Bernard Germain
Cet évènement n’a peut-être l’air de rien pour d’innombrables personnes, mais c’est - selon moi - un évènement absolument historique aux incalculables conséquences à ce jour.
En effet, du 22 au 24 août 2023 sont réunis en Afrique du Sud, les BRICS. C’est la plus grande réunion des chefs d’État et de gouvernement des pays du Sud des dernières années. Les membres permanents du groupe, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, sont réunis pour discuter de questions stratégiques et économiques qui auront des répercussions mondiales.
Mais le sujet le plus important sera l’annonce de la création d’une nouvelle monnaie destinée à redéfinir les échanges internationaux, mettant ainsi en péril la domination du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale. Un nouveau mécanisme de règlement des paiements entre les États membres des BRICS sera étudié.
C’est tout simplement une révolution à laquelle nous assistons. Elle est sur le point de remettre en cause tout l’ordre mondial, ni plus ni moins.
Pour comprendre l’incroyable portée de ce qui se passe en ce moment en Afrique du Sud, il faut revenir quelques décennies en arrière, à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
En 1944, à Bretton Woods aux USA, sont signés les accords du même nom. Ils prévoient la mise en place d’un système monétaire international avec notamment deux décisions majeures :
• un système de change fixe entre monnaie (avec une très faible marge de variation possible) ;
• la reconnaissance du Dollar comme monnaie de réserve internationale, convertible en or (mais seulement entre banques centrales).
La quantité de Dollars produits et en circulation était adossé aux réserves en or des USA. Détenir des Dollars, c’était donc comme avoir de l’or, d’où l’expression de l’époque : un Dollar « as good as gold » (un Dollar aussi bon que de l’or). Ce système était la preuve de la domination mondiale des USA. Mais c’était aussi une contrainte forte puisque chaque Dollar produit devait avoir son équivalent en or à la réserve américaine.
Or, avec la guerre du Vietnam, les Américains ont eu besoin de plus en plus de Dollars pour faire face aux dépenses de ce conflit. Et la planche à billet a tourné à plein régime chez l’oncle Sam, sans mettre en réserve l’équivalent en or, contrairement à ce que prévoyaient les accords de Bretton Woods.
On n’oubliera pas que De Gaulle, voyant les USA produire de plus en plus de monnaie principalement pour les besoins de la guerre qu’ils menaient au Vietnam, comprend que tout cela va avoir de fâcheuses conséquences.
De Gaulle va donc envoyer aux USA des bâtiments de la marine nationale, dont les cales sont bourrées de dollars, et à leur arrivée aux USA, il exige que les Américains lui remettent des lingots d’or en échange de ces billets. Il aura gain de cause. Cette décision était une défiance absolument inimaginable de nos jours.
Rappelons aussi que c’est Nixon - quelques années plus tard - qui, le 15 août 1971, annonça la non convertibilité du dollar en or. Engageant à cette occasion le développement d’un déficit budgétaire US qui ne cessera de grandir depuis cette date pour atteindre de nos jours un niveau totalement pharaonique.
Objectivement, la situation des USA est terriblement préoccupante. Ainsi, la Chine -par exemple- possède plus de 30% de la dette américaine. Ce qui veut dire que si les Chinois présentent aux Américains les obligations du Trésor américain en leur demandant de les payer, les USA seraient tout simplement incapables de payer et seraient donc déclarés en faillite. Au passage on notera que Biden peut faire toutes les grimaces, singeries et menaces qu’il veut, il n’est pas du tout en situation de force avec une pareille épée de Damoclès au dessus de la tête.
C’est donc la fin du système et des accords de Bretton Woods qui se joue en Afrique du Sud. Ce ne sont pas moins de 40 pays qui sont en passe de conclure un accord sur le commerce international entre eux, les conditions de paiement et la monnaie pour le faire, qui ne sera plus le Dollar mais une monnaie nommée « R5 ».
Sans oublier les pays qui patientent et s’impatientent à la porte des BRICS, notamment les 54 pays africains (donc tous les pays de ce continent). C’est dire l’ampleur de la vague qui se lève. En fait un véritable tsunami économique et politique.
Pour les USA, c’est une authentique catastrophe, sur tous les plans. Mais c’est surtout la fin de leur domination internationale sur le reste du monde.
Ce qui aura de considérables conséquences sur les relations des USA avec l’extérieur, mais aussi en interne au sein des USA où une crise considérable ne manquera pas d’éclater en tant que conséquence de ce qui va se décider en Afrique du Sud.
C’est certain, nous vivons en direct un tournant historique, au sens propre du terme.
Commentaires
Et on se foutra tous sur la gueule. Vive le progrès.