Personne n’aurait pu imaginer que l’Ukraine se retrouverait dans la situation actuelle, où elle a perdu sa place dans les priorités occidentales et où son sort ne préoccupe plus les cercles politiques occidentaux, du moins pas comme au début de la crise.
Cela n’est cependant pas surprenant, car les priorités changent et l’attention de l’opinion publique et des cercles politiques se déplace en fonction de l’évolution et des conséquences des événements. Il en va de même pour l’attention des médias, qui évoluent rapidement.
Lors de la récente conférence de Munich sur la sécurité, il est apparu clairement que l’Ukraine n’a aucune perspective positive dans sa guerre contre la Russie et que, par conséquent, les projecteurs sur cette guerre sont en train de s’éteindre.
L’événement le plus marquant de la guerre en Ukraine est le retrait de l’armée ukrainienne de la ville d’Avdiivka, l’une des villes stratégiquement importantes de l’est de l’Ukraine, qui est tombée complètement aux mains des forces russes.
Ce qui est frappant dans ce retrait, c’est que, selon les médias, il a dégénéré en déroute un jour avant que le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Oleksandr Syrskyi, n’ordonne l’évacuation de la ville. Cela laisse présager des indicateurs négatifs pour la situation de l’armée ukrainienne sur le terrain.
La situation sur le terrain montre également que l’armée ukrainienne souffre depuis des mois d’un manque de munitions et d’équipements et que le moral des troupes s’est dégradé, ce qui a conduit à une stagnation puis à une détérioration de la situation en faveur de l’armée russe.
L’armée russe est passée de la défense des territoires qu’elle contrôlait à l’attaque, essayant de conquérir de nouveaux territoires ukrainiens ou de reprendre ce que l’armée ukrainienne contrôlait auparavant.
Cela signifie que le cours des opérations sur le terrain a changé en faveur de l’armée russe, ce qui explique les déclarations des responsables ukrainiens selon lesquelles leur armée est confrontée à des conditions difficiles sur le terrain. Au niveau politique, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a clairement indiqué que les autorités ukrainiennes n’ont pas l’intention de reconnaître leur défaite et de céder les territoires qu’elles considèrent comme les leurs au nom du rétablissement de la paix dans le pays.
Il est intéressant de noter que la partie ukrainienne mentionne la capitulation, mais sous la forme d’un rejet et d’une dénonciation, ce qui laisse entrevoir la situation précaire de l’armée ukrainienne sur le champ de bataille. Cela a incité le représentant permanent de la Russie auprès des Nations Unies, Vasily Nebensya, à déclarer au Conseil de sécurité qu’il était encore possible de préserver l’Ukraine en tant qu’État, mais que pour ce faire, elle devait devenir neutre et cesser de représenter une menace pour la Russie.
Il semble également que la situation de l’armée ukrainienne ne préoccupe plus les Américains, qui cherchent plutôt un moyen de sauver la face ou un bouc émissaire pour expliquer ce qui s’est passé en Ukraine. Le président Biden a expliqué que la récente défaite des forces ukrainiennes à Avdiivka s’expliquait par le retard pris par le Congrès dans l’approbation de l’important contrat d’armement que son administration avait proposé pour soutenir la capacité des forces ukrainiennes à poursuivre le combat et à défendre leurs positions. La Maison-Blanche tente donc de faire porter la responsabilité de l’échec en Ukraine au GOP plutôt qu’au président Biden, alors que le soutien à l’Ukraine existe depuis environ deux ans et n’a diminué qu’au cours des derniers mois, en particulier depuis le déclenchement de la guerre à Gaza.
De toute évidence, l’administration Biden cherche à assumer le moins possible la responsabilité de l’échec attendu en Ukraine et à œuvrer à la poursuite des combats, ne serait-ce que dans un cadre défensif et tactique, en empêchant l’armée ukrainienne de s’effondrer avant la fin de l’élection présidentielle américaine. Après tout, la Maison Blanche est consciente de l’impact catastrophique qu’aurait une défaite en Ukraine sur les espoirs électoraux du président Biden.
L’échec militaire en Ukraine pourrait avoir des répercussions sur le président Biden, qui a subi une série de revers tout au long de son mandat, du retrait humiliant de l’armée américaine d’Afghanistan à la gestion ratée de la crise de Gaza, en passant par l’enlisement de plusieurs dossiers, au premier rang desquels l’Ukraine, l’Iran, la dissuasion de la milice Houthi et le déclin de l’influence américaine dans plusieurs régions du monde, notamment en Irak, où les forces américaines ont été attaquées plusieurs fois d’affilée.
Enfin, l’Ukraine est devenue un point de discorde entre démocrates et républicains américains, et le dernier recours est d’acquérir des missiles ATACM américains de longue portée (300 km) pour tenter de stopper l’attaque russe et de remonter le moral de l’armée ukrainienne.
Cependant, la décision de la Maison Blanche d’envoyer ces missiles à l’Ukraine pourrait être le dernier clou dans le cercueil des chances d’élection de Biden en novembre prochain, étant donné la réaction furieuse de la Russie, surtout si l’Ukraine attaque des zones situées au fin fond de la Russie avec ces missiles. Biden veut donc que l’armée ukrainienne continue à se battre, non pas pour gagner ou même pour défendre le territoire qu’elle contrôle, mais pour empêcher la capitulation et l’effondrement du terrain, ce qui signifierait une défaite militaire dont Biden paierait certainement le prix.
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