Souvenez-vous : lors d’une chronique sur RTL, le 25 février dernier, le journaliste avait prétendu que des « centaines » d’Oradour-sur-Glane avaient été commis par la France en Algérie. « On s’est comporté comme des nazis ? », l’avait alors repris le présentateur Thomas Sotto, abasourdi. « Non, les nazis se sont comportés comme nous », avait rétorqué le chroniqueur, jamais à une énormité près.
Immédiatement saisie, l’Arcom, régulateur de l’audiovisuel en France, a annoncé avoir ouvert une instruction. RTL a également déploré une comparaison « inappropriée » et s’est désolidarisée de son chroniqueur en le mettant sur la touche pour une semaine.
Mais, sur X, Jean-Michel Aphatie a semblé s’étonner de cette sanction. « J’ai été suspendu professionnellement, ce qui ne m’était jamais arrivé […] La liberté d’expression, beaucoup portée en écharpe ces derniers temps, s’apparente à une vaste rigolade… » Pour appuyer sa thèse d’un injuste traitement de défaveur, le malheureux a cru bon de comparer son sort à celui d’Éric Zemmour. « En dix ans de provocations et de remarques méprisantes et injurieuses, malgré des condamnations judiciaires qui ont fait de lui un délinquant, Éric Zemmour n’a jamais été suspendu par une entreprise de presse. Il a au contraire été promu. » Le président du parti Reconquête est en effet la cible d’un véritable harcèlement judiciaire. Jean-Michel Aphatie a raison de le rappeler. En revanche, il oublie d’indiquer que, contrairement à lui, Éric Zemmour propose des analyses étayées par une connaissance fine de l’Histoire. Là est toute la différence.
L’ombre du « Bolloréland »
Sans surprise, le journaliste n’a pas pu s’empêcher de se victimiser, imaginant derrière les critiques reçues l’ombre d’un certain groupe de presse. « J’ai été roulé dans le mépris et l’injure par le Bolloréland, a-t-il estimé, sur X. Cyril Hanouna m’a insulté. C’est un réflexe. Pascal Praud m’a insulté. C’est corporate. Le Figaro a rejoint le Bolloréland. » Réduire l’ensemble de ses contempteurs à un patron de presse unique, c’est bien pratique.
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La reductio ad Bolloréum est d’autant plus fallacieuse que, si Cyril Hanouna, Philippe de Villiers et Michel Onfray l’ont en effet rhabillé pour l’hiver prochain, Jean-Michel Aphatie a été sévèrement corrigé par d’autres personnalités qui n’ont rien à voir avec CNews ou C8. Spécialiste de l'histoire de la colonisation en Algérie, Jacques Frémeaux, par exemple, a qualifié sa comparaison osée de « non-sens historique » et rappelé que les « enfumades » auxquelles Aphatie faisait référence n’avaient aucune visée génocidaire. Il s’agissait, en réalité, de soumettre les tribus locales « en imaginant que cette soumission allait leur permettre la prospérité et le progrès ».
Même sur France Télévisions, l’association faite entre colonisation et nazisme a été battue en brèche. « Le crime de guerre qui est désigné, qui peut être véridique, n'a plus rien à voir avec le crime de guerre initial qui a servi de repère », a ainsi relevé l'historien Pascal Plas, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale.
L’indignation des premiers concernés
Les historiens ne sont pas les seuls à avoir bondi en entendant les propos du sieur Aphatie. Maire d’Oradour-sur-Glane, Philippe Lacroix a dénoncé un discours « stupide et choquant ». « Comparer le massacre d’Oradour-sur-Glane à tout autre crime, c’est minorer ce qui s’est passé ici le 10 juin 1944, s’est-il écrié. C’est une forme de révisionnisme. » Même condamnation du côté d’Agathe Hébras, la petite-fille du dernier survivant du 10 juin 1944, Robert Hébras, décédé il y a deux ans. Idem pour Benoît Sandry, président de l'Association nationale des familles des martyrs d'Oradour, qui a dénoncé une recherche du « buzz permanent ».
Hélas, sur ce plan, Jean-Michel Aphatie a incontestablement remporté la partie.