La récente annonce du gouvernement concernant une baisse des remboursements des médicaments et des consultations médicales pour 2025 vient confirmer une tendance inquiétante : la transformation progressive du système de santé français en un modèle à plusieurs vitesses. Alors que les prélèvements sociaux continuent de peser lourd sur les contribuables, le service rendu semble s’éloigner de plus en plus de la promesse d’égalité d’accès aux soins. Cette situation reflète à la fois une américanisation rampante et une tiers-mondisation alarmante de la santé publique dans l’Hexagone.
Déremboursements : un transfert des coûts vers les patients
La ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, a annoncé que le taux de remboursement des médicaments par la Sécurité sociale diminuera de 5 % en 2025, tout comme celui des consultations médicales. Cette réduction, bien que présentée comme une mesure « raisonnable » par rapport à une augmentation initialement envisagée de 10 %, entraînera un transfert de près de 900 millions d’euros de coûts supplémentaires vers les complémentaires santé.
Ces décisions s’inscrivent dans une stratégie gouvernementale visant à économiser 5 milliards d’euros sur les dépenses de santé. Parmi les mesures phares : une baisse des prix des produits de santé pour 1,2 milliard d’euros, des « mesures d’efficience » à l’hôpital pour 600 millions d’euros, et des économies similaires sur les soins de ville.
Cependant, cette rationalisation des coûts se traduit par une pression accrue sur les ménages, notamment ceux qui peinent déjà à financer leurs complémentaires santé. L’augmentation du « ticket modérateur », qui désigne le reste à charge des patients, illustre cette dérive inquiétante : les soins deviennent de plus en plus une affaire de moyens financiers, remettant en cause le principe fondateur de solidarité.
Un système de santé à deux vitesses
La baisse des remboursements des consultations et des médicaments s’ajoute à une série de mesures qui ont progressivement affaibli le système de santé français. Fermetures de lits, régulations drastiques des urgences, suppressions de maternités : autant de décisions qui éloignent l’accès aux soins pour de nombreux Français, notamment dans les zones rurales.
Ce phénomène s’apparente à une américanisation du système, où les inégalités d’accès se creusent au profit de ceux qui peuvent se permettre des assurances privées performantes. Parallèlement, les professionnels de santé sont soumis à une pression croissante pour répondre aux impératifs budgétaires, au détriment parfois de la qualité des soins.
La tiers-mondisation de la santé publique se manifeste également par une situation paradoxale : malgré des prélèvements sociaux parmi les plus élevés d’Europe, les citoyens français voient leur pouvoir d’achat stagner et leur accès aux services essentiels se restreindre.
L’impasse budgétaire : un faux prétexte ?
La justification avancée par le gouvernement pour ces déremboursements repose sur un « dérapage » des dépenses de santé, notamment des médicaments, évalué à 1,2 milliard d’euros en 2024. Pourtant, la mise en cause des laboratoires pharmaceutiques reste limitée, la « clause de sauvegarde » n’étant envisagée qu’en cas d’échec des négociations.
Cette politique interroge : pourquoi privilégier des économies sur les patients et les hôpitaux, plutôt que de s’attaquer aux marges parfois astronomiques des grands groupes pharmaceutiques ou à l’opacité de certains mécanismes de fixation des prix des médicaments ? La réponse pourrait se trouver dans un scandale politique, où les intérêts des industriels semblent peser plus lourd que ceux des citoyens.
Les conséquences humaines : une bombe à retardement
Au-delà des chiffres, les conséquences humaines de ces choix budgétaires sont alarmantes. Selon une enquête récente, près d’un Français sur deux craint de devoir renoncer à des soins pour des raisons financières en 2025. Cette situation, digne d’un pays en voie de développement, traduit un recul historique pour une nation longtemps considérée comme un modèle en matière de santé publique.
Les fermetures de services hospitaliers et la saturation des structures restantes engendrent également un stress chronique pour les professionnels de santé, épuisés par des conditions de travail de plus en plus précaires. Le risque de désaffection des vocations dans les métiers médicaux et paramédicaux s’ajoute à ce tableau déjà sombre.
Alors que les Français continuent de supporter une des fiscalités les plus lourdes au monde, la dégradation continue de leur système de santé suscite un sentiment d’injustice. Entre la stagnation des salaires, l’augmentation des prélèvements obligatoires et la réduction des services publics, la fracture sociale ne cesse de s’aggraver.
Pour mettre le feu à un pays déjà en crise profond, il n y a pas mieux.
Illustration : DR
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