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Le retour des gens ordinaires

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par Gérard Leclerc

Le géographe Christophe Guilluy s’est fait connaître pour ses travaux mettant en évidence « la France périphérique » : celle qui vit au-delà des métropoles mondialisées et réunit la plus grande partie de la population. Selon lui, les mouvements profonds auxquels nous assistons sont liés à un phénomène de dissociation qui a éloigné de plus en plus cette population de ce qu’il convient d’appeler « les élites ». Si l’on n’a pas en tête cette donnée essentielle, l’évolution du pays, et même au-delà celle du monde occidental est proprement illisible. C’est pour renforcer sa réflexion et sa démonstration qu’il publie ces jours-ci un essai plus personnel, Métropolia et Périphéria. On ferait bien de lui prêter la plus grande attention car sa lucidité nous aide à nous situer, à tous les points de vue, y compris pastoral, face aux enjeux civilisationnels de notre temps.

On sait le goût du pape François pour les périphéries. Est-ce à dire qu’il y aurait entre lui et notre géographe une connivence intéressante ? L’affaire serait à examiner de près, mais on peut au moins avancer que la notion de périphérie établit un partage entre des catégories sans doute privilégiées et d’autres qui sont éloignées des facilités de la vie. Le regard sociologique précise certains caractères actuels qui expliquent, par exemple, la récente victoire de Donald Trump. Dans un entretien au Figaro (24 février), Christophe Guilluy insiste sur les raisons de ce succès. Le président américain, dit-il, s’est adapté à un mouvement auquel son vice-président J.D. Vance l’a rendu attentif. Les catégories populaires ne ressemblent plus à celles du siècle passé.

« Cette majorité ordinaire est – comme en France – largement désidéologisée – avec la fin du clivage droite/gauche – et autonomisée – c’est la conséquence de l’ostracisation dont elle est victime. Enfin, elle s’est recomposée démographiquement. » On peut apprécier la portée de ces jugements en prenant la mesure du changement considérable de la carte électorale française, avec le déclin des formations qui ont dominé la vie parlementaire. Le Rassemblement national n’a pu conquérir une part considérable de cet électorat qu’en raison des mutations profondes de notre géographie humaine.

Sans doute, les analyses de Christophe Guilluy se heurtent à quelques objections. Il ne rejoint pas, bien au contraire, le concept d’« archipel français », sur lequel insiste Jérôme Fourquet. Il ne croit pas à une division du pays en autant d’îlots différenciés – concept qui revient à nier l’existence d’une réalité sociologique massive. Guilluy est persuadé, au contraire, que son clivage ne cesse de se renforcer à mesure que l’élite se replie de plus en plus dans ses citadelles métropoles.

On peut se demander aussi à quel point il ne pèche pas par optimisme en recourant à un sens moral inné des classes populaires, cette « décence commune » qu’avait mise en valeur George Orwell et sur laquelle un Jean-Claude Michéa a fondé une grande partie de sa pensée politique. Mais le mérite de cette insistance est d’inviter à tenir compte des vertus élémentaires qui vont dans le sens du bien commun et de la solidarité.

Christophe Guilluy considère aussi, avec la plus grande bienveillance, le cas de J.D. Vance, choisi par Donald Trump pour l’accompagner à la Maison-Blanche. Le destin singulier de cette personnalité, née au sein de la plus extrême pauvreté et qui est parvenue au sommet du fait d’un prodigieux effort personnel, constitue un exemple de ce que peut être l’émergence d’une élite issue de la périphérie. Et nous savons, pour notre part, que la conversion de J.D. Vance au catholicisme est significative de sa stature morale et civique.

https://www.actionfrancaise.net/2025/03/09/le-retour-des-gens-ordinaires/

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