La voix royale de Bardella
Jordan Bardella est sorti tout sourire du marathon élyséen de Saint-Denis. Le jeune dirigeant de parti y a sans doute vu un signe du destin. C’est à Saint-Denis qu’il avait voté, lors des élections européennes de 2014 : un baptême du feu en tant que tête de liste. Il avait glissé son bulletin dans la petite école maternelle qui l’avait accueilli enfant. C’est aussi à Saint-Denis qu’il a participé à la fameuse rencontre entre Emmanuel Macron et les chefs de parti. Les sondages prédisent son arrivée en tête du scrutin, devant la liste Renaissance que devrait emmener l’historique macroniste Stéphane Séjourné. Ces sondages confirment la bonne étoile du meilleur ouvrier de Marine Le Pen.
Reconquête ne désespère pas
Mais en politique, le bonheur des uns fait le malheur des autres. Si le RN a les moyens de jouer la gagne, Reconquête ne peut qu’espérer la survie. Les sondages aux européennes créditent généralement le parti d'Éric Zemmour de 6 % à 7 % des voix, c’est-à-dire moins que le score réalisé lors de l’élection présidentielle. Dans ce contexte, le sondage OpinionWay du Parisien publié ce lundi 4 septembre est une bouffée d'air pour la jeune formation politique : 13 % des Français se disent tentés de voter pour Éric Zemmour en 2027. Un choix qui placerait Zemmour en sixième position, derrière Édouard Philippe, Marine Le Pen, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Xavier Bertrand. Ce score monte à 20 % parmi des sympathisants de droite qui, en revanche, plébiscitent Édouard Philippe à près de 60 %. « Tous ces sondages nous montrent qu’il existe un espace », veut croire Stanislas Rigault. Le jeune membre du bureau exécutif du parti de Zemmour constate un progrès de Reconquête dans l’esprit des Français. De quoi donner au parti un léger avantage sur LR ? Les européennes permettront-elles une relance ?
LR : l’élection de tous les dangers !
Cet espoir est pour l'instant inaccessible à LR. Michel Barnier ? François-Xavier Bellamy ? Campagne au centre ou campagne à droite ? Coincé entre Renaissance et Reconquête, l'état-major du parti espère seulement traverser cet épisode sans trop de casse... « Il s’agit d’une échéance importante, mais nous ne jouons pas notre vie sur cette élection, même si nos adversaires disent le contraire », répond Annie Genevard, la secrétaire générale du parti, à nos confrères du Monde. Quel sera l'impact auprès des électeurs de Nicolas Sarkozy adoubant Gérald Darmanin ? De la présence d’élus LR à la rentrée du ministre de l'Intérieur macroniste ? Du survol sondagier d’Édouard Philippe et de la difficulté pour Laurent Wauquiez à émerger ? Autant d’inconnues dans une insolvable équation. « La tête de liste n’est pas un sujet, murmure un élu du parti de la rue de Vaugirard. L’important, c’est de trouver une ligne. » Et ce n’est pas la déclaration de Franck Louvrier, maire de La Baule et sarkoziste convaincu, demandant une liste d’union Renaissance-LR qui y aidera...
Le RN pèse de tout son poids sur la droite
Un atout pour le RN. L’avantage de planer à 26 %, c’est bel et bien de ne pas s’embarrasser de ces considérations. Jordan Bardella l’a bien compris. Dans son interview au Figaro, le président du RN évoque le clivage de la puissance et celui du déclin. Il rêve de remplacer l’UMP. Une opération qui aurait le mérite de rallier les derniers LR, renvoyer les autres chez Macron et d’en finir avec Reconquête. « Face aux forces du renoncement qui vont de Jean-Luc Mélenchon à Emmanuel Macron, je veux rassembler, moi, les partisans de la puissance, c’est-à-dire tous ceux qui pensent que la France est encore une grande nation avec une identité millénaire, une culture, un génie », lance notamment Bardella. L'intervention s’adresse évidemment à la droite. « Cela rappelle un peu la vidéo d’entrée en campagne d’Éric Zemmour, reconnaît un cadre du RN, le côté déprimant et pessimiste en moins. » Ce changement de rhétorique traduit-il la fin du clivage « populaire » contre « élitaire » qui prévalait au sein du RN ? « C’est une évolution plus qu’un changement », répond Jérôme Sainte-Marie. Le théoricien de Marine Le Pen, loin de s’alarmer, salue le nouveau cap de Bardella, qui lui a confié la direction de l’école des cadres du RN.
Au fond, une élection, c’est un peu un championnat de football. Il y a ceux qui jouent la gagne, à l’instar de Renaissance et du RN, et ceux qui jouent le maintien, comme Reconquête et LR. Sous le regard désintéressé et ennuyé d’une gauche enferrée dans le ventre mou.