrême, voire délirant, que l’identité linguistique, religieuse et historique des Ukrainiens est en réalité fondamentalement proche de celle des Russes, celle desuns se confondant souvent avec celle des autres. La haine maladive de la Russie par les Ukrainiens de Kiev se substitue donc à des différences qui sont trop faibles pour fonder un antagonisme. Comme dans le cas de l’antisémitisme, la haine est ici d’autant plus grande que les différences sont petites. Seule la haine peut permettre durablement de séparer par un mur d’affects inexpiables les Russes des Ukrainiens. Un mur qu’ils s’emploieront à fabriquer de toute pièce avec un grand récit identitaire, quitte à ce qu’il soit de pure fiction.2  

C’est donc cette alliance entre néonazisme et États occidentaux, où chacun instrumentalise l’autre en même temps qu’il s’en fait le complice, qui est à la manœuvre dans le putsch sanglant du 20 février 2014.                          

Le putsch de Kiev

Car c’est incontestablement un putsch qui a lieu le 20 février 2014. Toutes les caractéristiques en sont réunies : d’abord la violence pour s’emparer illégalement du pouvoir et ensuite l’habillage juridique pour paraitre légitime après que la violence en a permis la conquête.

La violence d’abord. Elle monte inexorablement durant les semaines qui précèdent le putsch malgré les propositions de la fin janvier 2014 du gouvernement de Ianoukovitch d’ouvrir son gouvernement à l’opposition et de nommer un premier ministre issu de ses rangs3. Mais l’objectif étant précisément le renversement de Ianoukovitch, rien ne semble pouvoir arrêter la montée de la violence. Le 18 février, des groupes paramilitaires néonazis de Pravy Sektor, plus extrémistes encore que Svoboda, tirent sur les forces de l’ordre et les affrontent dans de sanglantes batailles rangées et des combats de rue qui feront ce jour-là 13 morts dont 6 policiers. Sans surprise, la trêve qui sera proposée par les autorités est refusée par Pravy Sektor.4

Mais le 20 février, la violence atteint un niveau de violence inédit quand des tireurs embusqués, visant la foule et les policiers présents, tuent 86 personnes et en blessent environ 600. Ce massacre jouera un rôle décisif dans la prise du pouvoir par le parti néonazi Svoboda et ses alliés de OuDar et de Patrie. D’abord parce que l’opposition ukrainienne et l’ensemble des médias occidentaux, profitant de l’indignation et de la sidération générale, s’empressent d’accuser le président Ianoukovitch, les uns comme les autres espérant qu’ainsi discrédité et fragilisé, son maintien au pouvoir deviendrait impossible. Ils n’ont pourtant pas la moindre preuve, et pour cause, de ce qu’ils affirment. La mise en accusation immédiate de V. Ianoukovitch, contribua dès le 21 février à la radicalisation des manifestants de Maïdan qui, même s’ils n’étaient que 20 000 à 30 000, étaient maintenant en position de force pour exiger son départ immédiat inconditionnel et refuser encore une fois ses propositions et concessions.

Loin de se limiter à la rue, le massacre et la manipulation de l’indignation eut à la Rada, l’Assemblée nationale ukrainienne, des retombées non moins décisives en faveur des putschistes. Car une soixantaine de députés du parti présidentiel, le Parti des Régions, quittèrent la majorité pour l’opposition putschiste, persuadés que Ianoukovitch et sa police étaient responsables du massacre.

Cette défection n’était toutefois pas suffisante pour assurer la victoire du putsch. Les groupes néonazis eurent recours largement à la menace et à la violence pour avoir raison des récalcitrants. Car le 20 février, le jour-même du massacre, les groupes Svoboda et de Pravy Sektor prennent d’assaut le Parlement et c’est finalement sous la pression de deux mille manifestants de Svoboda et de Pravy Sektor que l’assemblée débattra de la destitution du président. À l’extérieur, un blindé les accompagne et est organisé un «couloir de la honte» pour les récalcitrants, notamment ceux du parti communiste et ceux du parti présidentiel suspectés de mal voter. À proximité se trouve un millier de pneus que les manifestants menacent de faire brûler au cas où le résultat du vote parlementaire n’irait pas dans le sens souhaité par les putschistes.5

