« Nous parlons du couple franco-allemand, mais de l’autre côté du Rhin les bans n’ont pas été publiés »
Bernard Carayon, député LR
Depuis la signature du Traité de l’Élysée, le 22 janvier 1963, l’Europe puissance reste, pour l’instant, un fantasme français et le prétendu « couple » franco-allemand, un drôle de couple. L’Allemagne, valet de l’Amérique, depuis sa réunification et le traité de Maastricht (1992), se fourvoie complètement : elle ambitionne d’être affermie en tant que principal pilier otanien en Europe et en tant que maître de l’UE par sa puissance économique ; cette dernière sera difficilement durable, nonobstant les faiblesses de sa démographie, car d’essence libre échangiste mondialiste dans un monde de plus en plus autarcique. Son défi actuel, ayant renoncé au nucléaire, contrairement à la France, c’est de remplacer le gaz russe bon marché pour sauver son industrie, d’où probablement de grands changements à venir dans les années qui viennent, pour des raisons également de politique intérieure, dans la politique étrangère de Berlin. L’Allemagne, un pays ami aujourd’hui soumis à l’Amérique qui veut du bien à la France et à l’Europe ?
Le Traité de l’Élysée (1963) et son préambule : le ver états-unien était déjà dans le fruit
Court et modeste, le Traité de l’Élysée, signé le 22 janvier 1963, vaut davantage par son ambition que par son contenu. Il fonde l’Office franco-allemand de la jeunesse (Ofaj). Il pose aussi les bases de la coopération entre les deux gouvernements qui « se consulteront avant toute décision, sur toutes les questions importantes de politique étrangère, et en premier lieu sur les questions d’intérêt commun ». Il évoque aussi, en pleine guerre froide, des rapprochements en matière de défense.
Mais le ver était déjà dans le fruit car un préambule états-unien fut imposé au chancelier Adenauer, pour la ratification du traité par le Bundestag le 15 juin 1963.
Il était mentionné dans ce préambule : « La nécessité d’une étroite association entre l’Europe et les États-Unis d’Amérique, la défense commune dans le cadre de l’Alliance de l’Atlantique nord et l’intégration des forces armées des États membres du pacte, l’unification de l’Europe selon la voie tracée par la création des Communautés européennes en y admettant la Grande-Bretagne, l’abaissement des barrières douanières dans le cadre du GATT ».
Dans le même esprit, lors d’un défilé commun à Mourmelon d’une division française et d’une division allemande, lors de la visite du chancelier Adenauer en France du 2 au 8 juillet 1962, l’Amérique eut le toupet de faire pression sur le ministre allemand de la Défense Franz Josef Strauss, pour que le défilé ait lieu sous l’étendard exclusif de l’OTAN, tentative qui échoua, suite à la réaction très vive du général de Gaulle.
Le bouquet, ce fut lorsque le traître Jean Monnet fit adopter par le Bundestag, le 17 octobre 1967, une résolution condamnant la politique du général de Gaulle, qu’il avait lui-même rédigée. Le chancelier allemand Kurt-Georg Kiesenger, ancien directeur adjoint de Goebbels à la propagande du IIIe Reich, qui avait beaucoup à se faire pardonner par les Américains, quitta même son siège, pour aller féliciter Jean Monnet dans les tribunes du Bundestag, tandis que tous les députés présents l’applaudissaient debout.
C’est à la suite de cet échec que de Gaulle renonça en vérité au couple franco-allemand pour se lancer dans une grande politique mondiale (Chine, URSS, Mexique, Brésil, Cambodge, Québec) combattue par les États-Unis. Tous les successeurs du général essayèrent de maintenir la fiction de l’axe politique franco-allemand, mais il ne s’agissait plus que de coopérations ponctuelles sur certains projets économiques ou militaires, pas d’une alliance solide entre la France et l’Allemagne pouvant servir de matrice à une nouvelle organisation du continent européen, ce que souhaitait de Gaulle, afin de résister à l’impérialisme américain. Les mérites de ce traité furent cependant un début de coopération pas toujours facile, souvent très décevante pour la France, et surtout une réconciliation franco-allemande effective entre les deux peuples.
