Une troisième circulaire envoyée aux préfets
Bruno Retailleau « se darmanise ». Dans les couloirs de la préfecture des Yvelines, les quelque journalistes présents ironisent sur le retard du ministre de l’Intérieur. Celui-ci arrivera finalement avec seulement une petite demi-heure de retard après avoir rencontré le préfet et visité la direction des migrations du département. Devant une dizaine de journalistes, Bruno Retailleau présente avec « pédagogie » sa nouvelle circulaire. Envoyée aux préfets et mise en application dès ce 24 janvier, la nouvelle circulaire tente de rappeler que la « régularisation n’est pas un droit. » « Il n’y a pas de droit automatique à la régularisation. » Près de quinze ans après la circulaire Valls, le nouveau locataire de la Place Beauvau considère que « beaucoup de choses ont changé » et, donc, que les règles doivent changer. Si on ne le fait pas, « on encourage un appel d’air », affirme-t-il, ce vendredi.
Cette nouvelle circulaire concrétise une vieille promesse du ministre, faite au mois d'octobre 2024. Au soir du vote de la motion de censure, en décembre, BV s'inquiétait que la circulaire Valls n'ait pas été abrogée, comme cela avait été promis. Le cabinet du ministre nous assurait alors que le texte était prêt et que si Bruno Retailleau « était reconduit, il serait signé ». Début janvier, aucune nouvelle... L'entourage du ministre nous demande de patienter jusqu'au discours de politique générale du Premier ministre. Il aura fallu attendre ce 23 janvier, plus de trois mois après la promesse initiale, pour que la nouvelle circulaire soit enfin signée.
Faire de la régularisation une « exception »
Ce document de trois pages - contre douze pages pour la circulaire Valls - redéfinit les critères de l’AES, une filière qui représente jusqu’à présent, chaque année, entre 30.000 et 35.000 régularisations de clandestins déjà présents sur le sol français. Le ministre de l’Intérieur préconise, désormais, une durée de séjour d’au moins sept ans - contre cinq ans précédemment - afin de pouvoir prétendre à ce titre de séjour. Selon la circulaire, « une durée de présence d’au moins sept ans constitue l’un des indices d’intégration pertinent ». Dans ses consignes, Bruno Retailleau demande également qu’un certain niveau d’intégration soit respecté et évalué pour l’AES : preuves d’une maîtrise de la langue française, socialisation, signature d’un contrat de respect des valeurs républicaines, mode de vie à la française… « Quand, au bout de plusieurs années, on ne parle pas français, c’est qu’on n’a pas produit d’effort », constate ainsi le ministre. La polygamie est proscrite.
Par ailleurs, « l’AES d’un étranger en situation irrégulière ne peut intervenir qu’en l’absence de menace à l’ordre public » et d’obligation de quitter le territoire français (OQTF), rappelle la circulaire. Bruno Retailleau demande, enfin, aux préfets « d’assortir systématiquement le refus de séjour d’une mesure portant obligation de quitter le territoire français ». Sur ce sujet des OQTF, dont le taux d’exécution reste toujours très bas (7 %), il espère que la nomination de Patrick Stefanini, chargé de nouer des accords bilatéraux, et la potentielle réécriture de la « directive retour » - qu’il surnomme la « directive de non-retour » - au niveau européen permettront de redresser la barre.
« Fermeté » est donc sans aucun doute le nouveau mot d’ordre, répété inlassablement par le ministre à chaque question. En ce qui concerne l’AES au titre du travail, le locataire de Beauvau demande ainsi aux préfets de faire preuve de « la plus grande fermeté » : vérifier l’effectivité du travail, l’insertion sociale, le respect de l’ordre public et des valeurs de la République. « On ne va pas régulariser ceux qui ont commis des infractions ou des délits sur le territoire », souligne-t-il. Une remarque pleine de bon sens…
Avec cette circulaire, le premier flic de France entend envoyer un message clair aux différentes filières d’immigration : « la voie de la régularisation est exceptionnelle ». « Sinon, on dit au monde entier, venez chez nous clandestinement ! Sinon, c’est un permis de frauder », conclut le ministre.