Au climat d’intimidations et de violence, succède un habillage juridique du putsch qui violera largement la constitution ukrainienne. Les conditions dans lesquelles le président Ianoukovitch sera destitué paraissent elles-mêmes des plus douteuses. Alors que ce dernier avait dû fuir en raison des menaces que les putschistes eux-mêmes faisaient peser sur sa vie et celle de sa famille, les députés le destituèrent au nom du fait qu’il aurait «quitté ses fonctions de manière inconstitutionnelle». Pourtant, quelques jours après sa fuite, le président était réapparu et avait déclaré publiquement pour quelles raisons il avait été contraint de s’enfuir. À aucun moment pourtant la Rada jugea utile de l’entendre et préféra faire comme s’il n’existait plus. Quant aux dispositions prévues par la constitution pour le démettre, aucune ne sera respectée : ni la procédure de destitution, qui nécessitait une instruction de la Cour constitutionnelle, ni le nombre de députés, qui devaient être plus de 75% à approuver sa destitution, quorum qui ne fut pas atteint6. À l’évidence, les décisions de la Rada participaient ni plus ni moins d’un simulacre d’État de droit. Simulacre que politiciens et médias occidentaux, faut-il préciser, accompagnèrent en l’approuvant à chacune de ses étapes.

Massacre sous faux drapeau

Mais revenons sur l’évènement évoqué plus haut, celui ayant permis aux Occidentaux et à leurs alliés ukrainiens de conquérir le pouvoir et de mettre fin à la souveraineté de l’Ukraine, à savoir le massacre de plusieurs centaines de personnes tuées et blessées le 20 février 2014 sur la place centrale de Kiev. On remarque tout d’abord qu’à de très rares exceptions près, le bain de sang ayant accompagné le putsch de Maïdan a été totalement occulté par les médias occidentaux, la place qu’ils lui ont accordée sur le moment se limitant à l’utilité momentanée qu’il présentait pour eux de chasser Ianoukovitch du pouvoir. Occultation ô combien révélatrice du fonctionnement médiatique. Qu’on songe à l’ampleur du massacre, au cynisme de ceux qui l’ont voulu et organisé et à ce qu’il représente dans l’histoire récente de l’Ukraine, qu’il s’agisse de la prise du pouvoir à Kiev, du basculement de l’Ukraine dans le giron occidental et de la guerre du Donbass qui s’ensuivit, pour ne pas parler de l’intervention russe de février 2022. Sans doute faut-il voir dans l’occultation de ce fait majeur, totalement inexistant dans la conscience de l’opinion, un symptôme parmi d’autres de l’absence impressionnante de déontologie des entreprises médiatiques qui, sous couvert d’«information», sont depuis longtemps devenues des machines vouées à la mobilisation de l’opinion sous la bannière atlantiste.     

Etant attribué immédiatement à Ianoukovitch, le massacre, certes, profite indubitablement aux putschistes puisqu’il crée un climat politique et émotionnel qui leur permet immédiatement de prendre le pouvoir. On objectera toutefois avec raison que si le crime profite aux putschistes, ils n’en sont pas pour autant les auteurs. Sauf que juste après la prise du pouvoir, les éléments de preuve se sont accumulés pour désigner l’opposition et non pas Ianoukovitch. Éléments de preuve qui montrent qu’indubitablement le massacre de Kiev est ce qu’on appelle un massacre sous faux-drapeau.   