Un succès marquant de ce traité fut la création en janvier 1967 de l’institut Laue-Langevin à Grenoble. Cet institut devint au fil des années un succès européen pour obtenir la plus puissante source de neutrons au monde.
La fin du rêve français et du couple franco-allemand
L’Allemagne actuelle n’a que faire de la puissance et de l’impérialisme américain ; elle n’aspire qu’à une chose : sortir de l’histoire, car l’histoire lui a trop coûté. De plus l’Allemagne n’a aucune envie d’aider la France à retrouver son rang. La seule obsession de l’Allemagne, c’est son industrie et ses excédents commerciaux. Le désir français justifié et réaliste d’une Europe autonome, indépendante des États-Unis, n’est pas partagé par l’Allemagne, ce que démontrent, entre autres, ses choix suicidaires d’achats de matériel militaire américain.
L’Allemagne souhaite une UE fédéraliste appliquant la règle de la majorité relative pour s’assurer le contrôle du marché de l’UE, devenir le leader de fait de l’UE et imposer son hégémonie économique, accepte de ne parler que l’anglo-américain plutôt que français ou allemand. L’intérêt de la France, c’est au contraire de faire exploser l’UE ou de réformer fortement l’UE pour la transformer en une Confédération des nations, avec la nécessité d’une prise décision à l’unanimité pour tous les votes importants, ce qu’avait obtenu le général de Gaulle avec les fameux accords de Luxembourg (janvier 1966).
La France recherche davantage l’approfondissement de l’UE avec moins de pays tandis que l’Allemagne recherche l’élargissement à l’Est avec 36 pays au lieu de 27 ! L’Allemagne souhaite que l’UE intègre davantage de pays pour se retrouver au centre d’une plus vaste UE.
Sur le plan économique, les Allemands et plus particulièrement les responsables de la CDU, en ont par-dessus la tête, à juste titre, des Français démagogues, laxistes et donneurs de leçons qui sont incapables de procéder à des réformes structurelles pour rendre leur économie compétitive (dépenses publiques folles, deux millions de fonctionnaires en trop, charges sociales et impôts très élevés, gréviculture suicidaire de la CGT, invasion migratoire incontrôlée) conduisant à la désindustrialisation. L’hyper-endettement de la France en faillite virtuelle (113 % de son PIB) crée un déséquilibre, un malaise évident dans le couple franco-allemand. La France n’a été prise au sérieux par les Allemands qu’avec les « poilus » de 14, le maréchal Pétain car vainqueur à Verdun, de Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing et Chirac en raison de l’excellente relation personnelle avec Helmut Schmidt et Gerhard Schroeder. (À suivre)
Marc Rousset – Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique/Pour une Alliance avec la Russie » –-Préface de Piotr Tolstoï – 370p. – Librinova – 2024
Commentaires
L'Allemagne est un pays fragilisé par le traumatisme nazi, un pays qui ne sait où il va et qui cherche désespérément à trouver sa place en étant ami de tout le monde tout en faisant des affaires pour payer ses maisons de retraite.
Il n'y a pas de couple franco allemand mais il y a au sein de l'Otan un axe de puissance potentiel franco allemand.
En terme de puissance européenne le réel c'est l'Otan. C'est un complexe militaro industriel incontournable qui associe la France et l' Allemagne au sein de l'Empire américain en crise. Comme l'Empire romain divisé en deux entre Rome et Byzance pour mieux faire face aux Barbares, de même tôt ou tard il faudra diviser l'Otan en deux avec un pilier européen et l'autre tourné vers le Pacifique. La puissance nucléaire française associée à la capacité allemande et européenne de production d'armes feront inéluctablement de l'Europe une puissance. Il suffit d'attendre, d'être patient avec l'Allemagne qui est située au cœur de l'Europe continent, et ne jamais oublier la menace globale contre la civilisation occidentale. Menace qui est d'ailleurs tout autant culturelle que militaire et diplomatique. Dans tous le domaines il faut réarmer et d'abord moralement.