Ainsi, le parcours passé de Darmanin, venu de LR et passé par les ministères des Comptes publics puis de l'Intérieur, lui a-t-il permis d'avoir une certaine audience dans l'électorat macroniste de centre droit. La Justice représentait pour lui une excellente occasion de polir son image gaucho-compatible. C'est ce sillon qu'il creuse dans son interview au Parisien. Ses modèles, comme garde des sceaux ? « Bien sûr, on pense tous à Robert Badinter, déclare-t-il. Mais il y a aussi René Cassin. Il a été le ministre de la Justice du général de Gaulle et il est parvenu à démontrer l’inconstitutionnalité du régime de Vichy. Il a été le premier à souhaiter la citoyenneté des Juifs et des musulmans en Algérie. Ce qui me touche dans mon histoire personnelle. » Robert Badinter, Vichy et Moussa Darmanin. Trois cartes abattues en deux lignes qui devraient permettre à Darmanin d'éviter de figurer sur un mur des cons du Syndicat de la magistrature. Et, accessoirement, de distancer une Borne et un Attal dans le futur leadership du parti macroniste.
Mais dans son « en même temps », Darmanin s'est emparé du dossier du narcotrafic qui, de règlements de comptes marseillais en évasion meurtrière de Mohamed Amra, commence à inquiéter sérieusement les Français qui découvrent l'ampleur de la gangrène et de l'impuissance de l'État. D'où toute une série de mesures concrètes qui, si elles sont effectivement appliquées, sont évidemment positives. Jeudi, il a promis d'organiser des opérations « place nette » dans les prisons, à l'image de celles qu'il a lancées sur des points de deal dans les grandes villes françaises. Même si leur efficacité a été mise en doute par la commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic, dans son rapport du 7 mai 2024. Mais « place nette » est peut-être un concept politique d'avenir, au-delà du narcotrafic et du macronisme finissant, tellement les Français n'en peuvent plus de ces maladies qui rongent le pays depuis des années. Pour en revenir aux prisons, où nos narcotrafiquants sont heureux comme Dieu en France, Darmanin souhaite les « nettoyer » des téléphones portables qui leur permettent de continuer à gérer leurs trafics en télétravail. Dans Le Parisien, Darmanin va plus loin et veut mettre à l'isolement les cent plus gros chefs de réseaux, comme les terroristes djihadistes. C'est indispensable, mais cela aura un coût. Et l'on en vient, comme Darmanin défendant son budget, à parler gros sous. Ces gros sous que le macronisme a dilapidés.
En 1981, Badinter et la gauche pouvaient se permettre tous les délires : la France avait été à peu près bien gérée jusque-là et elle n'était pas encore ravagée par l'immigration de masse et le narcotrafic. Mais dans ce pays en lambeaux qu'elle est aujourd'hui, Badinter ne saurait être l'homme de la situation, même à titre de simple totem. Juste le badge pour entrer à un congrès du Syndicat de la magistrature. Et Darmanin le sait bien. Quant à Darmanin lui-même, ex-ministre des Comptes publics et de l'Intérieur, il est comptable du bilan désastreux de sept ans et plus de la présidence Macron en matière financière et sécuritaire. Il est donc parfaitement à sa place dans ce dernier ballet du crépuscule macroniste.