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COMMENT A ÉTÉ TUÉ JOSEPH COULON DE VILLIERS, SIEUR DE JUMONVILLE, SUR ORDRE DE GEORGE WASHINGTON ?

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Il est très difficile de critiquer les grands personnages de l’histoire quand ils bénéficient d’une grande popularité. Il est malvenu de rappeler que le président Lincoln avait pour idée fixe de rapatrier en Afrique les esclaves noirs libérés une fois la guerre civile terminée ou bien d’évoquer l’alcoolisme chronique de Churchill.

De même, le rôle de George Washington  dans la mort de l’officier français Joseph Coulon de Villiers, sieur de Jumonville, reste dans une zone d’ombre que peu d’historiens contemporains cherchent à éclairer.

Il est fort probable que l’on ne puisse jamais  connaître la vérité car chacune des parties en présence avait de bonnes raisons de mentir. La thèse française a été bâtie à partir du récit du survivant canadien et du témoignage des prisonniers libérés. Leur intérêt était de diaboliser les Anglais afin d’effacer une faute tactique de leur part (ne pas avoir pris les précautions nécessaires à leur protection).

Les Anglais ont privilégié la thèse de l’attaque  au petit matin car elle évitait toute accusation de traîtrise lors de la rencontre diplomatique.

Les principaux points de la polémique sont les suivants :

• Jumonville était-il simplement en reconnaissance dans les bois quand il fut surpris par les  Anglais? Ou bien était-il en mission de parlementaire avec l’ordre de rencontrer les intrus ?

• Jumonville a-t-il été tué par les Anglais au cours de la rencontre diplomatique avec Washington?  Ou bien a-t-il été tué lors de l’attaque par surprise de son campement ?

• Jumonville a-t-il été tué sur le coup? Ou bien, blessé, a-t-il été achevé d’un coup de tomahawk  à la tête par le chef sénéca Half-King ?

• George Washington, a-t-il été trompé par le chef sénéca sur les véritables intentions de Jumonville,  ce qui l’aurait conduit à attaquer le campement des Français ?

• George Washington, exaspéré par la présence française dans l’Ohio et par les freins mis par  Londres à l’expansion des colons vers l’Ouest, a-t-il voulu créer un casus belli entre les deux puissances colonisatrices ?

• George Washington a-t-il abandonné les corps des Français aux loups sans les enterrer ?

Même en faisant la part de la propagande de guerre, il n’en demeure pas moins que les Anglais  sous le commandement de George Washington ont délibérément ouvert le feu en pleine paix sur des Français qui n’étaient pas en mission de guerre. L’exploit douteux de ce colonel des milices de Virginie contre une poignée d’hommes illustre bien deux facettes de son caractère que les Français de son temps prêtaient volontiers aux Anglais : la francophobie et le manque de scrupules.

Par une curieuse ironie de l’histoire, les descendants des frères de Joseph de Jumonville sont toujours  présents en Amérique du Nord et la plupart habitent aux États-Unis.

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Joseph de Jumonville, une vie canadienne

Joseph Coulon de Villiers de Jumonville, enseigne dans les troupes de la Marine, né le 8 sept embre 1718 dans la seigneurie de Verchères, fils de Nicolas-Antoine Coulon de Villiers et d’Angélique Jarret de Verchères, décédé le 28 mai 1754 près de l’actuelle Jumonville, en Pennsylvanie.

