Les médias occidentaux font ressortir la question du « règlement pacifique de la crise en Ukraine ». « Le chef de cabinet du secrétaire général de l'Otan (Stian Jenssen) a estimé la semaine dernière « qu'une solution pour l'Ukraine pourrait être d'abandonner certains territoires en échange d'une rentrée dans l'Otan », signale TF1. « Mais les dirigeants ukrainiens n'ont que très peu goûté à cette sortie », continue le média français qui cite Mykhaïlo Podoliak, conseiller principal du président ukrainien, Volodymyr Zelensky. « Échanger un territoire contre un parapluie de l' OTAN ? C'est ridicule. Cela revient à choisir délibérément la défaite de la démocratie, à encourager un criminel mondial, à préserver le régime russe, à détruire le droit international et à transmettre la guerre à d'autres génération », a-t-il fustigué.
En voyant la colère de Kiev, Stian Jenssen a répondu pour éteindre l’incendie : « Je ne dis pas qu'il doit en être ainsi, mais ça pourrait être une solution possible » ; « Ma déclaration à ce sujet s'inscrivait dans le cadre d'une discussion plus large sur les scénarios possibles en Ukraine, et je n'aurais pas dû la formuler ainsi. C'était une erreur ».
Cette affaire trahit le fait que dans les coulisses de la diplomatie de l'OTAN, il y a une « discussion sur les scénarios possibles pour l'avenir » concernant l’Ukraine. C’est déjà quelque chose de différent des déclarations précédentes des représentants de l’OTAN, de l’Union européenne et des dirigeants diplomatiques des principaux pays occidentaux. Auparavant, ces derniers avaient souligné la nécessité d’infliger une « défaite stratégique » à la Russie, de restaurer l’intégrité territoriale de l’Ukraine avant l’arrivée des troupes russes dans le Donbass et même d’obliger la Russie à payer des réparations pour les dommages causés lors des hostilités.
Comment comprendre cette rétrogradation des exigences de l’OTAN ? Cela est le résultat d’une réévaluation qualitative, souvent douloureuse, de la situation. Déjà dans le passé, l’OTAN est montée sur ses grands chevaux en parlant de l'inviolabilité de leur position. Puis, en étant confronté à la réalité du terrain, elle a été obligée de changer, parfois de manière assez radicale, de cheval. Ainsi, à titre d’exemple, Washington a évoqué à de nombreuses reprises la nécessité de créer une « Grande Asie centrale » sous les auspices des États-Unis, avec Kaboul pour capitale.
Dans le cas de l’Ukraine, il s’agit de modifier l’équilibre des pouvoirs au profit de Kiev et des intérêts des bénéficiaires du conflit. Mais, les armes de l’OTAN, envoyés en Ukraine, ont raté leur objectif. En Occident, dans l’opinion publique, la lassitude face à la crise ukrainienne acquiert progressivement une connotation politique et économique. En Europe même, les positions des forces conservatrices mécontentes des régimes centristes et de centre-gauche se renforcent : les socialistes en Espagne ont été vaincus, les positions politiques de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), dont les responsables politiques sont pour une collaboration avec la Russie, se renforcent. En Italie, un régime ouvertement de droite a été renforcé. Le succès de ces partis découle, en grande partie, du mécontentement des larges masses de la population européenne face à leur implication dans les affaires ukrainiennes. L’inflation rend la vie dure pour le simple citoyen de ces pays.
Un autre moment géopolitique important. Celui-ci touche les relations entre les États-Unis et l’Europe. Pour l’élite politique européenne, les relations avec la Russie sont une question de survie. Le chancelier Helmut Kohl a déclaré un jour que l’Europe sans la Russie était impossible ce qu’il retrace aussi dans son livre Erinnerungen 1990-1994 (Souvenirs). Et, la Russie a toujours cherché à développer des relations mutuellement bénéfiques avec l’Union européenne. Malheureusement, avec la disparition d’hommes politiques tels que Helmut Kohl, Gerhard Schröder, Jacques Chirac, Silvio Berlusconi, une génération d’atlantistes est arrivée au pouvoir en Europe, qui ont tenté d’imposer à la Russie le modèle de coopération centré sur l’OTAN et fondé sur le principe de « l’union des pays où se trouve le cavalier et le cheval. Dans le rôle de cavalier, bien sûr, cela devait être la Commission européenne. Le cheval devait être joué par le peuple russe qui a finalement acquis les valeurs européennes.
Comprenant qu’ils ne parviendraient pas à imposer un tel modèle de coopération à la Russie, les atlantistes européens s’appuient sur le soutien et sur le rôle actif des États-Unis dans les affaires européennes. La grande déception pour eux a été l’arrivée au pouvoir de l’administration républicaine de Donald Trump. Ces derniers ont mis en avant les intérêts des États-Unis eux-mêmes en parlant d’ America First, ce qui, visiblement, n’a pas plu à Bruxelles, Berlin, Londres et Paris. Et maintenant, la situation pourrait se répéter un an plus tard avec l'élection présidentielle américaine. Et, plus les accusations portées contre Donald Trump par le camp pro-Biden sont nombreuses, plus ses chances de réélection ou de victoire des Républicains - qui ont d’autres candidats - sont réelles.
Cela signifie que les hommes politiques européens pourraient être confrontés à une situation dans laquelle le degré d’intérêt de la Maison Blanche pour les affaires ukrainiennes diminuerait faisant peser le poids du soutien à Kiev pour l’Europe. Et, cela est très probable, car aux États-Unis, y compris dans les cercles militaires, ils sont de plus en plus conscients que l’orientation principale de la politique étrangère ne doit pas être européenne, mais qu’elle doit concerner la zone du Pacifique. Cela explique la dureté des relations entre les États-Unis et l’UE sur la question ukrainienne.
Les Américains, en particulier, ont bloqué la nomination du secrétaire britannique à la Défense, Ben Wallace, au poste de secrétaire général de l'OTAN « en raison de son soutien excessif à l'Ukraine ». Le point central des désaccords était précisément la question fondamentale de la fourniture d’avions de combat F-16 à l’Ukraine. Ben Wallace a insisté pour que les approvisionnements soient effectués directement depuis les États-Unis, mais la Maison Blanche s'est limitée à autoriser ces approvisionnements par les partenaires alliés de l'OTAN, le Danemark et les Pays-Bas. Et, Jens Stoltenberg, dont le chef de cabinet a malheureusement laissé échapper d'éventuelles concessions territoriales à l'Ukraine en échange de l'adhésion à l'OTAN, a été prolongé au poste de secrétaire général.
Comme prévu, la déclaration du responsable de l’OTAN a provoqué un tollé général en Ukraine. Le président Volodymyr Zelensky l'a ironiquement commenté dimanche dernier lors d'une rencontre avec la Première ministre danoise Mette Frederiksen : l'Ukraine est prête à échanger uniquement la ville russe de Belgorod contre la possibilité d'adhérer à l'OTAN.
Pendant ce temps, les forces armées ukrainiennes subissent de lourdes pertes. Combien de temps encore le peuple ukrainien supportera-t-il cela ? Observateur Continental a rapporté que « l’état-major ukrainien a interdit aux journalistes d’accéder aux zones de combat » à cause des pertes dans la contre-offensive.
Julien Le Ménéec
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