L’UE c’est la paix dit-on en haut lieu. Et si c’était le contraire ? L’UE participe activement à une guerre où elle fait semblant de ne pas s’engager réellement, tout en voulant absolument la gagner. Le cul entre deux chaises, en guerre avec enjeu prétendument vital et pas en guerre à la fois, c’est risquer de tomber lourdement et d’entraîner l’Europe vers le pire. Mais cette fois-ci, le pire n’est pas sûr car l’Europe n’est plus seule, comme autrefois. Elle est encadrée.
Vieille obsession des élites occidentales, européennes principalement : soumettre la Russie, ou tout au moins l’aligner sur les normes occidentales religieuses, sociétales, démocratiques…
Ce fantasme occidental est irrépressible, séculaire, personne n’y peut rien. La réalité historique ne dit que ça.
Après les Polonais (1610), les Suédois (1709), Napoléon Ier (1812), Napoléon III (1854 : guerre de Crimée, l’Occident allié aux Ottomans contre les chrétiens d’Orient), Hitler (1941), Obama (2014), Macron ? (2024) ce désir profond de soumettre les moujiks habite toujours l’inconscient collectif occidental.
Pour l‘anecdote, l’assassinat de Raspoutine (1916) aurait été perpétré, entre autres, par un agent secret UK en poste à Saint-Pétersbourg. Alors Poutine et nos rêves de cancers, rien de neuf ou d’original …
Curieusement, ce sont aujourd’hui les femmes qui sont les plus en pointe, les hommes de l’Europe occidentale, celle éclairée par les Lumières, en ayant un peu marre d’aller se battre à l’Est par – 30 °C.
Elles se prénomment Hillary Clinton, Condoleezza Rice, Victoria Nuland … côté US - Laure Mandeville, Isabelle Lasserre, Sylvie Kaufmann, Galia Ackerman … chez nous. On sent qu’elles veulent y aller, elles ont déjà chaussé une paire de rangers imaginaire.
Les hommes ne sont pas de reste, tels ces néocons américains, parfois issus d’émigrés de l’Empire russe (Blinken …). On peut les comprendre, ils ont un compte à régler avec ce qui reste de cet Empire qui a maltraité leurs familles, finalement obligées de s’expatrier à l’Ouest.
Ces néocons ont d’abord sévi au MO, avec un plan ambitieux de reconfiguration du « centre du monde ». Raté. Les plus virulents cherchent aujourd’hui l’embrouille sinon la baston avec la Russie, visant à la faire éclater en 20 confettis. Les plans existent à l’instar des plans passés pour un nouveau MO. Le résultat sera probablement le même, sans les millions de morts civils peut-on espérer.
Il y a plus près de chez nous ce vieil esprit colonial/néocolonial hérité de Jules Ferry et encore présent dans les esprits européens. Cette conviction - pas totalement infondée, loin s’en faut - d’une supériorité occidentale en tous domaines, excepté la consommation de vodka.
On doit à tout prix faire profiter les « barbares » de nos savoirs, de notre civilisation, par charité chrétienne croit-on, mais pas seulement d’où le besoin de soutien militaire.
Cet état d’esprit issu du XIXème siècle se révèle dans les délires de nos médias et de nos politiques (Le Maire) auxquels on assiste aujourd’hui à propos de la Russie et des Russes, les EUrophiles fanatiques étant les plus déterminés, les plus dangereux (Ursula von der Leyen).
Comment ! La Russie nous défie ? Elle nous empêche de nous installer en Ukraine et en Biélorussie avec nos milliards, nos snipers, nos « regime change » et nos usines ! C’est le monde à l’envers. Elle ne peut pas, « elle ne doit pas gagner en Ukraine », sans quoi nous sommes fichus !
De fait, on assiste à un chamboulement à l’échelle mondiale, un changement dans les rapports de forces. Les plaques tectoniques se sont mises à bouger, annonçant on ne sait quel cataclysme. Le défi russe en Ukraine résonne bien au-delà de l’Europe. Une tranche d’Histoire, celle engagée en 1991, s’achève.
