La veille, 6 octobre, alors que la reine autoproclamée de la fête, Ursula von der Leyen, exhibait un sourire crispé de circonstance, alors que les représentants hongrois et polonais, lucides, s’opposaient fermement aux politiques destructrices de nos valeurs communes en rejetant les diktats de bienveillance migratoire de Bruxelles, l’infante d’Espagne allait prêter son serment militaire de fidélité au drapeau.
Concomitance de deux événements symboliques inconciliables qui témoignent de la complexité et de la richesse de notre vieux monde qu’on dit parfois à bout de souffle : une réunion de près de 50 dirigeants européens, cramponnés à leurs prébendes démocratiques, empêtrés dans leurs contradictions humanitaristes, pour la plupart de ceux de l’Ouest, Macron et Sanchez compris, d’une part ; le serment au drapeau d’une infante d’Espagne, de l’autre, loin au nord de ce Sud, à Saragosse, sous un soleil écrasant, dans une académie militaire d’infanterie de grand renom.
Le 6 octobre, donc, la princesse des Asturies, Leonor de Borbón y Ortiz, et ses 410 camarades cadets de l’Académie d’infanterie de Saragosse se sont rendus au Pilar, le sanctuaire marial le plus célèbre d’Aragon, pour y déposer fleurs et vœux à la veille de leur serment.
Et ce samedi 7, réunis en carrés militaires sur la place d’armes, en uniforme de parade, képi bleu ciel et plumet blanc, tous ont prêté serment, princesse en tête, baisant tour à tour le drapeau sang et or, défilant trois par trois devant la tribune royale au cri « Viva el Rey », bannières des vieux « tercios » déployées, avant d’honorer tous les morts militaires d’Espagne en chantant, avec le roi, l’hymne catholique qui rappelle en espoir que « la mort n’est pas la fin ».
La future reine a intégré l’académie militaire depuis peu. Elle a connu le crapahut et la camaraderie. Certes princesse, certes privilégiée, elle vit là au rythme de la fraternité militaire qui réunit les âmes fortes et aventureuses lorsqu’elles ont 20 ans. Son père, Philippe VI, qui prêta lui-même serment au même endroit, mais seul, il y a 38 ans, et qui, pour l’instant, reste un monarque plus que digne, à la hauteur de son destin et bien conscient de sa fonction unitaire, a déclaré, ému comme il se doit : « Je sais que le serment solennel devant ce drapeau et l’affection pour cette terre de Saragosse et d’Aragon qui t’accueille feront partie de tes meilleurs souvenirs. Je sais que toujours, tu auras à l’esprit, que ta responsabilité, en quelque circonstance et à tout moment, est de servir l’Espagne avec toute ton énergie et ta détermination, et une vraie passion. »
Ironie terrible de voir réunis sur ce sol chargé des mémoires qui ont forgé l’Europe ses fossoyeurs inconsistants en costume-cravate et le parangon académique de ses valeurs intemporelles de l’honneur et du sacrifice. Triste plaisanterie d’un sommet d’impuissance, de démocraties ou prétendues telles, moquées et humiliées par deux tyrans asiates retors, dans ce haut lieu (Grenade) vanté par les bonimenteurs accrédités du « vivre ensemble » comme le paradis perdu des tolérances quand il était Al’Andalus. Et rigueur souveraine, qu’on pourrait croire anachronique, d’un défilé militaire aux accents de la tradition chevaleresque et chrétienne assumés.
Souhaitons longue vie à cette future reine, qui aura 18 ans dans quelques jours. À condition qu’elle sache se souvenir, lorsque son tour viendra, qu’elle a promis de protéger sa terre et sa civilisation.
Pierre Arette
https://www.bvoltaire.fr/espagne-lorsquune-infante-prete-serment-ca-a-de-la-gueule/