Enracinés contre déracinés
Il est important de noter que les signataires viennent d’horizons divers, de la gauche et de la droite, des intellectuels et des syndicalistes. S’y côtoient Arnaud Montebourg et Jean-Claude Mailly, Florence Kuntz et Nicolas Dupont-Aignan, Michel Onfray et Marcel Gaucher, Pierre-André Taguieff et tant d’autres. Preuve s’il en est qu’il est un clivage qui dépasse la vieille dialectique droite-gauche c’est celui des enracinés et des déracinés, des mondialistes et des souverainistes. Sans souveraineté nationale, la souveraineté du peuple s’évapore. Car, enfin, qu’est-ce qu’une nation si ce n’est un peuple organisé en corps politique. Détruire la souveraineté de la nation, c’est détruire la souveraineté du peuple. C’est détruire du même coup « le politique » pour le remplacer par la technocratie et le tout économique.
Décidément, on ne pouvait plus faire confiance aux peuples !
L’oligarchie européenne a été traumatisée par le rejet du traité portant Constitution pour l’Europe en 2005, puis par le Brexit en 2016, devenu effectif en 2020. Il y avait bien eu des signes avant-coureurs : le rejet du traité de Maastricht par le Danemark en 1992 et du traité de Nice par l’Irlande en 2002. Décidément, on ne pouvait plus faire confiance aux peuples. D’où l’idée d’organiser une Conférence sur l’avenir de l’Europe, dont les organes de délibération étaient composés d’hommes politiques, de « spécialistes », de 800 citoyens tirés au sort et d’une plate-forme numérique soigneusement encadrée. Un ersatz de référendum, en quelque sorte, mais sans risque démocratique. Nous en revenons au temps des magistrats athéniens tirés au sort. C’est sans doute ce que l’on appelle le progrès. Durant le débat à l’Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges a lâché, comme une sorte d’aveu : « Je ne vois pas au nom de quoi on pourrait rejeter une consultation de citoyens, qu’elle soit représentative ou non est secondaire ! » Comme de juste, cette conférence a eu les conclusions que l’oligarchie attendait : la fin des décisions à l’unanimité et la majorité qualifiée étendue à tous les domaines, y compris la défense et les affaires étrangères. Les souverainetés nationales sont mortes, vive l’illusoire souveraineté européenne.
Un saut vers un État supranational européen uniformisateur
En vérité, il ne s’agit même plus d’un « tour de vis fédéraliste » mais d’un saut vers un État supranational européen uniformisateur, rouage de la mondialisation. Tout cela était inscrit dans les textes et la jurisprudence, et depuis très longtemps. Dès l’arrêt Costa c/ENEL du 15 juillet 1964, la Cour de justice de l’Union européenne affirmait : « Le transfert opéré par les États, de leur ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire [...] entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains… » Or, cet abandon qui concernait « des domaines restreints » s’est généralisé, traité après traité. Conjuguée avec l’article 5 alinéa 3 du traité de Lisbonne qui inverse le principe de subsidiarité, cette jurisprudence est le fondement juridique d’un État supranational centralisé.
Dans un État fédéral « classique », il existe un État fédéral et des États fédérés avec des compétences délimitées. Aux USA, il existe de grandes différences entre États sur le plan pénal, environnemental, sociétal, fiscal… L’UE, elle, n’a aucune limite et peut tout embrasser dans un délire uniformisateur, au gré des abandons de souveraineté des États membres, et que la résolution incriminée voudrait encore accélérer afin de les rendre irréversibles par la fin du droit de veto des États, dans les quelques pans de souveraineté qu’il leur reste. Au bout du compte, l’UE est devenue une adepte du « centralisme démocratique ».
Pour donner un coup d’arrêt à cette dérive, l’idée d’un référendum est séduisante, mais nous avons vu ce qu’il en était des référendums avec celui de 2005. L’oligarchie gouverne mal mais se défend bien et sans scrupules. Elle impose ses projets par l’ambiguïté et les tours de passe-passe institutionnels. Puisque l’UE ne tient ses pouvoirs que par les abandons de souveraineté acceptés par les gouvernements des États membres, la solution réside dans une alternance claire et déterminée à restaurer la souveraineté française et à redonner à la France le contrôle de son destin. Vite !
Stéphane Buffetaut
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