Il ne s’agit pas que de pétrole et de gaz cette fois. L’enjeu est idéologique, civilisationnel ciblant le cœur de l’Europe, cherchant à fixer la frontière entre deux mondes. Il est question de peuples, de cultures, d’identités : c’est « huntingtonien ».
L’UE contre la Russie, le global contre le local (ou inversement). La Hongrie et la Slovaquie, membres de l’UE traditionnellement allergiques aux blocs, sont prises entre deux feux. L’Europe et ses guerres à enjeu global toujours au centre du monde. Cette lecture civilisationnelle du conflit en Ukraine s’est imposée mondialement.
La victoire de l’Ukraine est seule envisageable dans l’esprit de nos leaders et dirigeants, victoire imparable tant nos armes sont supérieures, tant notre modèle politique euro-atlantique est attractif : il ne peut à l’évidence en être autrement.
Le monde à l’envers du défi russe doit être remis à l’endroit, il y va de notre dominance sur les terres émergées et les océans. La Russie doit être punie, étouffée par toutes les sanctions du monde, tous les embargos possibles et imaginables.
L’enjeu est énorme et notre plan occidental à sa mesure. Hyper sanctions défiant toutes les règles, tentatives de s’emparer des avoirs russes, pressions sur les sportifs et artistes russes, livraisons massives d’armes à l’Ukraine, consolidation de l’OTAN, contre-offensive. La totale.
Le deux poids deux mesures occidental (DPDMO) est à son comble, émettant une odeur de fin de règne. Le reste du monde observe avec intérêt et inquiétude toute la batterie des armes et outils mis en œuvre par l’Occident défié par la Russie : du jamais vu hors guerre mondiale. Cela aura des conséquences, en a déjà.
Mais la réalité défie tous les protagonistes, rien ne fonctionne comme attendu. La Russie n’est pas parvenue à renverser le régime « nazi » mis en place par les alliés dans l’OTAN. Les sanctions n’ont pas mis la Russie à genoux. La contre-offensive est un fiasco coûteux en vies humaines. La poursuite de cette guerre ne fait que dégrader les termes d’une future négociation. Mais la Russie « ne peut pas gagner » (Macron), il faut donc continuer la guerre. L’impasse. Comment en sortir ?
Le verrouillage de nos médias commence à se relâcher à propos de cette guerre. On a pu suivre récemment sur notre radio nationale un débat entre une néocone favorable à la poursuite de la guerre, espérant in fine une défaite militaire de la Russie, et un diplomate professionnel favorable aux négociations, jugeant une défaite russe improbable.
Il a fallu attendre deux ans pour qu’un tel débat entre Mme Kaufmann et M.Airaud soit autorisé sur nos antennes étatiques : un marqueur de l’état de notre démocratie.
Les Étatsuniens sont heureusement plus pragmatiques, moins idéologues que les excité.es de chez nous en Europe (excité.es sous parapluie US, restons prudents). Leurs médias ne sont pas dans le délire et dans le militantisme exacerbé comme les nôtres.
Comme M.Airaud, ancien ambassadeur de France aux USA, les Étatsuniens savent évaluer les perspectives d’un conflit et en tirer les conséquences conformes à leurs intérêts. S’ils jugent qu’ils n’arriveront pas à installer une base militaire à Sébastopol à un coût géopolitique raisonnable, comme ils l’ont fait avec succès au Kosovo, ils arrêteront les frais.
Il y a donc une chance de compromis dans cette guerre affreuse entre frères ennemis, car le mot de la fin appartiendra aux USA et à la Russie, laissant de côté l’Europe et ses va-t-en-guerre aligné.es sur la Pologne et les Baltes, et à nouveau tenté.es par le pire comme au XXème siècle.
Les USA et la Russie ont su maintenir la paix en Europe durant 80 ans. On peut, on doit leur faire confiance pour la suite.
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