Au reste, le parallèle avec les attentats qui ont ensanglanté l’Occident - et la France au premier chef - ne se limite pas à cela : l’État islamique a revendiqué cette tuerie de masse et se positionne de nouveau comme l’ennemi par excellence du monde occidental - un monde occidental auquel la Russie, malgré nos dénégations et malgré les siennes, continue d’appartenir d’un point de vue ontologique. La Russie est un adversaire (Emmanuel Macron, lui-même, ne dit pas autre chose), le terrorisme islamique est un ennemi. Tout se passe comme si, soudain, la guerre en Ukraine nous apparaissait de nouveau pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une nouvelle version du « suicide européen » que fut la guerre de 1914-1918, tandis que le combat de fond, lui, est celui du monde occidental, chrétien par défaut (et chrétien aux yeux des islamistes), contre le projet hégémonique de la charia et du salafisme armé.
À l’heure actuelle, on ne sait pas si cet attentat est vraiment le fait de l’État islamique. Il est déjà arrivé à l’hydre islamiste de revendiquer des attentats par opportunisme sans y être, en réalité, pour quoi que ce soit. Les Russes accusent le GUR, c’est-à-dire les services secrets du régime de Zelensky, d’avoir fait recruter, par des rebonds, des mercenaires qui s’apprêtaient, une fois leur crime commis, à rejoindre l’Ukraine. Ça semble un peu gros et, même si le plan des terroristes était avéré, on conviendra qu’il est plus facile de se réfugier dans un pays en guerre aux frontières poreuses, même quand on n’est pas lié à son gouvernement. Poutine pourrait saisir cette occasion pour franchir un cap supplémentaire dans la conduite de la guerre, ce qui n’annoncerait vraiment rien de bon pour notre destin collectif.
Les Russes, pour le moment, ont réagi comme ils le font toujours sous Vladimir Poutine : avec de la communication et de la violence. La télévision russe a diffusé des extraits de l'interrogatoire de quatre assaillants présumés, comme le rapporte Marianne, ce qui serait inconcevable chez nous. Ont-ils été torturés par les Russes ? En tout cas, on se souvient des propos prêtés à Poutine au sujet des terroristes tchétchènes : « On ira les buter jusque dans les chiottes. » On pourrait évoquer les exécutions à coups de masse, sur le front ukrainien, par les mercenaires de Wagner. Tout cela participe d’une surenchère de la barbarie qui, couplée à la maîtrise russe de l’outil informatique, est la nouvelle arme de notre époque médiatique.
Du côté français, on retient probablement son souffle en espérant que Poutine n’ait pas l’idée saugrenue de transformer Kiev en parking radioactif. Il se peut également que les cabinets de la Macronie soient complètement dépassés par les événements. Depuis février 2022, ils ont l’habitude d’essayer de maquiller leur amateurisme avec de l’hybris, leur absence de vision avec des coups de barre spectaculaire. Cette fois, nous venons d’entrer de plain-pied dans le temps des adultes. Et nous n’avons pas, à ce qu’il semble, une équipe taillée pour cela.
Arnaud Florac