Jusqu'à cette enquête Harris interactive parue ce 29 septembre, Édouard Philippe trônait seul dans les sommets des sondages, à plus de 40 % d'opinions favorables. Toujours devant Marine Le Pen qui cependant, de mois en mois, gagnait des points. Cette fois, il s'est passé un mouvement d'opinion net qui devrait avoir de fortes conséquences politiques. Édouard Philippe, ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron, ancien juppéiste, perd deux points, à 38 %, quand Marine Le Pen en gagne trois et le rejoint.
Du côté de la Macronie, le coup est rude. Édouard Philippe était en effet le centre de gravité de la coalition centriste qui penche de plus en plus à droite et son profil d'ex-LR était susceptible d'opérer enfin ce rapprochement avec les élus LR que ne parvient pas à réaliser Élisabeth Borne. Pour Édouard Philippe, c'est peut-être le début d'un scénario à la Alain Juppé, son mentor : un long dévissage qui pourrait même l'exclure de la compétition ! Plus inquiétant pour lui, ce tassement intervient alors qu'il est sorti de sa réserve, a publié un livre et multiplié les interventions. La faute aussi à la concurrence et à l'offensive médiatique de Gabriel Attal, qui devient le ministre le plus populaire du gouvernement, avec 41 % d'opinions favorables. Le Point le décrit même comme « le nouveau Macron ». Attal serait-il l'homme de 2027 s'interrogeait ici-même Georges Michel, cette semaine. Ce qui est certain, c'est que les rivalités internes au camp macroniste ne vont faire que s'exacerber avec cette dévaluation du candidat Philippe.
Du côté de Marine Le Pen, on assiste à un alignement des planètes. D'abord, elle doit son ascension à sa forte progression dans les milieux populaires où elle rassemble 45 % des Français (+6 !). C'est le succès de la stratégie théorisée par Jérôme Sainte-Marie : bloc populaire contre bloc élitaire. Mais dans son envolée, elle ne fait pas cavalier seul et entraîne à sa suite d'autres leaders du camp national. Jordan Bardella, bien sûr, qui enregistre une hausse de 5 points, à 35 %. Le sondeur attribue cette progression à ses interventions très fermes sur Lampedusa et à sa critique des propos du pape François sur l'immigration. En tout cas, la stratégie bicéphale du RN semble là aussi payer.
Ce sont certainement la crise migratoire et le thème de l'immigration à nouveau au centre de l'actualité qui permettent aussi à Éric Zemmour et à Marion Maréchal de profiter de cette dynamique : le président de Reconquête gagne deux points, à 21 %, et se hisse au niveau de Mélenchon, tout comme Marion Maréchal qui, à 28 %, dépasse Xavier Bertrand, le LR le plus populaire ! Là aussi, c'est un croisement des courbes remarquable. Là aussi, la stratégie du tandem, un homme-une femme, de générations différentes, engendre un cercle vertueux pour les deux.
L'ensemble du camp national peut se réjouir de cette dynamique : ses deux pôles en profitent, ce qui confirme qu'il y a une place pour chacun. Elle atteste la réussite du lancement de la campagne des européennes, une élection où l'on se compte et où l'on s'additionne. Il ne reste plus aux uns et aux autres qu'à confirmer cette envolée dans les urnes et ensuite à trouver la bonne alchimie pour s'additionner aussi dans les élections à deux tours.
Frédéric Sirgant
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