On pourrait croire qu’Emmanuel Macron a désigné Gabriel Attal comme Premier ministre. En fait, c’est Jordan Bardella qui l’a nommé.
On imagine mal la frénésie anxiogène que la montée en popularité du président du RN provoque dans la Macronie et le système politico-médiatique encore dominant. Attal est jeune, populaire, bon débatteur, il est le profil rêvé, sur le papier, pour contrer l’irrésistible ascension de Bardella. Cependant, il y a un danger que sa nomination soit une fausse bonne idée. Pour Attal lui-même d’ailleurs, pour commencer. Cette promotion très rapide au plus haut niveau, ou presque, risque de carboniser les ambitions présidentielles du nouveau Premier ministre si cela se passe mal au bout de quelques mois ou quelques semaines. C’est l’espoir d’un Le Maire, d’un Darmanin qui sera comme tant d’autres dans le rêve du rôle de la corde soutenant le pendu.
Pour contrer concrètement Bardella, en fait, Attal aurait dû être la tête de liste du parti du président aux européennes. Il n’en sera rien. C’est un autre qui conduira la liste et qui devra débattre avec Bardella qui n’a dans un premier temps aucun intérêt à affronter le nouveau Premier ministre. Il devrait attendre que celui-ci commence à s’user, comme c’est obligatoire. Mais, si le RN remporte l’élection européenne, ce sera un échec attribué au chef de la majorité Attal comme au président. Il sera alors menacé par une quasi inévitable dissolution.
Attal est un bébé Macron. On dit que son positionnement sexuel a joué en sa faveur auprès du président, ce n’est pas impossible. Il est dans ce registre aussi un anti-Bardella plus qu’un anti-RN version Marine. Mais il n’est pas sûr que cela joue en sa faveur dans l’opinion publique. Attal a accepté d’être Premier ministre, cela montre son ambition au-delà de ses engagements. Il quitte en fait une Éducation nationale à l’origine de son bond de popularité sur une ligne d’autorité. Ce lâchage d’une mission primordiale pour l’avenir de la France pour un positionnement personnel lui sera reproché et ne plaide pas en tout cas en faveur de son sens du service de l’État. Il ressemble décidément au président et sera un clone du « en même temps ». On verra comment il va gérer cette assemblée ingouvernable, s’il engagera crânement la responsabilité de son gouvernement ou passera seulement une première nouvelle censure. Il sera examiné de près dans sa tentative pour amadouer Les Républicains et dans ses propos vis-à-vis du RN. Sera-t-il, lui aussi, sur la ligne de la diabolisation par le passé sans cesse revisité du FN, ou plus pragmatique ? Ce qui est certain, c’est que dans un premier temps – c’était déjà le cas avant même sa nomination –, les médias vont lui trouver toutes les qualités. Mais il le sait : « ils lèchent, ils lâchent, ils lynchent ». La gauche radicale ne lui trouvera aucun mérite. La droite va hésiter car il plaît à une partie de son électorat, et se trouvera encore plus fragilisée dans son positionnement. Les Républicains ont plus à craindre d’Attal que le RN. Attal, lui, doit dès maintenant se méfier de tout le monde et avant tout des siens.
Si Bardella l’a nommé, nombreux sont ceux qui n’en voulaient pas et qui ont voulu lui savonner la planche déjà bien glissante. Accroche-toi, Gabriel, le toboggan de la mort n’est pas loin du tremplin des vanités.
Pierre Boisguilbert
10/01/2024
Crédit photo : Selbymay [CC BY-SA 4.0]
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