par Gilbert Doctorow
Au cours des deux dernières semaines, de nombreux articles ont été publiés dans le New York Times et d’autres grands diffuseurs des lignes de propagande de la CIA et de la Maison-Blanche concernant une prétendue présence de troupes nord-coréennes en Russie pour combattre à Koursk contre les forces ukrainiennes qui s’y trouvent. Les services de renseignement américains auraient repéré, grâce à des images satellite, quelque 12 000 fantassins nord-coréens en Russie, dont 10 000 auraient été incorporés dans une force russe de 50 000 hommes qui, d’un jour à l’autre, lancerait une attaque générale contre les Ukrainiens qui occupent encore ce territoire de la Fédération de Russie.
Ces mêmes articles nous apprenaient que le gouvernement des États-Unis considérait l’introduction de troupes nord-coréennes dans la bataille comme une grande escalade de la guerre de la part du Kremlin. Ce n’était donc qu’une question de temps avant que Washington ne réponde par sa propre contre-escalade. L’annonce faite hier par le bureau de Biden nous a appris qu’il venait de décider de donner à Kiev la liberté d’utiliser des missiles ATACMs fournis par les États-Unis et dotés d’un rayon d’action de 300 km pour frapper à l’intérieur de la Fédération de Russie comme il le souhaite.
Comme je l’ai fait remarquer hier, cette décision annule la décision prise par Biden le 14 septembre de ne jamais autoriser l’utilisation de ses missiles à moyenne ou longue portée à l’intérieur de la FR. Cette décision lui a été imposée par les responsables du Pentagone qui auraient fait référence à l’intention clairement affichée par Poutine quelques jours plus tôt d’en faire un casus belli contre les fournisseurs des missiles (dans le cas de l’ATACMS) ou de la technologie nécessaire au fonctionnement de ces missiles (dans le cas du Storm Shadow).
Pour ne pas nous laisser hyperventiler par les risques auxquels Biden exposait les États-Unis continentaux, des sources d’information américaines non officielles nous apprennent ce matin que Washington a insisté pour que Kiev ne frappe avec l’ATACMS que des cibles situées dans l’oblast de Koursk, ce qui conforte l’idée que l’objectif est strictement une riposte proportionnelle à la présence nord-coréenne dans cette région. En effet, si l’on s’en tient à la version russe de l’utilisation de ces armes, à savoir que toute la préparation et le ciblage sont effectués par des soldats américains ou des sous-traitants de l’armée américaine, quelles que soient les frappes sur la Russie utilisant des ATACMS que Kiev peut revendiquer, le véritable contrôle repose sur les Américains, qui savent donc très bien ce qui sera frappé et à quel endroit.
Laissons de côté pour l’instant le fait que la limitation géographique des attaques n’est que temporaire et qu’elle sera élargie dans un avenir proche lorsque Washington sera prêt à passer à la vitesse supérieure. Soyons explicites sur ce que signifie l’attaque de la région de Koursk.
Il n’y a que deux types de cibles possibles dans l’oblast de Koursk qui méritent d’être discutées. La première est une concentration de troupes russes et nord-coréennes effectuant l’opération de nettoyage de Koursk. Les frappes d’ATACMs à cet endroit n’obligeront probablement pas les Russes à réagir dans un premier temps. La seconde concerne la centrale nucléaire de la région, qui était considérée comme le butin initialement recherché par Kiev au début de son incursion.
Rappelons que la centrale nucléaire de Koursk est une centrale de type ancien qui n’est pas recouverte d’un dôme de protection en béton pour contenir les fuites radioactives et empêcher les frappes de missiles de la mettre hors d’état de nuire. par conséquent, une frappe d’ATACMs sur la centrale créera probablement une fuite importante, voire dévastatrice, de particules radioactives dans toute la région, c’est-à-dire principalement sur le territoire russe. Une telle éventualité forcerait la main de Poutine à répondre par une attaque nucléaire, probablement sur la partie continentale des États-Unis avec tous les moyens que cela implique.
Avant de conclure ce commentaire, je suis obligé de dire quelle signification je vois à l’entrée de soldats nord-coréens sur le territoire de la Fédération de Russie et éventuellement à leur déploiement à Koursk.
Je suis d’accord avec Washington pour dire qu’il s’agit d’une escalade importante de la part des Russes. Mais cela n’a rien à voir avec la guerre en Ukraine et autour de l’Ukraine. Il s’agit d’une réponse russe aux actions des États-Unis en Extrême-Orient, où ils mobilisent la Corée du Sud et le Japon contre la Chine dans le cadre de leur politique d’endiguement, contre la RPDC afin d’appliquer les menaces maximales contre Pyongyang, et …. contre la Russie dans le cadre de sa politique d’endiguement sur l’ensemble de la Fédération de Russie.
En exerçant ses droits au titre du traité de défense mutuelle récemment ratifié avec la RPDC et en invitant Pyongyang à déplacer un important contingent de combattants à la frontière occidentale de la Fédération de Russie, Moscou signifie à Washington que sa propre «sphère d’influence», si je puis paraphraser Barack Obama dans son insulte largement citée à Poutine concernant la place de son pays dans le monde, s’étend à de très nombreuses régions, comme on peut s’y attendre de la part du plus grand pays du monde, qui représente 12% de la masse terrestre de la planète.
Soyons francs, la Russie est bien placée, de par sa frontière terrestre commune avec la RPDC, pour permettre à Pyongyang d’envahir la Corée du Sud au moment de son choix. Et c’est ce qui a déclenché l’alarme dans le camp de Biden, pas la force de combat supplémentaire dérisoire que la RPDC ajoute à une armée russe de 600 000 hommes qui se trouve dans la zone de guerre avec l’Ukraine ou juste à côté.
source : Gilbert Doctorow