Joseph Coulon de Villiers de Jumonville et ses cinq frères étaient tous officiers dans les troupes de la Marine.  La carrière militaire de Joseph fut à peu près sans histoire jusqu’au 28 mai 1754 lorsqu’il fut tué par ce qu’Horace Walpole a décrit comme « une volée tirée par un jeune Virginien dans les forêts lointaines de l’Amérique [et qui] brasa le monde ». Ce coup de feu allait marquer le début de la guerre de Sept Ans. Jumonville, jeune cadet de 15 ans, était à Baie-des-Puants (Green Bay, Wisconsin) en 1733, lorsque son père et un de ses frères furent tués lors d’une attaque contre les Renards. Les dix années qui suivirent furent exemptes de luttes importantes laissant derrière elles leur inévitable contingent de victimes, de sorte que l’avancement fut lent au sein des troupes de la Marine ; ce n’est donc qu’en 1743, après avoir servi en Louisiane en 1739 lors de la campagne de Le Moyne de Bienville contre les Chicachas, que Jumonville reçut une expectative d’enseigne. Deux ans plus tard, toutefois, avec le début de la guerre de la Succession d’Autriche, il reçut le grade d’enseigne en second. Sa carrière maintenant assurée, il épousa, à Montréal, le 11 octobre 1745, Marie-Anne-Marguerite Soumande. Pendant l’hiver qui suivit, il fut en service à la frontière de l’Acadie et prit alors part aux raids contre les postes avancés de la colonie de New York.

La guerre était à peine terminée en Europe, en 1748, qu’un conflit éclata en Amérique du Nord au sujet  de la vallée de l’Ohio. Les trafiquants de fourrures des colonies anglaises s’étaient infiltrés dans la région et les Virginiens qui spéculaient sur les terres revendiquaient ce territoire. La France contesta ces prétentions, chassa les commerçants américains et, en 1753, entreprit la construction d’une série de forts qu’elle échelonna depuis le sud du lac Érié jusqu’à la rivière Ohio. Tanaghrisson et d’autres chefs indiens de la région élevèrent des protestations et le gouverneur de la Virginie délégua un officier de la milice coloniale, George Washington, pour aller intimer aux Français l’ordre d’évacuer le territoire. On lui opposa une fin de non-recevoir polie mais ferme. Les Français construisirent ensuite le fort Duquesne [qui] leur assurait la suprématie militaire sur la région. Au printemps de 1754, Washington fut envoyé de nouveau dans l’Ohio avec des troupes de la milice coloniale afin d’affirmer la souveraineté britannique par la force, si nécessaire, nonobstant le fait que la paix régnait entre la France et l’Angleterre.

Le commandant du fort Duquesne, Claude-Pierre Pécaudy de Contrecoeur, avait reçu l’ordre strict d’éviter  la guerre avec les Américains mais de défendre ses positions en cas d’attaque. Mis au courant de l’approche d’un détachement américain qu’on disait considérable, il envoya Jumonville, le 23 mai 1754, avec quelque 30 hommes, reconnaître si Washington avait réellement envahi le territoire (…) Si tel était le cas, il devait en avertir le fort, puis sommer formellement Washington de se retirer. Son petit détachement était en fait une ambassade, semblable à celle de Washington envoyée au-devant de Jacques Legardeur de Saint- Pierre, l’année précédente, et il négligea de poster des sentinelles autour de son campement.

Au lever du jour, le 28, Washington et 40 hommes fondirent sur le camp français établi près de l’endroit  où s’élève maintenant Jumonville, en Pennsylvanie. Certains des hommes dormaient encore, d’autres préparaient le déjeuner. Sans avertissement préalable, Washington donna l’ordre de tirer. Les Canadiens qui réussirent à échapper à la rafale, se jetèrent sur leurs armes mais ils furent rapidement réduits à l’impuissance.

Les Français soutinrent par la suite que Jumonville fut abattu pendant qu’il signifiait sa mise en  demeure officielle. Dix Canadiens furent tués, un fut blessé et les autres, à l’exception d’un, faits prisonniers. Washington et ses hommes se retirèrent abandonnant aux loups les cadavres de leurs victimes. Un détachement de 500 Canadiens des troupes régulières et de la milice fut envoyé pour venger l’attaque et chasser les Américains : Louis Coulon de Villiers, frère de Jumonville, en avait le commandement.

Cette notice de W. J. Eccles est extraite du Dictionnaire biographique du Canada, vol. III (1741-1770),  p. 160 © 2000 Université Laval/University of Toronto que nous remercions pour leur aide. L’auteur utilise les termes « Canadiens » et « Américains » quand nous leur préférons «Français » et « Anglais ».

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