Les faits autour du meurtre raciste de Crépol ont ramené sur le devant de la scène ce que nous n’avons de cesse de dénoncer. Il y a en France – et dans la plupart des pays Occidentaux – des communautés de racailles qui agressent, violent, tuent les gens bien. Cette violence quotidienne est laissée telle quelle, entretenue même, car les institutions – qui ne jouissent plus de la confiance qui les légitime – en ont besoin pour sidérer le peuple, qui, une fois terrorisé s’en remet à elles pour assurer sa sécurité, se raccroche à l’État comme à une bouée de secours. Quand les autres enfants nous martyrisent dans la cour de récréation, on se réfugie dans les jupes de la maîtresse, même si cette dernière est méchante et qu’on ne l’aime pas trop.
Dans un court essai d’une clairvoyance édifiante (1), le philosophe suisse Eric Werner résumait à la perfection les raisons de ce laisser-faire institutionnel :
“Le pouvoir encourage donc le désordre, le subventionne même, mais ne le subventionne pas pour lui-même, ne le subventionne que pour l’ordre dont il est le fondement, au maintien duquel il concourt. L’ordre par le désordre, voilà la formule. Désordre politique, mais aussi moral, social, culturel (car tout se tient en la matière). Autant que possible, le pouvoir s’emploie à brouiller les cartes, à priver les individus de leurs repères coutumiers. L’objectif est de les déstabiliser, de les rendre étrangers à leur propre environnement. La réalité les fuit, leurs sens sont anesthésiés. Ils ignorent d’où ils viennent et où ils vont, ne savent même pas bien souvent de quoi l’on parle. Parfois aussi c’est l’émeute, les casseurs entrent en scène. Mais, là encore, qu’y faire ? Sus à l’obsession sécuritaire. Un même mouvement entraîne ainsi toute chose, seul le pouvoir échappe à l’universelle dissolution. L’individu se raccroche donc à lui comme à une bouée miraculeuse.”
À cette thèse, qui est désormais une explication vérifiable quotidiennement, s’ajoute la persécution de ces mêmes braves gens dès lors qu’ils comprennent (ex. la censure sur les réseaux sociaux ou les peines infligées pour délits d’opinion) ou qu’ils expriment leur mécontentement.
Une répression dont les militants patriotes sont coutumiers, mais qui a éclaté au grand jour avec les Gilets Jaunes. Grâce au délire sur l'”ultradroite” absolument gigantifiée, on atteint un stade nouveau : des petits gars qui ne sont ni hooligans, ni skinheads, ni crapules, en font actuellement les frais, emprisonnés pour avoir manifesté devant la cité dont proviennent les assassins de Thomas. Aucune violence, aucune dégradation n’ont eu lieu. Les prétendues agressions aux policiers – qui les ont chargés sans sommation – demeurent introuvables sur les reprises des télé-caméras. Et pour avoir collé des affiches “Justice pour Thomas”, six personnes ont été arrêtées, un couple a été perquisitionné et leurs économies ont été séquestrées, et ce alors que l’affichage sauvage relève, rappelons-le, de la simple amende et en aucun cas d’une garde à vue avec perquisition !
Il ne s’agit pas d’une dérive, encore moins d’un complot, mais de l’emballement d’un mode opératoire intrinsèque aux démocraties multiculturelles qui ont besoin d’un ennemi désigné pour épouvanter leurs populations disparates et méfiantes. En agitant le péril de l’ “ultradroite”, on crée l’ennemi intérieur et on fait croire que l’on agit, que l’on travaille d’arrache-pied pour le vivre-ensemble. L’État leurre les braves gens qui ne se sentent pas concernés, ceux-là même qu’il ne protège pas. Le fait que Gérald Darmanin se vante d’avoir évité une “guerre civile” en interdisant les rassemblements pour Thomas et en faisant charger les manifestants patriotes est particulièrement éclairant. La “guerre civile” n’est évoquée que lorsque les citoyens lambda affichent leur colère, en aucun cas quand les cités mettent à feu l’espace public. Quelques mois plus tôt, ces mots n’étaient pas employés alors que les barbares brûlaient les voitures, attaquaient les commissariats et dévalisaient les commerces. Un deux poids, deux mesures éclatant. Reste à savoir combien de temps cela peut durer. Reste à savoir si une telle injustice – l’impunité pour les racailles, la répression pour les patriotes et les “gens normaux” – est le fruit d’une démesure ou si ces mêmes autorités savent ce qu’elles font, certaines d’avoir anesthésié la population, certaines qu’en la traquant, qu’en la frappant (Gilets Jaunes, Manif pour Tous), qu’en l’accablant d’amendes folles (75.000 € pour les jeunes militants de l’Alvarium) ils mineront toute velléité de réaction. Riches de l’exemple des Gilets Jaunes, dont l’élan avait été brisé notamment par les risques physiques et économiques qu’il encourrait alors d’aller protester.
Car les institutions savent une chose. Que c’est de ces gens-là que peut naître une révolution. C’est au sein des gens bien, responsables, travailleurs, jusqu’alors paisibles qu’un autre modèle de société peut être ébauché. Dangereux, il faut donc les affaiblir, les enchaîner, leur couper les jambes dès qu’ils relèvent la tête. Tel n’est pas le cas des racailles, qui bien qu’extériorisant leur rejet de la France et de ses habitants, trouvent tout à fait leur compte dans cette pré-guerre civile larvée : ils agressent, pillent, détruisent et reçoivent de l’argent public pour le retour au calme ! Une avant-guerre civile que l’État a tout intérêt à la maintenir telle (les deniers qui sortent de ses caisses provenant de toute façon de nos poches), et qui ne débouchera sur une guerre que si deux factions se font face. Entre les gens bien habitués au confort d’un côté et les dealers, “grands frères”, et imams qui profitent d’un système qui leur offre tant de l’autre, rien n’est moins sûr. Ces derniers n’ayant d’ailleurs pas (encore?) d’autre modèle de société pour supplanter l’actuelle.
Quant à ceux qui transforment les meurtres de Thomas, Enzo, Lola, Maxime, Laura, Anthony, Alban et les autres – paix à leur âme – en “faits divers”.. quand il s’agit bel est bien d’un fait de société, ceux qui jubilent ou pensent simplement que la giga-droite mérite une telle répression, qu’ils se détrompent. Personne n’est à l’abri, ni de la violence de la rue, ni de la persécution policière. Ils pourront être un jour ou l’autre dans le viseur, pour avoir défendu leur femme, leur enfant, pour avoir voulu soutenir leur voisin victime des racailles, pour une parole déplacée. Parce qu’on est tous le nazi d’un autre.
Audrey D’Aguanno
(1) Eric Werner, L’avant guerre civile, L’Age d’homme, 1999. Un essai à lire absolument.
Photo d’illustration : Flickr (cc)
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