Cette initiative s’inscrit dans le cadre du Plan national de covoiturage du quotidien déployé par l’Etat depuis 2023. Il s’appuie sur les collectivités financées à hauteur de 50 millions d’euros en 2023 grâce au Fonds Vert. Un principe qui rappelle la voie réservée au personnel olympique pour les JO de Paris 2024. Cette idée géniale du radar de covoiturage vient enrichir le spectre des radars et des PV de la France, déjà dotée d’un parc de 4.578 appareils automatisés en 2023, selon la Sécurité routière. Avec cette nouvelle solution, les pouvoirs publics s’évertue à lutter contre l’« autosolisme ». Ce néologisme désigne une pratique consistant à voyager seul en voiture. Evidemment, les collectivités punitives écologistes se sont engouffrées dans le dispositif.
Un dispositif intrusif et implacable
Pour ce faire, le joujou technologique de la société Pryntec peut détecter, avec ses radars, la présence de passagers et flasher les plaques d'immatriculation sur la voie de gauche réservée au covoiturage. Ce sont des petites tours d’acier noires avec une caméra thermique qui fonctionnent en permanence. Grâce à une assistance de l'intelligence artificielle et des policiers municipaux, elle peut ainsi passer au crible les vitres teintées et discerner l’homme de la poupée ou du mannequin et même de l’animal, qui ne compte pas pour un passager. Signalées par un losange blanc, elles épargnent les véhicules avec au moins deux personnes, les véhicules électriques Crit’Air 0, les taxis et les secours. A la clé, pour les contrevenants, une amende de 135 euros...
Ces voies de covoiturage ne datent pas d’hier, puisqu’elles sont entrées en vigueur en 2020 et, au 31 décembre 2023, on comptait 52 kilomètres de voies sur le territoire français. On les trouve notamment dans les agglomérations de Lyon, Bordeaux, Grenoble, Annecy, Strasbourg, Rennes et Nantes. La plupart d'entre elles sont colorées à gauche.
Au départ, la démarche se voulait « pédagogique », car pour les mauvais élèves, « un message s’affichait sur les panneaux à messages variables pour signaler aux usagers qu’ils se trouvaient sur une voie réservée », selon l’entreprise Pryntec ayant développé la solution de radars. Cependant, un arrêté publié au Journal officiel le 30 avril 2024 permet désormais aux collectivités locales compétentes de sanctionner les contrevenants. Evidemment...
Une politique en décalage avec le réel
L’enjeu, louable au départ, est de réduire l’impact carbone et de désengorger les voies. En effet, le transport est l’activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre (GES) en France, selon le Haut Conseil pour le climat. En 2022, il constituait 32 % des émissions françaises de GES. 52 % seraient du fait des voitures de particuliers. Pourtant, les voies de covoiturage sont-elles vraiment la solution?
À Strasbourg, par exemple, leur mise en place a entraîné une augmentation des ralentissements et des bouchons sur les voies classiques. La voie de gauche sur le périphérique parisien réservée au comité des JO 2024, et peut-être bientôt aux covoitureurs, a donné la température. Selon Fabrice Godefroy, expert Mobilité et Environnement pour l'association 40 millions d'automobilistes, « le 15 juillet, avant les JO, il n’y avait personne à gauche et les autres voies étaient totalement bouchées ». Par ailleurs, qui dit plus de passagers dans une voiture dit moins de voitures, en principe. Mais avec cette politique, c'est aussi une voie en moins pour 97 % des automobilistes particuliers. « Le covoiturage, aujourd'hui, représente 3 % des déplacements quotidiens », déclare Fabrice Godefroy, interrogé par BV. Selon lui, il faudrait avoir une vision à 360 degrés réaliste au quotidien et des infrastructures nécessaires avant d'installer ce genre de voie. « Pour les trajets longue durée, c'est très bien, il y a de nombreuses offres qui existent, mais au quotidien, pour du banlieue-Paris et du Paris-banlieue, c'est très compliqué de trouver quelqu’un qui part à la même heure, du même endroit pour le même endroit », ajoute-t-il, quand on sait que 70 % des déplacements domicile-travail, si l'on en croit le gouvernement, sont réalisés avec des véhicules individuels.