L’expression toutefois rend compte assez mal du cynisme et de la perversité de ce genre d’opération. Car il ne s’agit pas d’autre chose que de tuer les siens pour faire croire à l’opinion intérieure et internationale qu’ils ont été tués par l’ennemi. Moyen criminel par lequel le méchant apparait plus méchant encore. Et plus les victimes sont nombreuses, plus le méchant apparait méchant, alors qu’il n’est pas l’auteur du crime. On conviendra que ce type d’opération dépasse en cynisme et en infamie le tir sur des civils désarmés par des forces de l’ordre. Si ce dernier cas, évidemment indéfendable, se caractérise par la brutalité, le massacre sous faux drapeau, tout aussi meurtrier, y ajoute la perversité d’une double trahison : non seulement les auteurs du carnage tuent des innocents qui appartiennent à leur camp, mais les forces ou l’État qui le commettent ont pour but, avant même de tromper l’opinion internationale, de tromper leur propre opinion publique. Un des exemples les plus célèbres de ce type d’opération est de provenance nazie. Il s’agit de l’attaque de la station de radio allemande de Gleiwitz par des détenus allemands déguisés en soldats polonais pour faire croire à l’opinion allemande que le pays était attaqué par la Pologne. C’est ainsi que sera justifiée, quelques heures après, l’attaque contre ce pays, agression qui marquera le début de la 2ème Guerre mondiale.      

À l’âge médiatique en effet, ceux qui commettent un massacre sous faux drapeau ont le plus souvent une intention : créer une émotion telle que l’intervention militaire qu’ils ourdissaient depuis longtemps devienne possible, voire exigée par une opinion  manipulée. Ça a été le cas en ex-Yougoslavie où la technique du massacre sous faux drapeau a été à plusieurs reprises, sinon systématiquement, utilisée par les autorités musulmanes de Sarajevo pour «internationaliser» la crise bosniaque, autrement dit pour faire intervenir l’OTAN. Précisons que ces crimes bénéficient invariablement du soutien des médias occidentaux qui s’emploient sans compter à orchestrer l’animosité de l’opinion contre les méchants du moment et exiger l’intervention salvatrice. Le duo complice que forment l’OTAN et les médias occidentaux justifie donc parfaitement qu’on parle de «médias militarisés».         

Si contrairement aux cas évoqués plus haut, l’intervention armée des Occidentaux n’était pas encore en février 2014 dans l’agenda des putschistes, la mise sous contrôle des forces armées du pays par l’OTAN fut en revanche immédiate. On retrouve donc dans le massacre de Maïdan de 2014 les caractéristiques habituelles des massacres sous faux drapeau, à commencer par les liens systémiques entre les médias occidentaux et l’OTAN, liens que ces carnages rendent particulièrement évidents. Comme en Bosnie, la prise de possession du pays a été couverte par les incantations hypocrites sur les «valeurs», par la dénonciation mensongère de ceux qui en fait n’étaient pas les auteurs du massacre, puis par l’occultation des auteurs réels, et enfin par la disparition du fait politique et historique que ce massacre représente. Sans doute une modeste «expérience par l’esprit» permettrait de mieux saisir l’ampleur de la falsification médiatique relative au putsch et au massacre de Maïdan. Elle consisterait à garder le scénario du massacre de Kiev mais en changeant la nationalité des protagonistes et le lieu où il s’est déroulé. Imaginons qu’un massacre équivalent à celui de Maïdan ait été perpétré à Paris sur la place de la Concorde par des tueurs pro-russes contre des manifestants eux-mêmes pro russes. Le massacre ayant été suivi d’une prise de pouvoir par un gouvernement pro russe et du contrôle des médias, il est probable que nombreux seraient les Français à être quelque peu étonnés, sinon sidérés, de voir les médias faire disparaitre le carnage et continuer de parler de la France comme d’un «État souverain».

Le carnage de Maïdan

Quant aux éléments de preuve évoqués plus haut, précisons qu’il s’agit de témoignages, d’une expertise médico-légale rapportée par un témoin difficile à soupçonner, d’expertise balistique et de séquences vidéo. Tous impliquent l’opposition pro-occidentale.        

