En pleine forêt amazonienne au Brésil, les scientifiques ont découvert plus de 450 géoglyphes mystérieux dont certains ressemblent à Stonehenge. Leur rôle reste à l’heure actuelle inconnu mais ils suggèrent que la forêt a été exploitée bien plus tôt qu’on ne pensait par les autochtones.
La forêt amazonienne a longtemps été considérée comme l’une des plus préservées de la planète avant que la déforestation ne s’y attaque. Pourtant, il semblerait que l’homme ait commencé à la modifier bien plus tôt qu’on ne pensait. C’est du moins ce que suggèrent des découvertes récemment réalisées dans l’Etat de l’Acre dans la partie ouest de l’Amazonie brésilienne. L’an passé, des scientifiques britanniques et brésiliens ont envoyé des drones survoler cette région et ont réussi à mettre en évidence l’existence de centaines de géoglyphes.
Ces grandes figures géométriques tracées au sol sont restées cachées pendant des siècles parmi les arbres avant d’être révélées peu à peu par la déforestation galopante dès les années 1980. Au total, les chercheurs en ont dénombré plus de 450 couvrant une surface d’environ 13 000 kilomètres carrés. Certains sont de simples tracés tandis que d’autres empruntent des formes plus complexes ressemblant au célèbre monument Stonehenge construit il y a plus de 3 000 ans au Royaume-Uni.
Une forêt pas si vierge
Pour en savoir plus, l’équipe de scientifiques a analysé des échantillons de sol provenant de deux des sites afin de reconstruire quelque 6.000 ans d’histoire de la forêt environnante. Cette étude a permis de déterminer que les motifs auraient au moins 2 000 ans et remonteraient probablement aux alentours de l’an zéro. « Le fait que ces sites sont restés cachés pendant des siècles sous une forêt tropicale mature remet vraiment en question l’idée selon laquelle les forêts amazoniennes sont des écosystèmes vierges », a expliqué dans un communiqué Jennifer Watling, scientifique du Musée d’archéologie et d’ethnographie de l’Université de São Paulo et principal auteur de l’étude parue dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.
Après la découverte des motifs, « nous avons immédiatement voulu savoir si la région était déjà arborée quand les géoglyphes ont été construits », a confié le Dr Watling. Et il semblerait que c’était bien le cas, ce qui suggère que bien avant l’arrivée des Européens en Amérique, les sociétés indigènes avaient déjà pour habitude de défricher et d’altérer le paysage amazonien.
Des structures au rôle mystérieux
En reconstruisant l’histoire de la forêt, les scientifiques en sont arrivés à la conclusion que celle-ci s’est retrouvée dominée par du bambou pendant au moins 6 000 ans. Les premiers humains eux, seraient arrivés il y a environ 4 000 ans et auraient commencé à altérer la forêt, permettant aux palmiers de se multiplier au détriment des bambous. Plus tard, il y a entre 2 300 et 1 400 ans, de petites clairières auraient été créées dans la forêt de façon temporaire pour concevoir les géoglyphes. Dans quel but ? Ceci reste à l’heure actuelle une véritable énigme pour les spécialistes.
D’après eux, les motifs ne représenteraient pas les restes de villages, étant donné que les fouilles ont mis en évidence très peu d’artéfacts. Leur arrangement indique également qu’ils n’auraient pas été construits dans un objectif défensif. Au vu des analyses de sol, « il est probable que les géoglyphes étaient utilisés pour des fonctions similaires aux enceintes néolithiques, autrement dit comme des sites rituels de rassemblement public », à l’instar de Stonehenge, a indiqué le Dr Watling.
Un exemple pour des alternatives durables
Bien que cette découverte démontre que les humains altèrent la forêt depuis bien plus longtemps qu’on ne pensait, l’équipe souligne que les activités de l’époque n’ont rien à voir avec celles qui impactent aujourd’hui durement la forêt amazonienne et ont fait disparaître en quatre décennies 20% de sa surface au Brésil. « Malgré le grand nombre et la densité des sites de géoglyphes dans la région, nous pouvons être certains que les forêts de l’Acre n’ont jamais été défrichées de façon aussi étendue, ou aussi longtemps, qu’elles ne le sont depuis ces dernières années », a relevé l’archéologue. « Notre découverte […] ne doit pas être citée comme justification aux pratiques actuelles destructrices et non durables. » Au contraire, pour les spécialistes, cette découverte démontre que les activités humaines en Amazonie ne sont pas nécessairement synonymes de dégradation de la forêt. Ces anciennes pratiques pourraient ainsi servir d’exemple afin de mettre en place des alternatives plus durables et moins destructrices.
Émeline Ferard