Citant un récent sondage de CBS, il a également raillé son principal challenger, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, qui « s’écrase comme un oiseau malade ». Trump le surclasse en effet de 46 points, à 62 % contre 16 % pour son malheureux rival. Quant aux autres candidats, ils pataugent au milieu de scores lilliputiens, même si Vivek Ramaswamy, étoile montante du parti, est à surveiller. Le charisme de ce fils d’immigrés indiens semble avoir séduit le redouté Tucker Carlson, ancienne vedette de Fox News, qui l’a récemment interviewé pour son émission « Tucker on Twitter ». Et certains verraient bien ce novice en politique, âgé de trente-huit ans, qui a fait fortune dans les biotechnologies prendre la deuxième place derrière Trump si DeSantis poursuivait sa chute.
En attendant, Trump a lui aussi accordé une interview à Tucker qui a été diffusée mercredi soir, cinq minutes avant le début du débat auquel participaient, sans lui, ses concurrents républicains. Une façon de bien faire comprendre qui est le patron.
Trump toujours là
Au grand désespoir de ses contempteurs, Trump est donc toujours là. Apparemment indéboulonnable. Et du Wall Street Journal au New York Times, on reconnaît, pour s’en désoler, que loin de le disqualifier ou de l’affaiblir, les procédures judiciaires engagées contre lui ont provoqué son ascension continue dans les sondages. L'ascenseur pour l'échafaud s'est métamorphosé en tremplin pour décrocher la lune de l'investiture du parti.
Le New York Times parle d’un « effet accusation » qui a entraîné une réaction en chaîne à partir du printemps dernier, lorsque Trump a annoncé qu’il allait être prochainement arrêté en vue d’une mise en accusation. Cette « déclaration a déclenché des événements qui ont profondément modifié le cours de la compétition pour l’investiture des républicains. Les donateurs ont envoyé des chèques. Fox News a changé de ton. L'appareil du parti s'est précipité pour défendre Trump. Et les sondages ont augmenté, augmenté… », note le Times.
Alors, dans la presse américaine, on analyse, on dissèque, on sonde. Par quel sortilège méphistophélique l’ancien président parvient-il à maintenir un si fort contingent de l’électorat républicain en dehors du cercle de la raison ? Ces « Always Trump » qui semblent à jamais ensorcelés. « Je vais voter pour le gars avec le plus d'actes d'accusation », a déclaré au Wall Street Journal une retraitée qui vit dans la banlieue de Des Moines, dans l'Iowa. Désespérant pour les démocrates. Sachant que 77 % des électeurs républicains considèrent que la dernière inculpation n'est motivée que par la politique.
« Chaque fois que vous avez une meute de chiens qui vous poursuit et que vous êtes prêt à rester ferme et à vous battre, vous obtiendrez mon vote », a déclaré au New York Times un autre soutien de Trump, âgé de 39 ans et qui vit en Floride. Fin juillet, un sondage a interrogé les électeurs républicains sur la façon dont ils percevaient l’ancien président et Ron DeSantis, son principal challenger. À la question « Qui vous paraît le plus moral ? », 45 % ont répondu DeSantis et 37 % Trump. En revanche, à la question « Qui vous paraît le leader le plus fort ? », 69 % ont répondu Trump et 22 % DeSantis.
Attente d'un leader fort
Ce qui est valorisé, ce n’est donc pas la « morale » mais un « leader fort », prêt « à se battre » face à une « meute de chiens ». Dans un contexte de polarisation extrême des opinions, ce que veulent les partisans de Trump, ce n'est pas un premier prix de catéchisme mais Charles Bronson dans Il était une fois dans l’Ouest. Un défourailleur de western spaghetti. Le genre justicier sans pitié. Mal rasé, malpoli mais qui, la main sur le Colt, vous fait la promesse, une fois élu, de régler son compte à toute la clique des gros bonnets de l'establishment.
Dans son livre Revolution: Trump, Washington and "We the People", Kathleen McFarland, ancienne conseillère adjointe à la sécurité de Trump, a expliqué les raisons pour lesquelles elle avait rejoint la « révolution Trump », en 2016 : « Je n’étais pas aveugle aux défauts de Trump, écrivait-elle. Je l’ai soutenu malgré sa rudesse, son imprévisibilité et son personnage de bagarreur de rue. À bien des égards, je l’ai soutenu précisément à cause de ces caractéristiques. Je voulais quelqu’un qui défierait le statu quo, briserait les cartels du pouvoir à Washington et inverserait les politiques économiques et étrangères qui favorisaient les élites aux dépens des classes ouvrières et moyennes. »
Sept ans plus tard, il semblerait bien que le petit peuple des Blancs déclassés, qui forme le cœur de l’électorat MAGA (Make America Great Again, soit Rendre sa grandeur à l'Amérique, NDLR) partage toujours cette attente.
Frédéric Lassez