Le phénomène n’est pas nouveau. Dans les jours qui suivirent l’assassinat d’Arnaud Beltrame, en 2018, les autorités tardèrent à communiquer le rapport d’autopsie, si bien que beaucoup crurent qu’il avait été tué par balle, jusqu’à ce que les gazettes confirment qu’une « plaie gravissime de la trachée et du larynx ayant entraîné une détresse respiratoire » était à l’origine du décès. Cela s’appelle un égorgement. Hélas, il est manifestement malvenu de mourir d’une hémorragie par section de la carotide. Parce que la bestialité de l’acte apparaît, la victime ayant été saignée comme un animal, comme un mouton à l’aïd ou comme un « chien d’infidèle ». Parce que cela renvoie à une tradition de mise à mort culturelle qu’il n’est pas de bon ton de rappeler. Souvenons-nous, en effet, qu’en Algérie, le FLN égorgeait en nombre ceux qui s’opposaient à lui. La pratique fut si courante qu’on parlait alors de « sourire kabyle » pour évoquer cette sanglante méthode d’exécution… L’égorgement fut encore abondamment utilisé par le GIA pendant la guerre civile des années 1990.
Une manipulation médiatique et politique
L’objectif de cette manipulation sémantique est évident : nier l’origine culturelle et étrangère de l’insécurité et, ce faisant, invisibiliser la dimension raciale d’innombrables crimes ou méfaits. Une bonne partie de la classe dirigeante s’y prête avec application, épaulée dans son entreprise négationniste par le parti médiatique, soucieux de couper l’herbe sous le pied d’une « extrême droite » avide de « faits divers ». C’est pour cela, aussi, que des prénoms trop exotiques furent régulièrement modifiés dans les comptes rendus journalistiques, ces dernières années.
La tromperie est largement employée. La mauvaise foi et le mensonge aussi. Bien décidés à exonérer de tout péché les représentants de la diversité, les médias vont jusqu’à contester l’origine étrangère du terrorisme. Ils mentent, ainsi, sur l’identité des égorgeurs et tentent de faire croire qu’il s’agit de citoyens parfaitement lambda, des petits gars bien de chez nous. « Sur les 30 derniers terroristes confondus pour des actes commis sur notre sol, 22 étaient français, 8 seulement étrangers », pérore Le Monde, persuadé de tenir là un argument massue. Ce que le quotidien ne précise pas, c’est que ces « Français » se prénommaient Youssef, Hanane, Chérif, Khamzat, Radouane, Karim, ou encore Ziyed et étaient, bien évidemment, issus de l’immigration. Il en va ainsi dans plus de 90 % des cas.
L’injonction à l’égorgement
Le 28 mai 2021 encore, après un nouvel attentat à La Chapelle-sur-Erdre, le ministre de l’Intérieur se précipita devant les caméras pour affirmer que le forcené - un certain Ndiaga Dieye - était bien « un Français né en France ». Mais qu’avait donc cet homme de « français », si ce n’est son lieu de naissance et sa carte Vitale ? S’ils sont parfois détenteurs de papiers administratifs en bonne et due forme, les djihadistes ne se considèrent pas comme nos concitoyens et la plupart d’entre eux le proclament haut et fort en prêtant allégeance à un État ennemi qui a juré notre perte. Ils se sont donné pour mission de tuer un maximum de « kouffars », choisissant en général le couteau comme arme de prédilection, conformément aux directives régulièrement rappelées par les chefs de l'État islamique. Et l’égorgement pour méthode de mise à mort.