Le premier témoignage relève de ces éléments de preuve difficiles à contester car provenant de la partie qui a le moins intérêt à en faire état. Il vient en effet de l’UE. Il s’agit d’une conversation privée ayant été piratée mais néanmoins incontestable car authentifiée quelques jours après par l’un des interlocuteurs7. Quant aux auteurs de ce piratage, ils semblent appartenir au SBU, les services de sécurité ukrainiens, qui étaient à ce moment-là encore sous le contrôle du gouvernement Ianoukovitch. Diffusé dès mars 2014 sur internet, il s’agit d’un échange entre Catherine Ashton, vice-présidente de la Commission européenne et Urmas Paët, ministre estonien des Affaires étrangères, qui rend compte de sa visite à Kiev dans les jours qui suivent le massacre. Et il tient à Catherine Ashton ce propos dévastateur pour l’opposition ukrainienne et ses soutiens occidentaux : «Ce qui était troublant c’est que Olga (Il s’agit de Olga Bogomolets, chef d’hôpital) disait que toutes les preuves indiquent que les personnes qui ont été tuées, (…) aussi bien les policiers que les gens dans la rue l’ont été par des snipers tuant les gens des deux camps. (…) Elle m’a montré des photos, en tant que médecin, elle dit (…) qu’il s’agit du même type de balle. Et c’est vraiment troublant que la nouvelle coalition ne veuille pas faire une enquête là-dessus pour savoir ce qui s’est passé. Il y a de plus en plus le sentiment que derrière les snipers, il n’y avait pas Ianoukovitch mais que c’était quelqu’un de la nouvelle coalition. Cela discrédite déjà la nouvelle coalition». Résumons : un témoin qui est un ministre des Affaires étrangères de l’UE, a eu un contact direct avec la responsable de l’hôpital où les autopsies des victimes du massacre ont été faites ; ce témoin a vu les photos prouvant que les tirs visaient à la fois les policiers et les manifestants et qui, constatant que les nouvelles autorités se refusent à toute enquête, suspecte fortement ces dernières d’être les auteurs du crime.      

Le supérieur hiérarchique de Urmas Paët, à savoir le Premier ministre estonien, s’est empressé de contester les affirmations de son ministre des AE, appartenance à l’UE oblige. Mais il reconnait que la conversation piratée était authentique, sans pour autant apporter le moindre élément allant à l’encontre de ceux évoqués par son ministre des AE8. Quant à Olga Bogolomets, le médecin qui était le contact direct de Urmas Paët, elle a été rapidement réduite au silence et refusera de confirmer les propos qu’elle avait tenus au ministre des AE estonien. On comprend mieux sa prudente réserve quand on sait que la personne qui venait d’être nommée procureur et en charge de l’enquête appartenait à Svoboda, parti néonazi évoqué plus haut dont on connait le traitement qu’il réservait aux magistrats tentant de rester impartiaux. La vidéo mise en ligne par Pierrick Tillet de L’Obs est à cet égard éloquente : dans une séquence presque insoutenable, on voit le chef d’un groupe de nervis néonazis de Pravy Sektor en tenue paramilitaire brutaliser et humilier un magistrat ukrainien9. Au-delà du témoignage de Urmas Paët, d’autres éléments que nous allons évoquer confirment le sabotage de l’enquête par les nouvelles autorités de Kiev.      

Notamment un reportage de la chaine allemande ARD du 5 avril 2014, qui montre également l’implication des forces putschistes dans le carnage du 20 février10. L’origine des tirs est prouvée par des témoignages et une expertise balistique : ils provenaient de l’hôtel Ukraina, qui était le QG de l’opposition. Une conversation enregistrée ayant eu lieu entre des membres des forces de l’ordre de Ianoukovitch pendant le massacre établit également que ces dernières ne tiraient pas sur les civils en train de manifester. Par ailleurs, un autre médecin de l’hôpital central de Kiev confirme que les tirs visaient à la fois les policiers présents et les manifestants anti-Ianoukovitch. Quant à la fiabilité des magistrats arrivant aux manettes de l’institution judiciaire avec le nouveau pouvoir fin février 2014, et adoubé par l’UE, les personnes interrogées par la chaine allemande sont éloquentes : tous se plaignent de l’obstruction des magistrats et du fait que les éléments de preuve permettant d’enquêter ont tous disparu, notamment les balles et les douilles.11

L’obstruction du nouveau régime à toute enquête ne relève donc ni de la propagande ni de fumeuses spéculations «complotistes». À tel point que le Conseil de l’Europe lui-même ira jusqu’à condamner en termes sévères les autorités et le pouvoir ukrainien auquel le Conseil reproche de n’avoir entrepris «aucune tentative sérieuse de mener des enquêtes»12. Louable intention de faire la lumière sur la tragédie, certes. Sauf que tout en constatant cette obstruction des nouvelles autorités kiéviennes, l’institution européenne a laissé faire et s’est bien gardée de brandir de quelconques menaces de sanctions. À l’évidence, elles auraient fragilisé un pouvoir que l’UE a elle-même installé.    

