Avec l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle, les possibilités de générer ou transformer des images et des vidéos se sont démocratisées, rendant particulièrement aisée la réalisation de « deepfakes ». Le terme désigne des contenus hyper réalistes mais fictifs.
Au-delà de leur dimension souvent ludique, ces créations que l’on nomme aussi hypertrucages sont également susceptibles de véhiculer de fausses informations à grande échelle. Principalement connus pour viser des personnalités politiques et des célébrités, les « deepfakes » peuvent aussi cibler des anonymes, comme l’a montré le cas d’adolescentes espagnoles victimes à l’automne dernier de montages photos dégradants.
En France, une commission mixte de sénateurs et de députés s’est réunie le 26 mars afin d’étudier le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN), qui contient plusieurs articles consacrés à la lutte contre les « deepfakes».
« Deepfakes » : les Français souhaitent plus de transparence
Afin de mesurer la connaissance et l’impact de ces hypertrucages dans l’opinion publique, le site Alucare.fr et l’agence spécialisée en data FLASHS ont demandé à l’IFOP de sonder plus de 2 000 Français sur ce phénomène qui bouscule notre rapport au réel.
Les résultats de cette enquête montrent combien il est aujourd’hui difficile de distinguer le vrai du faux, une situation dont ont majoritairement conscience les Français. Craignant d’en être eux-mêmes victimes un jour ou de voir la prochaine élection présidentielle perturbée, ils demandent quasi unanimement plus de transparence sur l’origine des « deepfakes » et autres images créés par l’intelligence artificielle.
En effet, la majorité des personnes interrogées reconnait ne pas se sentir en capacité de repérer une image ou une vidéo entièrement générées par l’intelligence artificielle. Seul un tiers (33%) des Français se sentent capables de détecter un « deepfake » et à peine 6% en sont certains, signe de la grande incertitude qui prévaut.
Les jeunes et les hommes sont plus confiants : 55% des 18-24 ans pensent y arriver contre 28% des plus de 35 ans, et 40% des hommes contre 28% des femmes.
De la difficulté à discerner le vrai du faux
Un test de l’IFOP démontre ainsi la difficulté à discerner le vrai du faux. Sur 5 images montrées, toutes générées par l’IA, 75% ont cru à l’authenticité d’un portrait de médecin et 64% à celle d’une vieille photo d’homme à cheval.
32% ont par ailleurs été dupés par une scène de rue à Tokyo tirée d’une vidéo d’Open AI, 29% par un cliché de Donald Trump entouré de policiers et 13% par l’image multidiffusée du pape François en doudoune blanche. Finalement, 94% ont tenu pour réelle au moins une des images créées par un algorithme.
Hypertrucages : les jeunes et les hommes mieux informés
Par ailleurs, l’enquête d’opinion révèle que, face aux risques de désinformation, une écrasante majorité (90%) souhaite une mention identifiant les deepfakes comme artificiels. Une demande plus forte chez les plus de 35 ans (93%) que parmi les 18-24 ans (79%).
D’autre part, si certains éléments sont (encore) de nature à trahir une image générée par l’IA, ils apparaissent comme difficilement discernables pour nombre de personnes.
Si 59% des répondants jugent assez simple de voir un mouvement de lèvres peu naturel, seul un tiers considère facile de remarquer un clignement d’yeux trop rare (33%) ou des mains mal reproduites (32%). Rides plates (29%), reflets de lunettes (25%), ombres imprécises (21%) ou
pilosité incomplète (15%) sont d’autres signaux jugés peu aisés à déceler.
Plus généralement, il ressort que les plus jeunes sont les plus avertis de l’existence et de la nature des deepfakes. 69% des Français ont entendu parler des deepfakes mais seuls 30% savent précisément de quoi il retourne. Les jeunes et les hommes sont mieux informés : 83% des 18-24 ans en ont connaissance et 50% en ont une vision claire, contre respectivement 66% et 15% chez les seniors.
Enfin, 37% des hommes disent en avoir une idée précise, soit 13 points de plus que les femmes (24%).
Les « deepfakes » pour perturber la présidentielle de 2027 ?
Plus de la moitié des Français redoutent d’être un jour victimes d’hypertrucages. 57% craignent d’être ciblés par des « deepfakes », ce qui est déjà arrivé à 4% et même 13% des moins de 25 ans, gros consommateurs de réseaux sociaux.
Les jeunes sont les plus inquiets (64% des 18-24 ans) mais les autres générations ne sont pas sereines non plus (56% des plus de 25 ans font, eux aussi, part de leur inquiétude).
En dernier lieu, les deux tiers des personnes interrogées appréhendent également la diffusion de « deepfakes » lors de la prochaine élection présidentielle. 62% sont inquiets par la possibilité que des hypertrucages perturbent la présidentielle de 2027, dont 16% en ont « très peur ».
Une inquiétude toutefois moins partagée par les jeunes (49% des moins de 25 ans) que par les seniors (70% des plus de 65 ans).
Crédit photo : capture Twitter (photo d’illustration)
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