Une question mérite d’être posée : si une telle accumulation d’éléments de preuve désignait le pouvoir russe comme coupable d’un carnage, nos médias en parleraient-ils un peu plus ? Sans doute, et ils auraient raison. Autant qu’ils ont tort aujourd’hui de ne rien en dire pour la seule raison de protéger un régime «ami».

En tout cas, la volonté du pouvoir putschiste ukrainien de cacher la vérité, qui s’ajoute aux éléments de preuve cités plus haut, le désigne comme l’auteur du carnage, au-delà de tout doute raisonnable, même si aucun jury, et pour cause, n’a pu statuer.  

Les massacres sous faux drapeau ont leur logique, qui oblige leurs auteurs à aller jusqu’au bout de la perversité intrinsèque de leur opération. Une fois le massacre commis, il faut s’emparer des victimes et les honorer comme si elles étaient tombées sous les balles de l’ennemi. Pendant plus d’un an, les quatre-vingt-six portraits des personnes assassinées par les putschistes furent affichés à Maïdan pour illustrer la barbarie du régime précédent et parer de légitimité victimaire celui issu du putsch…

  1. Sur la question du racisme officiel ukrainien, voir plus bas note 65
  2. C’est le rôle d’Holodomor, qui présente fallacieusement la famine du début des années trente en Ukraine comme spécifiquement ukrainienne alors qu’elle a sévi partout en URSS, notamment en Russie et au Kazakhstan. Autre aspect du mythe d’Holodomor : les responsables de cette  famine sont supposés être «les Juifs». Dans ce mythe,  les Juifs, alliés des «Moskals» (terme russophobe désignant les Russes), sont coupables d’avoir voulu l’extermination des Ukrainiens. Ce crime ayant précédé la Shoah, l’extermination des Juifs ukrainiens apparait comme une «réaction» à Holodomor. Ce qui permet de justifier la shoah en Ukraine.
  3. Voir Les-crises, «Ukraine et Euromaïdan (6), le coup d’État»Voir Pierre Lorrain, «L’Ukraine, une histoire entre deux destins», Paris, Bartillat, 2021, p. 596.
  4. Les-crises, «Ukraine et Euromaïdan (6), le coup d’État».
  5. Les-crises, «Ukraine et Euromaïdan (6)».
  6. Voir Les-crises, «Ukraine et Euromaïdan (6), le coup d’État». Voir aussi Pierre Lorrain, «L’Ukraine, une histoire entre deux destins», opus cité, p. 597.
  7. Les-crises, «Ukraine et Euromaïdan (9), Oups, ce sont peut-être les « gentils» qui ont tué les manifestants».
  8. Lucien Cerise, «Ukraine, la guerre hybride de l’OTAN», Culture &Racines, juin 2022, p. 169.
  9. https://www.nouvelobs.com/2014/03/21/videos-ce-qui-se-passe-vraiment-dans-l-ukraine-democratique. Voir également : https://www.les-crises.fr/point-ukraine-au-fou
  10. Les-crises, «Qui et responsable du carnage de Maïdan ?»
  11. Pierre Lorrain évoque également l’absence d’enquête, émettant l’hypothèse que «la révélation de l’identité des tireurs risquerait de ternir l’image de l’Euromaïdan». Voir «L’Ukraine, une histoire entre deux destins», Paris, Bartillat, 2021, p. 596.
  12. Lucien Cerise, «Ukraine, la guerre hybride de l’OTAN», opus cité, p. 171. Voir Le Figaro, 31-03-2015, «Kiev accusé de saboter l’enquête sur les «crimes» de Maïdan».

https://reseauinternational.net/qui-a-mis-fin-a-la-souverainete-de-lukraine-4/

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